Laurent Nicollin porte un tel nom dans le football que s’y faire un prénom a dû être loin d’une partie facile. Il y a longtemps que l’homme a dépassé ce stade et du haut de ses 42 ans, du coin de l’œil rieur, il vous lance les deux mots qui conviennent, jamais en colère, toujours dans la bonne humeur mais avec une certitude et une détermination de propriétaire.

1 – Il est de ces Présidents de football professionnel qui ne s’étonnent de rien, qui acceptent, bon gré mal gré, qu’un match nul soit une bonne opération chez les féminines face à un leadeur quand chez les hommes, la seule bonne opération reste la victoire. Président, votre sentiment sur le match ? « Un sentiment mitigé. Un côté heureux parce qu’on a réussi à rivaliser avec nos petits moyens avec un grand club français qui a fait la finale de la Coupe d’Europe, voire mieux. On va dire que l’on était en reconstruction depuis trois quatre ans et que l’on arrive sur un cycle intéressant et là avec une équipe qui, si elle continue à bosser comme cela, pourrait faire quelque chose d’intéressant ».

2 – Il ne tombe pas dans la question « de la question à double sens ». Avec un Patrice Lair qui était très impliqué et concentré dans les tribunes du camp des Loges, la question inévitable se pose. Il répond avec détermination, mettant de côté toutes les réflexions. On a l’impression qu’il y a une petite patte de Patrice Lair qui s’exprime ?  « C’est surtout la patte de Jean Louis Saez et de l’encadrement, après Patrice nous donne un coup de mains. On construit depuis trois ans un groupe, on met en place des choses, Patrice nous donne un coup de mains depuis quelques mois et on a fait le boulot avant que Patrice vienne. Jean-Louis apprend le football féminin petit à petit et cela ne peut être qu’un plus que d’avoir Patrice avec nous, ce qui sûr c’est que les filles sont dedans et c’est bien ».

3 – Quand vient la question financière qui souvent veut être l’explication des différences entre les clubs, le pragmatisme de l’homme propriétaire ressort. Vous avez mis plus de moyens ? « On n’a pas mis plus de moyens. On n’est même pas au million d’euros. On essaye de recruter intelligemment. Notre centre de formation sort des jeunes joueuses, il y en avait quatre de titulaires et sur le banc aujourd’hui (PSG-Montpellier). On essaye de faire avec nos moyens. C’est motivant pour continuer à faire des efforts sans faire n’importe quoi car on n’a pas les moyens financiers de Lyon et du PSG. »

4 – Le même pragmatisme s’opère quand à une hypothétique seconde place. La deuxième place avec un contenu comme cela est envisageable ?  Je vous aurais dit qu’elle était envisageable si on avait gagné aujourd’hui. On n’a pas gagné. Après, il ne fait pas lâcher les points comme on a fait la saison dernière sur les petits matches où on a perdu beaucoup de points et on a terminé quatrième. Donc c’est gagner les petits matches et essayer d’accrocher les gros. On en a accroché un aujourd’hui.

5 – Quand on fait appel à l’antériorité de Montpellier et de son influence. Je parle à quelqu’un qui a de l’influence dans le milieu du football aujourd’hui. Il en rit : »C’est trop d’honneur pour moi ». Cette troisième place européenne, elle aurait ses raisons d’être aujourd’hui. Redevenant Président : « Ce serait bien pour le football français et pour le football féminin. Après cela se fera avec la Ligue des Champions ou en créant une coupe d’Europe intermédiaire comme on fait chez les garçons. Je pense que tout ce qui peut avoir une connotation européenne ne peut que faire progresser le football féminin français. S’il pouvait y avoir une troisième place ce serait super pour des clubs comme le nôtre, pour Juvisy et pour le football de France. »

