William Commegrain. Les féminines.fr. Gérard Prêcheur, donne peu d’interviews en dehors des matches. Il a accepté de répondre à nos questions à la veille de l’OL – Juvisy du 1er novembre 2015.

Directeur de l’élite française des jeunes en sélections nationales, tant chez les responsables des garçons que chez les filles, a changé de cap pour prendre la décision d’aller sur le terrain de la compétition. En signant à l’Olympique Lyonnais la saison dernière, il est entré dans un club très structuré et a maintenu la performance passée en gagnant le titre de Champion de France (9ème titre consécutif) et la Coupe de France (4ème titre de suite) tout en chutant pour l’Europe. Aujourd’hui, il apporte à l’OL sa connaissance de la jeune élite française dans un milieu où la ressource au niveau de l’OL est rare d’autant plus qu’elle doit être complémentaire et intégrée avec parcimonie pour que le projet de jeu se maintienne.

Avec une envie très forte de compétitions, de titre et de victoires, il nous livre ses impressions sur la particularité de l’OL et sur les performances à venir.

Merci beaucoup d’avoir accepté cet interview au téléphone. Je ne fais pas d’interview au téléphone normalement, mais seulement de visu, mais je suis d’accord.

L’Olympique Lyonnais, c’est quoi au quotidien ? 

C’est comme pas mal de clubs. C’est un club professionnel qui crée le contexte favorable pour que les techniciens que nous sommes, le staff technique et les joueuses, fassent notre métier. Nous faisons notre métier d’entraîneur avec comme objectif de préparer les joueuses à la haute compétition, de les préparer techniquement, tactiquement, physiquement, individuellement et collectivement.

On sent à vous écouter que tout est structuré et hiérarchisé.

A l’Ol chacun a sa mission et nous devons la remplir pour que le club atteigne ses objectifs.
C’est une entreprise et elle fonctionne comme toute entreprise, comme pour une association qui sont sous la loi du régime de 1901, mais qui sont très bien organisées et très bien structurées. Effectivement, à l’Olympique Lyonnais, que ce soit chez les garçons comme chez les filles, je dirais que chacun a sa mission. Nous devons la remplir pour que le club aille droit. Tout est bien organisé et hiérarchisé.

Existe-t-il une grande différence entre le poste que vous occupiez auparavant et celui de coach de l’OL ?

Ce sont deux postes diamétralement opposés. Il y a un métier qui était beaucoup plus orienté sur la formation, qui prépare les jeunes joueurs quand j’étais à l’INF où les jeunes joueuses quand j’étais au Pôle France voire les deux quand cela a été le cas juste avant que je vienne à l’OL. C’est un métier pour préparer les joueurs à la haute compétition, qui était d’ailleurs un métier de l’ombre.

Aujourd’hui, ma mission est d’exploiter le potentiel des joueuses pour être performant dans les résultats. Avant, c’était de les former.
Alors qu’aujourd’hui, c’est un métier où on ne forme plus. Où la mission numéro 1, c’est d’exploiter le potentiel des joueuses pour effectivement être performant dans la compétition.

Il y a une phase de formation où on forme les joueurs et les joueuses et il y a une phase de production de résultats où on exploite le potentiel des joueuses. Pendant de nombreuses années, j’étais dans la première phase et aujourd’hui, je suis dans la deuxième étape.

Puisque vous avez les deux visions, est-ce que vous voyez une grande différence entre le potentiel des joueuses et la manière dont elle s’exprime ? Notamment en football féminin où les féminines de plus de 30 ans sont souvent meilleures que celles de 20 ans. 

Il y a une chose de certaine, c’est que le potentiel des joueuses est insuffisamment exploité en phase de formation. Donc, aujourd’hui, la fédération depuis la création du Pôle France que j’ai eu l’opportunité de diriger car c’est Aimé Jacquet qui m’a proposé le poste, et ensuite avec la création d’autres Pôles, il y a eu une première volonté de mieux former les joueuses, mais même encore aujourd’hui, malgré que de nombreux clubs prennent le relais, la qualité de notre formation est bonne mais il y a une grande marge de progression, principalement sur les plus jeunes.

