Le football féminin est aussi européen. Il pourrait l’être de plus en plus. Jackie Noëlle Groenen en est l’exemple. Agée seulement de 21 ans, elle a déjà porté les couleurs de Essen (Bundesliga, 2011), FCR Duisbourg (Bundesliga, 2011-2013), Chelsea (2014-2015), et cette année le FFC Frankfurt (2015). Néerlandaise, s’entrainant en Belgique, sélectionnée en jeune pour les Pays-Bas, elle a déjà bien couru le monde européen avec ses quatre environnements : Belgique, Allemagne, Angleterre et Pays-Bas.

Qualifiée pour la demi-finale de la Ligue des Champions 2016 face à Wolfsburg, ancienne judokate, médaille de bronze aux championnats d’Europe 2010 des -17 ans, championne des Pays-Bas -20 ans en 2011 dans la catégorie des -44 kgs ; voilà une jeune femme qui ne se pose pas longtemps des questions.

Blessée lors d’une compétition de judo à la hanche en 2011, .. elle décide de cesser sa double activité pour se consacrer exclusivement au football. Comment se construit sa jeune carrière ? Laissons lui la parole.

Jackie Groenen, quand et comment avez-vous commencé à jouer au foot? 

C’est que c’était quelque chose qui était déjà dans notre famille, mon père était déjà joueur de foot, même un peu pro et mon grand-père jouait aussi au foot, tout cela, ça vient de ma famille. Puis ma soeur a commencé à jouer au foot et je voulais aussi faire tout ce que ma soeur faisait et c’est pour cela que moi aussi, j’ai commencé.

Je crois, à ce moment j’avais cinq ans et c’était avec une équipe de garçons. Cela m’a plu dès le début, et c’est comme ça que j’y suis entré.

Quel était votre premier club? 

C’était Goirlese Sportvereinigung Blauw Witun, un petit club néerlandais. En ce temps nous habitions en Belgique, mais mon père a toujours eu de la clairvoyance. Il regardait vers l’avenir et il a voulu que je joue le plus longtemps possible chez les garçons. Aux Pays Bas les filles peuvent le faire jusqu’à 19 ans, mais de l’autre côté de la frontière, en Belgique, on peut seulement jouer jusqu’à treize ans. C’est la raison pour laquelle nous avons pratiqué ce sport dans les Pays-Bas.

En 2011, un beau jour, vous avez quasiment surgi dans la Frauen-Bundesliga en Allemagne. Comment cela s’est fait? 

Nous n’avions pas prévu cela. À ce moment je jouais dans une équipe de garçons, je m’y sentais aussi très bien, et on voulait continuer jusqu‘à l’âge de 19 ans, et je voulais entrer seulement après dans une équipe féminine. On ne regardait que quelques matches de foot féminin. On en avait vu dans les Pays-Bas, l’Eredivisie, et on est allé un peu en Belgique pour voir. La seule idée était de voir un peu où je serais quatre ans plus tard.

Et puis nous avons décidé de voir un match de la Frauen-Bundesliga, le championnat le plus fort du monde. C’est par hasard qu’on s’est retrouvé à Essen où on a regardé un match et mon père il m‘a dit tout simplement: „Je crois que tu serais capable de jouer ici.“ Moi j’ai dit: „Non, je suis trop jeune, trop petite, je ne peux pas, pas encore.“ Mais mon père a insisté «Tu peux essayer, tu vas à l’entrainement et tu verras, combien d’années sont encore nécessaires».

Alors après le match je suis tout simplement allée -je crois- chez l’entraîneur des gardiennes et j’ai dit : « Bonjour, je joue au foot, je m’appelle Jackie, j’aimerais bien participer à un entraînement ici.“ En ce moment j’avais 15 ans, j’étais vraiment encore petite, je mesurais 1 mètre 50, il s’est moqué un peu de moi, puisque ce n’est pas normal que tout simplement quelqu’un se présente comme ça et parle à un responsable d‘un club de la Frauen-Bundesliga en disant : « Je suis untel, j’ai envie de jouer. »

Markus Högner, l’entraîneur du SGS Essen, était d’accord que je participe à un entraînement pour voir. Ils ont organisé un match amical entre la première de Essen et la réserve et après ce match on m’a proposé un contrat de trois ans. Mais j’ai encore réfléchi si déjà je pouvais le faire, puis finalement j’ai pensé: « Pourquoi pas ? « 

Un de vos premiers matchs sous les couleurs du SGS Essen a eu lieu le 30 janvier 2011 contre le FFC Turbine Potsdam. Après le match les médias ont spécialement parlé de votre jeu, avec beaucoup de respect et des louanges. Vous aviez juste 16 ans, est-ce que vous pouvez vous souvenir de ce qui s’est passé ce jour ?

