On ne leur a rien promis. Pire, souvent, on leur a parlé du pire. Habitués aux jugements négatifs qui les ont souvent accompagné, hommes comme femmes, élevés au langage du cœur qui leur fait oublier la forme pour ne s’attacher qu’au fond ; plongés dans le monde crée quand même par ceux qui les critiquent et qui les a fait suivre « le moins classe » pour que les autres s’accaparent « le monde supposé classe » ; les voilà ces jeunes des bacs pro qui n’amènent pas directement à une profession, réservée dans ces domaines de la gestion à des bac +2 et bac+5, le plus souvent issus d’écoles privées ou privatives à 6.000 euros l’année ; eux qui ne peuvent payer une série de livres, autrement qu’avec 3 chèques décalés ou « en espèces » si c’est possible.

Ils ne sont pas accrocs à l’école. Ils sont accrocs à la Vie. Jamais certainement, ils n’auront l’envie, le courage ou la force de s’enfermer dans un monde de livres et de devoirs quand dehors, il y a tant de choses à faire pour eux et les autres, à connaître, à apprendre, à estimer ou mésestimer. Ils font les deux, respectueux des deux enseignements, balançant en fonction des événements qui le demandent, vers l’un ou vers l’autre.

Ils ne sont jamais Un ou Une. Déjà, dans ce monde, ils sont plusieurs en Un et Une. Ils portent la famille, la vie des autres comme la leur, la maternité quelques fois ; « les frères, les sœurs » ces mots qu’ils ont crée dans ce groupe d’enfance et de quartiers pour se créer une autre famille, complémentaire, et qui sonnent si faux dans le 75.016 quand on l’entend, constatant qu’ils utilisent « des mots » qui avaient un sens fort ailleurs ; quand eux, ont manqué de créativité pour trouver les leurs.

Chacun comme chacune porte cela en lui, en elle. Aussi fort qu’ils sont, ils le sont car ils sont tout cela. Déjà comme des Pères ou Mères, certaines avec enfants, à se préoccuper des autres autant que d’eux-mêmes.

Pourtant, dans une ville de banlieue, dans un établissement où la kyrielle de prénoms différents est le signe de la mondialisation des origines, très loin du mot racisme qui ne veut plus rien dire pour eux aujourd’hui, ces jeunes à qui on n’a rien donné puisqu’ils n’ont pas choisi le chemin académique extrême « du mérite scolaire » où les origines ne doivent être mises en avant que devant la marche symbolique de Sciences Po ou de celle de la Sorbonne, ont crée ce que leurs valeurs leur demandaient.

Sans bruit, sans moyen. A leur manière et avec fierté.

Une association « Réchauffons Corps et Cœurs » dans le 9-4, à Vitry sur seine. Une maraude pour tous ceux qui sont encore plus bas que bas. Les SDF. Une maraude de la dimension affective de la Croix Rouge, avec le camion qui va, le matin qui roule, le repas qui chauffe, le sourire du moment, le respect de l’autre, et le départ pour un autre retour. Ils ne promettent rien car qui mieux qu’eux peuvent savoir que les promesses des autres, les plus tenues, sont souvent celles d’intérêts.

Ils sont là, ils font. Et ensuite vont à l’école. Au lycée. Pour un diplôme post-bac. Qu’ils auront du mal à avoir car les diplômes ne se préoccupent pas de savoir ce que vous faîtes de bien dans votre vie. Ils vous demandent un ensemble de connaissances, qui serviront ou ne serviront pas et que vous pourrez restituer, dans un temps court, par écrit dans un monde où lire est devenu « un sport de riches », faute de temps, d’envies comme d’environnements. Ils écrivent moins, et mettent du temps à s’imprégner d’un texte plutôt que d’une vie.

Ces quelques mots sont pour eux. Nous les profs, on fera tout pour qu’ils réussissent ce difficile passeport d’un BTS quand ils viennent d’un autre chemin pour qu’ils aient la même identité que les autres et on espère tous, que ce qu’ils font, soit reconnu comme un diplôme : bac +5 du mot « humain ».

Car là, face aux autres, ils sont largement en avance. Très largement.

Déjà 4.000 sur une page facebook, c’est bien et c’est normal pour de l’humanitaire. Ne leur parlez pas de marketing. A aucun moment, ils ne leur viendraient l’idée d’acheter, pour 500 €, des « jaime » afin d’arriver à plus de 10.000 en six mois quand d’autres associations sont à 5.000 après huit ans.  De la stratégie d’un dossier labellisé « Voilà ce qu’il faut faire pour être les premiers » à rendre pour « Mercredi en 8 », ils s’éloignent de cela. Bien sûr quand vous les interrogez sur ce sujet, certains s’emballent, mais vite, la valeur de base revient. D’abord, ils n’ont pas 500 €uros à dépenser ensuite chacun fait ce qu’il veut mais eux, souhaitent avancer réellement car ils sont conscients et fiers que leur projet ait de la qualité. Ils sont réellement entrepreneurs de leur initiative et fiers de cette vérité qui intéresse les décideurs car elle porte cette réalité, sinon ils s’en méfieraient.

De quelle couleur est leur croyance religieuse ? Peu importe. Sont-ils hommes ou femmes ? Peu importe. Sont-ils de même couleurs ? Peu importe. A l’image de la jeunesse d’aujourd’hui, toutes ces différences les indifférent. A l’inverse, ils sont nombreux. Ils ont les mêmes valeurs. Sur ce sujet, ils sont intransigeants.

Des fois, vous lancez une idée. Propriétaire de leur projet, ils l’écoutent. S’ils le sentent, ils agissent. Sinon, ils en rient. Le rire est le propre de l’Homme. C’est une belle philosophie. Quand vous avez une personne qui en refusant, rit. Vous avez affaire à un Philosophe de la Vie. Nelson Mandela.

Voilà des jeunes qui ne sont pas dans l’excellence scolaire mais qui sont dans l’excellence humaine. A quand un diplôme ?

William Commegrain lesfeminines.fr

  • PS : quand on est prof, voilà une fenêtre sur la réalité de notre quotidien. Et sur notre rôle : « contenu – identité des autres. » C’est toujours bon à rappeler.