Christophe Parra est le coach de la D2 féminine « Olympique de Marseille ». Normalement, dans le bassin méditerranéen, on s’assied, on libère un siège et la personne s’assied. Puis on écoute. L’OM est une religion. Elle a ses traditions.

Christophe Parra est de la trempe des constructeurs et des bâtisseurs. Il part des fondations et construit en équipe autour. A chaque fois en rajoutant une pièce, puis une autre. Jusqu’à obtenir la maison. Celle de tous et de toutes. Il ne cherche pas à avoir le regard du haut vers le bas. Il a le regard du bas vers le haut en portant une rigueur absolu à ce qu’on semble deviner : « il n’aime pas reculer ». Pour cela, une bonne solution : une gestion de groupe dynamique sur un projet de vie positif et tonique encadré par une volonté forte de laisser le hasard au vestiaire.

Si l’équipe monte en D1, n’attendez pas l’OM. Attendez un groupe qui avancera « pas à pas ». Pour ne pas reculer… et donc avancer ! Avec en plus l’honneur et l’orgueil du maillot olympien. Du dynamisme, du partage, du sourire : « Cela doit être le Sud » qui fait cela, me disais-je en terminant la saisie de notre discussion, le regard perdu sur le ciel gris de cette fin d’après-midi alors que Christophe Parra me parle d’un temps d’été au téléphone.

Ce matin, il faisait beau à Paris. « J’aurais du prendre une photo .. ». Des fois, il y a des vérités fulgurantes qui vous viennent à l’esprit. Sourire.

Q. Félicitations !

Pour la victoire de dimanche !? Surtout félicitations aux filles, elles ont bien rempli leur part du marché.

Q. Pour ce match, quel a été l’apport du coach ?

Essayer d’aider les filles à entrer du mieux possible dans le match. A penser à tout et à tout préparer pour diminuer la part d’imprévu.

Q. Un coach évalue les joueuses. Là, le niveau des joueuses comment l’évalueriez-vous ? Se sont-elles sublimées ou vous vous dîtes : « tiens j’ai encore une marge de manoeuvre… »

Je suis tout jeune dans le football féminin puisque j’y suis depuis quatre ans et demi. Donc je découvre tous les jours et je n’ai pas peur de dire que j’ai une méconnaissance du niveau de l’élite. J’apprends donc et j’évolue moi aussi comme toute personne dans le groupe.

Effectivement, il faut aller chercher au plus profond de soi même et du collectif pour nous permettre de franchir les cols et il est vrai que si l’Histoire permet de cimenter les peuples en ce qui nous concerne, « Notre Histoire » nous permet d’avancer et d’appréhender toutes ces marches importantes.

Maintenant les filles ont toujours répondu présentes, et ce depuis le début de l’aventure. Elles me surprennent toujours et le fil directeur qu’on essaie de mettre en place au niveau du projet et de la vie de groupe, c’est cette aventure. Cela permet de se rapprocher et de se rattacher à l’existant.

Q. Cela doit être extraordinaire de voir son groupe, collectivement, passer cet obstacle de cette manière là.

Petite aparté. « Son groupe ». Ce n’est pas mon groupe ; c’est un groupe où je m’inclus dedans et avant de parler de ma propre possession c’est avant tout une aventure humaine où chacun apporte son travail et doit coordonner son investissement et sa mission, chacun à sa place. C’est ce qui permet à la section sportive du club et à celle de l’élite, aujourd’hui, d’avoir des résultats.

Q. Vous faîtes souvent appel au mot « réfléchir », notamment sur le site om.net. Pouvez-vous en dire plus ?

Vous avez bien vu et lu. Pour moi, c’est une notion fondamentale lorsque l’on est éducateur et que l’on doit réaliser sa mission, les joueuses doivent être amenées à réfléchir sur le projet de jeu et le projet de vie.

L’idée, c’est d’arriver, sans l’imposer, à coordonner les déplacements sur le domaine offensif comme défensif et à amener la joueuse à réfléchir sur des situations, lui montrer et par là-même, de montrer au groupe que ce que l’on demande peut avoir des résultats opportuns pour la réussite du groupe. L’idée est que la joueuse comprenne et s’approprie le projet.

C’est bien plus facile lorsque l’on a des joueuses qui aime le jeu, qui aime réfléchir sur le jeu et réfléchir tout court. C’est beaucoup plus facile pour faire passer les messages.

Q. Le management que vous proposez est proche du management d’entreprise dans lequel vous laissez à chacun la capacité de s’exprimer dans le cadre de la responsabilité qui lui revient.

En tant qu’entraîneur, l’idée est de diminuer la part d’imprévu. C’est essayer d’appréhender toutes les situations et de laisser le hasard au vestiaire. Chaque joueuse, de par le poste et la ligne où elle évolue, a des responsabilités à assurer et à assumer.

Cela me semble important d’associer des compétences et de montrer à l’ensemble du groupe, moi compris, qu’on est bien plus fort ensemble que tout seul. Le football est un sport collectif, ce n’est pas un numéro de soliste.