Je m’en souviens bien, j’étais hyper-nerveuse, ma soeur qui elle aussi évoluait à Essen, était aussi dans le vestiaire, je lui ai dit : « Merel, je ne sais pas, si je vais y arriver, et je dois débuter. » Je ne savais même pas quelles grandes internationales de Turbine Potsdam étaient sur le terrain, je n’en avais aucune idée. Leurs noms ne me disaient dit – Bajramaij [Alushi] – je ne savais pas qui c‘était. En ce temps j’étais encore si libre dans ma tête, je n’ai pas beaucoup réfléchi. J’ai simplement joué, comme je pensais que c’était bien et je crois que j’ai fait un des meilleurs matches de ma carrière. J’ai montré ce dont j’étais capable. Pour moi cela s’est très, très bien passée.

La ville d’Essen se trouve à une certaine distance des Pays-Bas, et de votre domicile en Belgique. En même temps vous avez aussi pratiqué un autre sport. Comment avez-vous pu faire tout cela? 

Aux Pays-Bas j’étais déjà dans une école de sport. De cette façon,  je pouvais m’organiser en faisant du judo de 9:30 jusqu’à 11:00, puis j’avais mes cours et vers 14:00 ou 14:30 mon père venait me chercher en voiture pour aller à Essen. Chaque jour nous faisions deux heures aller et deux heures retour.

Le judo m’a donné beaucoup de puissance et de stabilité. Cela m’a apporté beaucoup pour le foot. Même plus tard quand j’ai évolué a Duisburg. Pendant trois ans, cela signifiait que tous les jours, j’allais de l‘école au terrain de foot et de retour chez nous. La plupart du temps on arrivait tard chez nous, j’avais encore des devoirs à faire, et le jour suivant – tout recommençait.

A partir du championnat 2011/2012 vous avez joué pour le FCR 2001 Duisburg le club qui avait gagné la Coupe féminine de l’UEFA en 2009, un très important club du foot féminin en Allemagne. Comment cela s’est passé? 

Déjà quand j’avais ce match amical avec Essen, c’était par hasard qu‘un scout de Duisburg était présent et dans la semaine suivante j’ai reçu un coup de téléphone de Mme Martina [Voss] entraîneur, qui voulait que je joue pour Duisburg. Pour moi c’était génial, à mes yeux Duisburg, dans cette période, était le meilleur club du monde et j’étais déjà heuereux que le club de Essen s’intéressait á moi. Je me suis décidé pour Essen. Il est vrai que n’avais pas encore signé un contrat, mais j’avais promis de venir. Je pensais aussi que c’était mieux pour moi de me décider pour Essen, parce que j’espérais avoir plus de temps pour jouer et pour encore mieux me développer, tandis qu’à Duisburg il n’y avaient que de grandes joueuses, des stars et me retrouver sur le banc à Duisburg ne m’aurait pas avancée, tout cela, c’étaient mes pensées. Quand j’ai quitté Essen, Martina m’a appelé de nouveau et j’ai tout de suite dit que je viendrai. Pour le championnat 2011/2012 je suis allé évoluer au FCR 2001 Duisburg où j’ai joué pendant deux ans et demi.

Le FCR 2001 Duisburg était obligé, pour des raisons financières, de se dissoudre, comment est-ce que cela s’est passé pour vous quand beaucoup de joueuses ont quitté le club ou ont signé au MSV Duisburg [club de foot masculin avecd un section féminine depuis 2014] Est-ce que vous avez eu l’idée d’évoluer, par exemple, dans le championnat néerlandais?

J’ai trouvé tout cela très triste ce qui s’est passé à Duisburg après tous les grands succès de ce club. Je n’avais pas attendu cela quand j’y suis allée. Je n’ai pas pensé au championnat néerlandais, mais ce n’était pas une décision comme ‘Je ne veux pas jouer dans les Pays-Bas’. Cela s’est tout simplement passé comme ça. Je suis allé jouer à Essen sans trop de plans, je suis allé à Duisburg sans avoir fait des plans, et les Pays-Bas on n’en a pas parlé. Peut-être si quelque chose d’autre serait passée, cela aurait pu m’arriver de jouer dans les Pays-Bas. C’était un développement rapide pour moi et comme j’étais déjà en Allemagne, je ne voulais pas si vite quitter ce championnat. En ce temps le championnat dans les Pays-Bas n’etait pas aussi fort et développé comme c’est le cas maintenant.

