Aout 2012 – Annike Krahn, la fille ancrée dans la Ruhr allemande, pourtant est présentée avec Linda Bresonik et Lindsey Horan lors de la présentation du nouveau PSG féminines au Parc des Princes. C’était juste au retour des JO de 2012. Farid Benstiti présentait sa nouvelle équipe. Shirley Cruz venait de quitter l’Olympique Lyonnais. Elle parlait « d’une nouvelle aventure ». C’est ainsi que les deux stars allemandes ont vécu ce Nouveau PSG. La construction d’un projet.

Il était intéressant de voir le regard d’Annike Krahn, 127 sélections en équipe d’Allemagne, se situant à la seconde place mondiale après avoir repris pendant un instant la première place aux américaines. Une femme qui écoute mais ne parle jamais. Je me souviens de l’avoir accompagné à la sortie d’un entraînement de Bougival. Elle écoutait, réflechissait et ne répondait à rien sur tout ce qui touchait à l’équipe nationale allemande. Une autre fois, je me souviens d’elle, sur ses béquilles dans le couloir des vestiaires, à la sortie d’un match historique en émotion face à la France, à Strasbourg avec un superbe 3-3 (février 2013), blessée dans la partie. Pas un mot sur, ni contre : »Je fais avec ». Enfin, je me souviens d’elle, passant en zone mixte, furibonde à l’intérieur (2015). Elle, sur le banc au PSG alors que Joséphine Henning, sa concurrente en club, était sur le banc dans l’équipe nationale, dont elle portait le capitanat. Elle n’a rien dit. Elle a fait avec.

Annike Krahn, c’est tout cela. Des hauts, des bas mais une constante .. constante. Une compétitrice qui sait regarder juste, sur elle et autour d’elle. Une personne de qualité rare. Elle ferait un excellent coach, avec une telle expérience (127 sélections).

Demain, le 26 novembre, aura lieu à Duisburg le match amical Allemagne – Angleterre, revanche de la médaille de bronze anglaise prise à l’Allemagne au dernier mondial, huit fois championne d’Europe. Elle revient au lieu de son plus grand triomphe avec une équipe de club. Dans le même stade en 2009 elle avait gagné le UEFA Cup Women avec le FCR 2001 Duisburg contre Zvezda Perm (Russie) devant 28.112 spectatrices et spectateurs .

Annike Krahn, c’était en été 2012 que vous avez rejoint le Paris Saint Germain, vous avez été la première joueuse allemande dans le championnat français. Quelles étaient vos raisons pour aller jouer en France? 

Annike Krahn : J’avais passé huit ans au FCR 2001 Duisburg, je m’y suis toujours senti très bien. C’était très proche de ma ville natale Bochum et après huit ans j’ai cherché un nouveau défi. Déjà avant j’avais pensé aller à l’étranger. Je voulais tout simplement faire de nouvelles expériences et relever de nouveaux défis, sur le plan sportif aussi bien que sur le plan personnel. J’ai vu Paris Saint Germain comme une occasion, un grand défi. J’étais vraiment très heureuse et j’ai profité de cette possibilité de pouvoir jouer à l’étranger.

Quand vous êtes allée au PSG, qu’est-ce que le club a fait pour vous insérer dans l’équipe et dans votre nouvelle vie? 

Quand je suis venu au PSG, c‘était au début du projet Paris Saint Germain foot féminin. C’était un moment de grande restructuration, de professionnalisation. Dans presque tout le staff technique on avait mis de nouvelles personnes. Ce projet de professionnalisation du foot féminin a commencé il y a trois ans. Au début le club m’a aidé pour trouver un appartement et pour m’orienter, mais il y avaient aussi mes coéquipières qui étaient importantes. Ce que j’ai fait, c’était « learning by doing“ et j’ai aussi, moi-même, essayé de me débrouiller et de m’insérer dans ma nouvelle vie.

Y-a-t-il des différences dans l’entrainement en France par rapport à l’Allemagne? 

En général je trouve difficile de faire de telles comparaisons. Aussi en Allemagne la conception des entraînements dépend fortement des différents clubs et des différents entraîneurs. La différence qui est capitale: la langue française, on parle français.

En Allemagne je n’ai évolué que pour Duisburg, mais j’ai eu nombre d’entraîneurs différents qui ont fait des entraînements différents. C’est pour cela que je ne pourrais pas dire qu’il y a un entraînement spécifiquement allemand ou français. Bien sûr c’est une autre culture et en plus, notre entraîneur à Paris avait des racines algériennes et françaises. Bien, c’est aussi une autre mentalité, il faut d’abord anticiper. Je ne dirais donc pas que les contenus d’un entraînement dépendent du fait qu’un entraîneur soit français ou allemand.

