Lara Dickenmann, Suisse, 30 ans, a exploré la planète football en se lançant très jeune vers les Etats-Unis (2006 à 2008) pour prendre place à l’Olympique Lyonnais, en explosant littéralement les deux dernières saisons (2014 et 2015), pour se mettre au niveau mondial du jeu, et signer en 2015 à Wolfsburg Vfl, (Champion d’Europe 2013 et 2014) en partant de l’Olympique Lyonnais avec 7 titres nationaux, 4 Coupe de France, 4 finales européennes et deux titres européens (2011 et 2012).

La dernière Coupe du Monde a vu la Suisse prendre de l’essor avec une superbe qualification pour le Mondial (sortie leader de son groupe) et une première Coupe du Monde pour apprendre (éliminée en 1/8è de finale par le Canada). Leader de son groupe de qualification pour l’Euro 2017, la Suisse semble partie sur les mêmes bases qu’en 2015. Lara Dickenmann (107 sélections) en profitant pour battre le record de buts marqués en sélection (43), face à l’Irlande du Nord (8-1), dépassant son compatriote Alex Frei.

En club, Lara Dickenmann (4 buts) se trouve 2ème derrière le Bayern de Munich qui caracole en tête avec 11 victoires et 1 nul. Les louves de Wolfsburg affichent 7 victoires pour 4 défaites et 1 nul, poursuivies d’un souffle par le FFC Frankfurt, champion d’Europe en titre (2015), un cran derrière en raison de la différence de buts (+14).

Lara Dickenmann, cela fait maintenant six mois que vous êtes à Wolfsburg, l’intégration s’est bien faite? Est-ce que vous vous sentez déjà Wolfsburgienne ? 

– Oui, c’était assez facile de m’intégrer ici, parce que le club est très bien organisé, ils ont fait beaucoup pour qu’on se sente à l’aise dès le début. Et avec l’équipe cela se passe très bien aussi.

Vous avez quitté Lyon, un club qui a eu beaucoup de succès ces dernières années. Quelle était votre motivation d’aller jouer dans le championnat allemand ? 

– Le championnat allemand est un très bon championnat, il est assez équilibré. En France ce n’est pas très équilibré, il y avait deux, trois équipes qui jouaient le titre chaque année. Ici c’est un peu plus compliqué. Juste j’avais envie de voir autre chose, une autre mentalité, un autre pays, une autre culture. Voilà les allemands, c’est une nation qui est au top du foot féminin depuis des années, des décennies, donc je voulais voir comment ils travaillent, comment cela marche ici dans la Bundesliga.

Est-ce que c’était un grand changement pour vous de venir ici ? 

– Oui, oui, c’est un grand changement, parce que le style de foot est différent, la mentalité est différente aussi. J’ai passé sept saisons à Lyon et j’étais bien habituée comment cela se passait là-bas. C’était un grand changement par rapport à cela, mais ça me plaît et j’ai trouvé ici ce que je recherchais, quelque chose de différent.

Le championnat allemand par rapport au championnat français, quelles sont les différences majeures ? 

– C‘est plus physique, les équipes, même les derniers arrivent à tenir les 90 minutes et c’est toujours embêtant de jouer contre chaque équipe. En France c’était un peu plus simple, il y avait des équipes qui arrivaient peut-être à tenir 45 minutes et après elles n’en pouvaient plus, après je pense qu’avec Lyon on jouait un très bon foot aussi, qui était assez séduisant face à l’adversaire, je pense que c’est un peu les deux. Je pense même l’OL ici dans le championnat allemand aurait des difficultés de finir avec 22 victoires sur 22. C’est un peu ça.

En ce qui concerne l’entraînement, quelles sont les différences que vous voyez? Est-ce que c’est le même niveau ? 

– Le niveau est bien, ce qui change un peu ici, on joue un peu plus direct, ça va d’un coté et de l’autre. Comme les matches, au lieu de garder la balle un peu plus, on joue directement en profondeur, c’est un peu le jeu allemand aussi. Et en France c’était un peu plus de garder la balle, d’abord aller horizontalement et puis en profondeur. Pour moi c’est ça qui change un peu. La différence la plus grande c‘est physiquement. C‘est difficile de tenir 90 minutes comme ça, si on ne garde jamais la balle ou rarement.

Mais déjà dans la Ligue des Champions vous avez joué contre des équipes allemandes, vous avez déjà connu cela? 

– Oui, c’étaient toujours des matches très physiques sur un très haut niveau. Les allemandes, ce sont des adversaires très dures à jouer. Mentalement c’est dur, elles ne lâchent jamais, pendant 90 minutes elles essaient de faire quelque chose. Chaque fois quand on jouait dans la Ligue des champions contre des adversaires allemands, le physique était la différence la plus grande.

Après six mois en Allemagne qu’est-ce que vous retenez spécialement de votre temps avec l’Olympique Lyonnais ? 

– Les supporters, ils me manquent, parce que c’étaient de très bons supporters en France, qui venaient même aux entrainements presque tous les jours. Et puis je pense surtout à l’équipe, les filles avec lesquelles j’ai joué pendant six, sept saisons, elles me manquent aussi, parce que on avait des automatismes qu’on n’a pas encore ici à Wolfsburg.

Mais c’est normal aussi, on a beaucoup de nouvelles joueuses et on essaie de changer un peu le style de foot qu’on joue ici, cela prend du temps aussi. Voilà Lyon en tant que ville me manque aussi, c’est une belle ville. Mais, je suis bien aujourd’hui à Wolfsburg, je ne regrette pas du tout d’être venue ici.