Q. Je ne veux pas parler de l’avenir et je n’aime pas parler à l’avance de ce qui n’est pas encore arrivé, mais à quel moment vous vous direz : « il va falloir que je pense à cette montée en D1 ? »

Pour les raisons qui me sont propres, j’aime bien me prononcer lorsque les choses seront concrètes. Lorsque mathématiquement, on aura franchi les huit cols qui nous restent pour ce graal, à ce moment là on pourra dire que l’on y est.

Maintenant, quelque part, gouverner, c’est aussi prévoir. Il n’y aucun mal à commencer à réfléchir à un plan A et un plan B mais je reste très clair sur mes propos. Il reste huit journées. Des adversaires de qualité. Rien n’est fait et rien n’est acquit et pour l’instant nous ne sommes qu’en tête de championnat et loin d’être en D1. On ne le sera que si on arrive à continuer à faire des performances.

Q. Dîtes-moi, l’OM féminin a démarré en 2011. Il faut être un peu « fada » pour démarrer une section féminine avec un tel maillot qui vaut de l’Or sur le dos, sans avoir encore une joueuse et en partant de rien ? Et quel parcours en si peu de temps. Respect !

Ecoutez, j’ai joué, été entraîneur-joueur et entraîneur du club de DH de L’Etoile Sportive de la Ciotat de 1988 à 2007. Et j’avais pris la décision de prendre du recul avec le milieu du football. José Anigo m’avait appelé pour voir si cela pouvait m’intéresser et je suis ami avec Bruno Bini qui m’a fait vivre à distance, par l’intermédiaire de ce qu’il me racontait, la passion qui se dégageait de ces aventures.

Quatre ans, c’était long et non à la fois, et j’ai eu envie de retrouver le plaisir d’un groupe, de pouvoir porter le maillot de l’Olympique de Marseille, le maillot de ta ville, le maillot que tu supportes depuis tout petit et quand j’ai fait mes premiers pas à la Commanderie, j’ai eu l’impression de me retrouver devant un magasin de jouets comme lorsque l’on est enfant.

Voilà comment je me suis retrouvé à accepter de relever le challenge. J’étais un peu inspiré du football féminin mais les premiers entrainements je ne savais vraiment pas ce que j’allais trouver.

Partir au bas de l’échelle, j’ai trouvé que c’était intéressant. Il fallait chercher, réfléchir, se remettre en question, s’ouvrir vers un milieu que je ne pensais pas connaître et après je me suis vite rendu compte qu’avec le temps, le football est vraiment universel et que le langage est le même entre les hommes et les femmes.

La proposition de José de porter les couleurs de l’Olympique de Marseille, cela m’a semblé très intéressant et passionnant et je ne regrette pas. Bien au contraire.

Q. Quand vous voyez des joueuses comme Caroline Pizzala, Sandrine Bretigny, Nora Coton Pelagie, sans les sortir du groupe, quelles sont leurs qualités à ces filles ?

Je vais en citer deux : l’exigence et l’attitude du très haut niveau. Ce sont de très grosses qualités qui sont venues bonifier le groupe. Ce sont trois filles qui apportent énormément à l’ensemble du groupe comme à moi ; tant dans nos rencontres nationales qu’internationales, notamment face à la Chine.

Elles apportent vraiment dans l’attitude et l’exigence. Et nous essayons tous d’être un petit peu une éponge et de récupérer cette connaissance qui est très riche pour tous.

Q. Pour moi, la D1 française est très forte. Il y a des extra-terrestres mais les autres ne sont pas mal. Quelle est votre opinion ?

On a joué Montpellier en début de saison qui fait partie des trois-quatre meilleures équipes françaises : on a perdu 4-1. On a joué Nîmes qui aujourd’hui est dernière en D1, et on a perdu aux tirs au but en Coupe de France alors qu’on les avaient battu en match de préparation 4 à 3, donc c’est vrai qu’il y a une hétérogénéité.

Il y a un donc plusieurs fossés : celui du haut niveau de la D1, celui de la deuxième zone, celui de la troisième zone, et celui du haut de tableau de la D2. Se maintenir en D1 n’est pas évident du tout pour une équipe qui accède à ce niveau là.

Q. Il y a surtout une différence sur la gestion de la répétition des matches et de la performance.

On a vécu cela à notre niveau en D2 et on l’a abordé en début de saison : cette difficulté psychologique de pouvoir être performant tous les dimanches. Ce n’est pas évident en D2 et je me doute bien que cela ne le sera pas en D1, quelque soit les objectifs et surtout avec le risque de prendre des gros scores face à de grosses écuries.

Psychologiquement être dans le haut de tableau de la D2, ce n’est pas assuré. Psychologiquement assurer une saison en D1. Il faut savoir la gérer.

J’ai bien retenu que pour l’instant vous n’étiez pas encore en D1 et il ne s’agit donc que d’une opinion. Merci pour cet entretien.

William Commegrain lesfeminines.fr