Et à ce moment vous avez réfléchi, si le championnat anglais pourrait être votre nouveau championnat?

Cela faisait trois ans que je jouais en Allemagne et je voulais faire autre chose. J’ai aussi pensé brièvement à la France et j’ai regardé vers la Suède, mais en Angleterre j’avais de la famille, et puisque j’aurais dû quitter ma famille pour la première fois, c’était un aspect très important pour moi. Je suis une personne pour qui la famille est très importante, j’ai besoin de mes parents et de ma soeur et alors j’ai dit si je dois déménager, je préfère aller là où je trouve encore de la famille.

À Londres j’avais la famille avec qui nous avions beaucoup de contacts et comme là il y avaient les clubs de Chelsea et Arsenal, j’étais prête, en début de 2014, d’aller en Angleterre.

Est-ce que c’était un grand changement d’aller de la Frauen-Bundesliga au championnat anglais? Est-ce qu’il y a des différences, par exemple par rapport à l‘entraînement?

Oui, l’entraînement était très différent. Au début lors des unités d’ entraînement j’ai du m’y habituer. En Angleterre le jeu est très rapide, tout se passe à une très grande vitesse, tout en sprint. Ca va vite, vite, vite. En Angleterre le jeu est aussi très physique. Dans l’entraînement, tu es souvent fauché, on te met par terre. Après une telle action en Allemagne on te dirait ‘Mais qu‘est-ce que c‘est, pourquoi est-ce que tu fais ça?’ En Angleterre on te met par terre et puis tu entends: ‘Eh, lève-toi, le match continue!’ Et il y a moins d’hiérarchies qu’en Allemagne et on traite les jeunes joueuses d’une façon différente. C’était un changement par rapport à l’Allemagne, mais c’était ce dont j’avais besoin à ce moment. Je me suis senti tout de suite à l‘aise. Au sein de l‘équipe, l’entraîneur et tout le staff m’ont beaucoup aidé pour m’acclimater. Après deux semaines que j’étais déjà arrivée, tout autour du foot était organisé. Là où j’habitais, tout était prêt. J’ai constaté que ça marchait, que j’y arrivais à ne plus vivre avec mes parents.

Est-ce que Chelsea vous a aidé pour l‘intégration, en ce qui conçerne logement, cours de langue, etc.?

Chelsea m’a aidé dans tout. Déjà quand j’y étais pour un premier entraînement, le club m’a aidé et à cause de cela je me suis sentie à l’aise dès le début. Au club on m’a vraiment accueilli avec les bras ouverts, je me suis sentie chez moi. C’était vraiment bien et exactement ce dont j’avais besoin après les expériences que j’ai faites en Allemagne et aussi avec la fin du FCR 2001 Duisburg. Chelsea a organisé tout, un cours de langue n’était pas nécessaire, l’anglais que j’avais appris à l’école était assez bien. J’ai commençé avec des études de droit, d’ailleurs aussi en anglais. Les filles dans l’équipe étaient super, bref dès le début tout s‘est passé très bien.

Comment est le public et les supporters pendant les matches en Angleterre?

Au début chez Chelsea, on n’avait pas une des meilleures places dans le championnat. Il n’y avaient que 400 ou 500 personnes à chaque match. À Duisburg j’étais habituée à autre chose, nous avions à Duisburg de très bons supporters qui nous ont accompagnés partout et qui ont crée une bonne ambiance.

Ensuite Chelsea a aussi acheté sept, huit nouvelles joueuses, le club voulait avancer et augmenter le nombre de spectatrices et spectateurs. Quand nous étions proche du titre on avait jusqu’à 1500 spectateurs lors des matches importantes et la saison suivante il y avait 1000 personnes pendant presque chaque match. Il y avait aussi beaucoup de soutien dans les médias, on nous a montré à la télévision, en plus tout avec la presse était super bien organisé, ils font cela très bien en Angleterre.

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Gerd Weidemann – william commegrain lesfeminines.fr