Il faut développer l’initiation et la préformation pour que les joueuses arrivent avec un meilleur bagage dans les âges de 15 à 18 ans.
Je pense qu’aujourd’hui, il faut que la fédération et les clubs mettent un accent très très fort sur toute la phase d’initiation et la phase de pré-formation des jeunes joueuses de football pour qu’elles aient un bagage encore beaucoup plus important dans les tranches d’âge de 15-16-17-18 ans.

C’est l’explication du fait que les joueuses de 30 ans sont plus performantes que les plus jeunes qui n’ont pas eu la formation pour ? 

Voilà. Il y a quand même des jeunes. Si on fait référence à l’Olympique Lyonnais, c’est pas aussi catégorique que vous l’évoquez. Quand on regarde l’âge d’Ada Hegerberg qui a à peine 20 ans, Pauline Bremer qui a à peine 20 ans, Griedge MBock qui a à peine 20 ans, Delphine Cascarino qui fait des apparitions mais c’est vrai, et je partage votre point de vue, que ce soit dans le football, dans d’autres sports ou même dans d’autres activités professionnelles, l’expérience que l’on peut acquérir dans son activité et souvent décisive dans des rendez-vous importants.

Au niveau de l’effectif, il y a beaucoup de françaises. Vous jugez que c’est le meilleur recrutement ou alors vous recrutez à l’international aussi.

Un des paramètres importants que j’ai signé à l’Olympique Lyonnais, c’était de pouvoir bénéficier de l’effectif et notamment retrouver en majorité les joueuses que j’avais eu à Clairefontaine dans le Pôle France. L’ossature de l’Ol est donc française. Ensuite, j’ai voulu travailler sur la stabilité car c’est très difficile de mettre en place mon projet de jeu. Je suis donc pour la stabilité. On a vraiment des orientations de jeu très précises et si on change tous les ans, et recommencer à chaque fois, ce n’est pas possible.

Avec mon projet de jeu, il faut travailler sur la stabilité. Sinon, on ne peut pas tout le temps réexpliquer. C’est pourquoi, il était important que j’ai les joueuses que j’ai connu à Clairefontaine. C’était le cas à l’OL.
Donc effectivement, on s’est astreint à garder la majorité de mêmes joueuses qui sont d’ailleurs internationales françaises sans que cela nous empêche de recruter d’autres joueuses françaises comme Griedge MBock, Aurélie Kaci, Claire Lavogez et de faire appel à des joueuses étrangères comme Pauline Bremer.

Mais c’est vrai que les françaises sont des joueuses que l’on connaît bien, qui ont été formées en France et qui ont le profil qui correspond bien à notre profil de jeu.

On voit que vous recrutez beaucoup de joueuses qui viennent d’Allemagne. Hegerberg a joué en Allemagne, Pauline Bremer, et Wang Fei aussi. 

Même si j’ai l’humilité de reconnaître que c’est un championnat que je ne maitrise pas suffisamment pour porter un jugement, je pense que c’est la référence européenne. Il y a une grosse ossature au niveau de la tête du championnat. Une homogénéité meilleure que celui de la France. Il y a une concentration de très bonnes joueuses en Allemagne et les joueuses allemandes, avec un football féminin très développé et l’apport de joueuses étrangères, jouent dans un championnat allemand est solide. Quand Lyon est à la recherche de joueuses de qualité, il regarde vers les joueuses qui participent à ce championnat.

Pourquoi trois gardiennes ? 

Très simple. Si on démarre la saison avec une gardienne qui se blesse comme nous avec Sarah Bouhaddi, c’est impossible de participer à un championnat avec en plus une coupe de France et une coupe d’Europe. Il suffit qu’un nouvel incident se produise et on aurait été fortement handicapé pour avoir des objectifs.

Ensuite pour les entraînements en plus. Quand on a 22 joueuses sur le champ, il faut qu’il y ait des gardiennes de qualités pour pouvoir faire un travail de qualité.

Quand on regarde l’effectif de l’Ol, on voit qu’il y a deux tranches d’âge. Parmi les jeunes, qui ne sont pas à l’Ol est-ce que vous voyez des profils qui pourraient s’intégrer ?