Est-ce que les entraînements au Paris Saint Germain ont été plus fréquents qu’à Duisburg ? 

Oui, c’était le cas. En grande partie c’était dû au fait qu’au PSG les joueuses étaient toutes des pros, sauf une ou deux qui allaient encore à l’école. À Paris notre tâche principale était de jouer au foot, tandis qu’à Duisburg c’était différent. À côté du foot, les joueuses ont soit travaillé, soit fait des études ou ont suivi des cours à l’école. A Paris nous nous sommes entraînées plus. Mais je dois dire qu’à Leverkusen je m’entraîne autant qu’à Paris. Seulement, ce qui est différent, c’est que lors de l‘entraînement du matin le cadre n’est pas complet, beaucoup de joueuses sont exemptés.

On a pu voir que vous avez donné des interviews en français, quand avez-vous appris la langue? 

À l’école j’avais fait des cours en français, mais j’avais arrêté. À l’école je n’ai pas beaucoup aimé cette matière. Pendant douze ans je n’ai pratiquement pas parlé français, mais j’avais toujours des connaissances de base. Quand ce fut clair que j’irai en France, j’ai tout de suite commencé à apprendre et pendant ces trois ans j’ai suivi des cours en français qui étaient soutenus par le club.

C’était mon exigence envers moi-même : si je joue au foot dans un pays comme la France, j’aimerais bien parler la langue, pouvoir comprendre et être compris, pour moi cela en fait partie. C‘est pour cela que bien sûr j’ai appris la langue. J’avais aussi cet « avantage » qu’au début, j’étais la seule joueuse venant de l’étranger – à ce moment Shirley Cruz était en France depuis déjà six ou sept ans – maintenant on y parle probablement beaucoup plus l’anglais.

Pendant ma dernière année à Paris on a déjà parlé plus anglais que français. Pour moi c‘était un vrai avantage que d’avoir été obligée d’apprendre le français pour pouvoir communiquer. En plus, comme déjà dit, c’est aussi ma propre exigeance envers moi-même.

Comment avez-vous vécu le championnat français ? 

À mes yeux il n’est pas aussi fort que le championnat allemand. Le championnat allemand est plus équilibré, en France il y a aussi trois ou quatre clubs très forts, vraiment de bonnes équipes, mais les clubs faibles sont nettement plus faibles que les clubs allemands qui sont faibles. Les différences en performance sont beaucoup plus grandes. Le championnat allemand, pour le moment, est encore en avance.

Le Paris Saint Germain s’était mis de grands objectifs, mais elles ne sont pas sorties vainqueurs de la finale de la Ligue des Champions et contre Lyon elles ont perdu le championnat. Est-ce que c’était une grande déception?

Sur tout cela j’ai ma propre opinion, mais cela touche trop de choses internes. Je pense que nous avions le potentiel. Nous avons perdu la finale de la Ligue des Champions dans la 90ème minute avec 1 : 2 (2015). Il faut dire que Francfort a mérité de gagner, il faut aussi le reconnaître. Dans le championnat nous avons gagnés tous les matches, sauf ceux contre Lyon. On a bien pu voir que pendant ces trois années nous nous sommes développées, que pas à pas nous nous sommes rapprochées de Lyon, mais il manquait encore quelque chose et pour cela nous n’avons gagné ni le championnat ni la Coupe.

On peut développer cela encore, mais je trouve que le projet n’existe que depuis trois ans, il ne faut pas l’oublier, on ne forme pas, d’un jour à l’autre, une équipe qui aurait ce niveau. Nous nous sommes améliorées constamment. Et à l’avenir on verra comment cela se développe.

Quand le Paris Saint Germain a battu l’Olympique Lyonnais en Ligue des Champions, est-ce qu’il s’agissait d’un coup de chance ou est-ce que dans ces matches le PSG a déjà pu montrer dans quelle direction il veut se développer à l‘avenir?

C’est difficile à dire. En fin de compte il faut dire que nous nous sommes développées, que nous avons fait des progrès, mais nous avons aussi eu un peu de chance. En Ligue des champions nous l’avons mérité à cause du travail que nous y avons mis et nous avons été très efficaces. Si cela a été un coup de chance ou pas, je ne peux pas le dire. C’est toujours comme cela dans le sport qu’il y a beaucoup de facteurs qui jouent un rôle. Pour nous, notre confiance, cela a été très bien d’avoir montré que nous pouvons gagner contre Lyon.