6 – L’homme sait très bien que ce n’est pas lui qui est sur le terrain et que son rôle de propriétaire est de trouver les bonnes personnes à faire entrer « dans l’écurie montpelliéraine ». Avoir une jeune comme Marie Charlotte Léger sélectionnée en équipe de France, quel sentiment cela vous donne ? « Chouchou ? On est content ». Comme tous les autres Présidents qui aiment bien avoir pris aux autres quelque chose. « On a réussi à la récupérer de Metz et la prendre alors que je sais que les grands clubs comme Lyon la voulait et elle a préféré venir chez nous plutôt qu’à Lyon. » mais surtout d’avoir la possibilité de voir la joueuse évoluer. « C’est sympa de prendre une jeune et qu’elle monte. Elle a encore beaucoup de chemins à parcourir. Il faut qu’elle progresse et qu’elle s’installe durablement chez nous. C’est sympa et en plus c’est une fille sympathique et agréable ».

7 – Enfin, le final est là, avec l’info du dirigeant : « On est content car le moule prend forme. Le projet de jean-Louis Saez sur 3 ans est en train d’aboutir cette année. On verra si on part sur un nouveau cycle de trois ans. on le saura en Décembre mais c’est vrai que pour l’instant cela fonctionne. »

8 – L’entretien se termine, sauf qu’il est rare d’avoir dans la région parisienne, le président montpelliérain .. Encore un mot sur le fait que Montpellier a été précurseur dans le football féminin. On a de plus en plus de clubs pros qui s’y mettent. C’est une bonne chose pour vous ? Tout est une bonne chose si les clubs s’y mettent. Après il faudra que la fédération française de football mette aussi les moyens pas seulement sur l’équipe de France. L’équipe de France, c’est super mais il y a les clubs quoi ! Les clubs il faut qu’ils aient les moyens financiers ! Nous on investit énormément et bien que l’on ait une passion pour le football féminin et le centre de formation qui nous coûte de l’argent ;  il n’y a pas de retour à part cette année, avec la finale de la Coupe de France où on a gagné un peu d’argent. Mais si peu.

9 – Se dessine, au fil de la conversation, une partie des contraintes du football féminin français. C’est à dire ? A un moment donné, il va falloir que la fédération française, si d’autres clubs veulent investir ou d’autres clubs comme Juvisy qui n’est pas pro mais qui a les moyens de lutter, il faut qu’il y ait une avancée financière au niveau de la fédé. Cela parait obligatoire. Sinon les clubs lâcheront et nous aussi, à un moment donné, on lâchera. Parce que financièrement on ne peut pas suivre. Parce que terminer 5ème ou 6ème, professionnellement cela ne m’excite pas. Ce qui m’intéresse c’est d’être dans les trois premiers voire premier. Mais si on ne nous donne pas les moyens de lutter, à un moment donné ce sera compliqué.

10 – reste l’argument de l’image positive pour un club professionnel d’avoir une section féminine de football féminin. On va dire qu’à un moment donné, un club de football féminin professionnel raisonne comme un club professionnel masculin. Ben nous, il n’y a pas que l’image. Ce n’est pas parce que l’on est précurseur, qu’on est dedans avec un centre de formation qui fonctionne. Mais moi, j’aime gagner et je n’aime pas perdre. Le but, c’est de pouvoir rivaliser avec les gros et moi financièrement je ne peux pas rivaliser avec les gros.

11 – On en vient à la réalité. Le budget du football féminin est encadré. « Il faut donc recruter malin. Comme avec Marie-Charlotte cette année. Chaque année, on ne trouvera pas une perle rare comme Sofia de la saison dernière, comme Linda .. on essaye de faire des trucs intelligents avec nos moyens. On essaye de faire du mieux possible. »

Pour une seule finalité. Pour ces Présidents issus du monde professionnel, qui investissent en plus du monde masculin : « c’est de gagner ». Or, en football féminin, il est difficile de gagner face aux gros. C’est sa limite actuelle.

Montpellier est actuellement second du championnat (2/10/2015).

William Commegrain lesfeminines.fr

Entretien avec Laurent Nicollin, PSG Montpellier (0-0). 3ème journée. 13 septembre 2015. Avec Franck Gineste du Parisien.