Il y a des joueuses de qualités que l’on a indentifié et que l’on suit. Il faut les laisser évoluer mais on ne peut pas prendre toutes les joueuses !
Il y en a. J’en connais beaucoup que j’ai vu passer à Clairefontaine. Il y a beaucoup de jeunes joueuses qui ne sont pas à l’Olympique Lyonnais. Il y en a au Paris Saint Germain que je connais bien car je les aient eu à Clairefontaine, d’autres sont à Montpellier et à Guingamp. Un, on ne peut pas accueillir toutes les jeunes joueuses qui sont en France et deux il faut aussi les laisser évoluer. Beaucoup sont dans des Pôles Espoirs, que ce soit à l’Insep, à Vaux en Velin ou dans les autres Pôles. On les a identifié et on les suit. Si elles veulent venir et qu’on a envie de les accueillir, elles viendront jouer à l’Olympique Lyonnais. Mais on ne peut pas les accueillir toutes ! (éclats de rires commun).

Je pensais à des joueuses de la tranche d’âge d’Aurélie Kaci (24-26 ans), elles ne sont pas si nombreuses.

C’est que l’Olympique Lyonnais est un club de très haut niveau. Pour avoir l’ambition de s’imposer à l’Olympique Lyonnais, il fait avoir le profil d’une joueuse internationale. Donc, vous faîtes le calcul des joueuses qui ont le profil international en France et vous voyez qu’elles ne sont pas très nombreuses. Celles qui sont dans le groupe de l’EDF, dans ces deux derniers matches, il y avait deux joueuses de Juvisy, deux de Montpellier et les autres sont à Lyon ou à Paris.

A l’Ol, on est en rivalité avec d’excellentes internationales, françaises comme étrangères.
A l’Olympique Lyonnais, en plus on est en rivalité avec de très bonnes joueuses internationales et pas seulement françaises.

J’étais très intéressé par Marie Charlotte Léger qui normalement devait signer à l’Olympique Lyonnais à l’intersaison, et à un moment donné, il y a eu un choix qui a dû être fait. Elle devait envisager d’être en concurrence avec Lotta Schelin, Ada Hegerberg, Eugénie Le Sommer, Elodie Thomis, Delphine Cascarino. La concurrence est dure. L’Olympique lyonnais, ce sont des joueuses d’un très haut niveau qui sont là.

Elle a d’ailleurs fait un bon choix en allant à Montpellier, sinon elle n’aurait peut être pas été prise si tôt en EDF ? 

Je ne dirait pas ça (ton ferme). Il y a des joueuses qui n’étaient pas en sélection et le fait qu’elles soient venues à Lyon, elles sont allées en sélection nationale. Pauline Bremer, elle avait joué 10 minutes pendant la Coupe du monde. Elle signe à Lyon. Elle est titulaire plusieurs fois avec l’OL. le sélectionneur trouve qu’elle a fait des progrès énormes sur le plan technique et tactique, elle est titulaire sur les deux derniers matches de l’Allemagne. Griedge MBock, elle n’a pas joué avec l’équipe de France pendant la Coupe du monde, elle est titulaire à l’OL, derrière elle est titulaire avec l’équipe de France depuis qu’elle est titulaire avec l’OL. Méline Gérard était à Saint-Etienne sans être convoquée, aujourd’hui, c’est la numéro 1 en EDF même s’il y a la blessure de Sarah Bouhaddi. Si on prend les jeunes, c’est pour les faire jouer. Et je suis bien content, car il y a beaucoup de détracteurs qui disaient pourquoi vont-elles à Lyon ? Elles ne joueront pas et on s’aperçoit que c’est un bon tremplin pour intégrer l’EDF.

Mais c’est vrai, Marie-Charlotte Léger, le fait d’être à Montpellier, lui a permis d’intégrer plus facilement l’EDF. Je suis d’accord.

Elle est à part cette fille là. Elle a un mental à part, sans qualités physiques exceptionnelles.

Elle est rapide. Elle est puissante. Gros mental. Bonne joueuse. Excellente technicienne.

Suite de l’interview.