En 2015 vous êtes revenue pour jouer dans la Bundesliga, vous évoluez maintenant au Bayer 04 Leverkusen. Quelles étaient vos raisons de revenir? 

Mon contrat touchait à sa fin et j’ai réfléchi sur ce que j’allais faire. J’ai pris la décision de rentrer en Allemagne pour des raisons très différentes. J’ai passé trois ans en France, cela a été une super expérience que j’ai faite, j’ai vraiment appris beaucoup là-bas et je me suis bien développée. Du point de vue purement sportif, la saison dernière ne s’est pas développé comme je l’avais imaginé moi-même, et ensuite j’ai bien réfléchi si je voulais de nouveau vivre une telle saison ou pas. Bien que ce soit toujours hypothétique et on ne sait jamais ce qui va se passer à l’avenir, j’ai préféré rentrer. Ici à Leverkusen je trouve des conditions excellentes, j’ai une équipe très jeune autour de moi, une équipe qui a beaucoup de potentiel pour son développement futur. Je suis très contente de pouvoir aider et soutenir ce développement.

De ces trois ans en France, est-ce que vous gardez en mémoire de très grands moments? 

Oui, il y en a vraiment beaucoup. Si je devrais les raconter en détail, bien sûr la finale de la Ligue des champions et avant tout la demi-finale à Wolfsburg, où nous avons sûrement joué un très bon football et où nous avons mérité de gagner 2 : 0. Au match retour nous avons vacillé, nous avons vu que sur ce niveau, partiellement, il nous a manqué de la constance.

Gagner contre Lyon dans la Ligue des champions – en France c’est un duel de prestige -, c’était une grande expérience. Dans la première année, quand pendant longtemps nous ne pouvions pas être sûr de participer à la Coupe d’Europe et quand nous avons gagné contre Juvisy, c’était un grand moment heureux pour moi. Après ma blessure c’était mon premier match à 90 minutes.

Mais pour moi ce ne sont pas seulement les choses sportives qui sont de grands moments, mais aussi beaucoup de choses qui se sont passsés au sein de l’équipe et autour. J’y ai pu lier des amitiés, qui comme j’espère continueront à exister encore longtemps, et dans l’ensemble j’ai fait des expériences positives. Naturellement il y avaient aussi des expériences négatives, mais cela en fait partie et aide à se développer. Moi, je trouve toujours difficile de me concentrer sur seulement certains grand moments.

Dans la saison précédente et la saison actuelle il y a cinq joueuses allemandes au sein du Paris Saint Germain, et une autre joueuse allemande évolue maintenant à l’Olympique Lyonnais. En Allemagne par contre il y a actuellement seulement deux joueuses françaises. Est-ce qu’il y a une certaine réticence des joueuses françaises de venir jouer en Bundesliga? 

À mon avis les françaises et les français en général préfèrent rester dans leur pays, cela ne touche pas seulement le foot. Ils préfèrent passer leurs vacances dans leur pays, et je crois qu’il y a quelques joueuses qui ont du respect pour la Bundesliga parce qu’elles ont l’impression que c’est un championnat très fort, et aussi sur le plan de la langue elles ont des doutes. Mais il y a trois ans il n’y avait pas non plus une joueuse allemande dans le championnat français, il ne faut pas oublier cela.

Quel conseil donneriez-vous à des joueuses allemandes, qui sont contactées par un club français et qui auraient intérêt à jouer en France? 

Chacune doit prendre sa propre décision si elle veut jouer dans le championnat français, je ne m’y mêlerais pas. Mais pour n’importe quel pays, je donne le conseil d’apprendre la langue puisque pouvoir se faire comprendre est un grand atout. Et cela commence par les petites choses sur le terrain, ce sont les premiers mots qu’on apprend. Cela simplifie le début pour tous les concernés. On a intérêt à s’intégrer.

Comment voyez-vous le développement du foot féminin en France? 

C’est l’équipe de France qui est l’attraction, le moteur. À mon avis c’est déjà depuis des années qu’elle compte parmi les meilleures équipes du monde et ce qui leur manque encore peut-être, c’est un grand titre, qui donnerait encore un essor au foot féminin.

Elles étaient toujours relativement proches de ce titre, mais elles ne l’ont pas atteint. Mais dans l’ensemble on voit un développement très positif.

Gerd Weidemann