Est-ce qu’il y a des matches que vous avez joué avec l‘OL que vous retenez spécialement ? 

– Il y en avait beaucoup, bien sûr les quatre finales de la Ligue des Champions, même si nous avons perdu deux. La première finale, même si on l‘a perdu aux tirs au but, était un match très important parce que c’était la première finale de la Ligue des Champions pour nous toutes et puis les deux victoires et la quatrième, on l’a perdu contre Wolfsburg. C’étaient quand même des expériences que je ne vais jamais oublier. Il y avait aussi la demi-finale contre Potsdam à domicile, quand on gagne 5 – 1, et il y avaient des matches contre le PSG qui étaient d‘un très haut niveau.

Est-ce que la prestation de l’équipe suisse lors de la Coupe du monde au Canada a pu donner un essor au foot féminin en Suisse ? 

– Je pense que Oui, on a été beaucoup médiatisé pendant la Coupe du monde et avant, ça s’est calmé un peu depuis, mais c’est normal aussi, parce il y a un peu moins d’actualités. On joue maintenant à Bienne presque tout le temps, quand on joue à domicile. C’est une bonne chose aussi, c’est un petit stade comme ici, à peu près 5000 spectateurs, pendant les matches qu’on a fait dedans il y avait une bonne ambiance. On continue avec les bons résultats, ça, c’est une chose importante pour attirer l’attention des gens et si on se qualifie pour le championnat d’Europe, ça va aider au foot féminin en Suisse aussi. Il faut toujours continuer et peut-être essayer de faire quelque chose pour une phase finale.

Est-ce que une jeune joueuse suisse de haut niveau devrait jouer dans un championnat autre que le championnat suisse, si elle veut se développer ? 

– Cela aide, je pense, il ne faut pas aller n’importe où. Aujourd’hui on en a beaucoup qui évoluent à l’étranger, en sélection cela nous a aidé à hausser le niveau, parce que, physiquement et mentalement, on fait des progrès à l’étranger. En Suisse le niveau dans le championnat n’est pas très haut et si on veut progresser il faut aller par exemple en Allemagne, en France, en Suède, ou en Norvège et jouer dans le championnat. Pourtant, partir pour partir, je ne conseille jamais à quelqu’un de faire ça. Les circonstances, l’environnement, et le club, tout est important.

Pourquoi est-ce qu’il y a relativement peu de joueuses françaises qui jouent à l’étranger. À votre avis quelles sont les raisons? 

– Elles ont de très bonnes conditions en France, elles habitent dans de très belles villes. Elles sont dans de très grands clubs, peu importe si c’est Montpellier, PSG ou Lyon. Juvisy, c’est un peu différent, parce que ce n’est pas aussi professionnel que les trois autres. Montpellier est un peu loin, mais habiter à Montpellier, ce n’est pas mal. Il y en a quelques unes qui ont tenté l’aventure, je ne sais pas si c’est à cause de la langue, elles ont tout ce qu’il faut en France. Moi, si je pouvais jouer à leur niveau en Suisse, je le ferais peut-être aussi. Je ne sais pas.

Dans les trois compétitions, où est-ce que vous voyez Wolfsburg en fin de saison? 

– Aujourd’hui on n’a pas utilisé tout notre potentiel, parfois on a fait de très bons matches, mais aujourd’hui on n’arrive pas à mettre tout notre potentiel sur le terrain, ce qui est dommage. Je pense on est un peu dans une phase de transition. C’est peut-être un peu bête de dire ça après six mois ensemble.

À Lyon on a beaucoup travaillé notre façon de jeu. Ca ne sert à rien de juste faire venir des joueuses, il faut travailler sur le style de jeu, c’est un travail qu’on fait tous les jours, les trois derniers mois on n’avait pas beaucoup de temps pour travailler, parce qu’on avait des semaines en sélection etc.

Je pense après la trêve on va bien travailler, tactiquement, les temps de jeu. On aura finalement le temps de travailler ensemble, je pense que tout est possible pour nous, avec le championnat cela deviendra très compliqué bien sûr, mais les deux autres compétitions [Ligue des Champions, Coupe d’Allemagne], on est toujours vivant. On va essayer de chercher le plus de titres possibles.

Comment est-ce que vous voyez l’avenir de la sélection de France ? Est-ce que la France pourra enfin avoir un grand titre ? 

– C’est une bonne question. La France aurait déjà du gagner un titre avant, à la Coupe du monde de l‘été dernier elles étaient mon favori, cela ne s’est pas fait malheureusement. Oui, j’y crois encore pour elles. Elles ont le meilleur jeu, mais il faut avoir du réalisme aussi sur le terrain. La gagne, ça leur manque parfois.

Où voyez-vous Lyon à la fin des compétitions de la saison 2015/16 ? 

– Je pense qu’elles vont aller en finale de la Ligue des Champions. Je ne dirais pas que Lyon va gagner, parce que j’espère ça sera nous, mais bon Lyon pour moi ça reste ! – c’est difficile de comparer – voilà les adversaires ne sont pas les mêmes, mais Paris c’est quand même un très bon adversaire même si elles ont fait match nul contre Montpellier. Lyon, elles vont gagner le championnat et la Coupe aussi – la Ligue des Champions, ça dépend. [souriant]

Merci pour l’interview

Gerd Weidemann