Le résultat d’Arras condamné à la descente face à l’Olympique Lyonnais (14-0, 20ème journée) pose la question soit de la crédibilité du football féminin, soit celle de la différence entre deux équipes, l’une des meilleures mondiales face à Arras, bien plus loin. Pourtant dans le même championnat. En football masculin, les joueurs d’une même division se valent athlétiquement, mentalement, techniquement et tactiquement. La différence se fait dans l’animation du jeu, et sur la performance du moment. Bien qu’il existe des joueurs au-dessus (la prestation de Messi dernièrement face au Bayern) ; ils ne sont pas si nombreux. Les scores sont donc serrés et dépassent rarement le 4-0.

En football féminin c’est différent. Les conditions d’entraînement sont essentiels. 

Chez les féminines, il existe un univers entre les joueuses d’une même division. Quelquefois cet univers n’est dû qu’aux conditions d’entraînement et les parisiennes Sabrina Delannoy, Jessica Houara, Laure Boulleau qui sont passées du stade « amateurs » à exclusivement « professionnel » montre que la seule différence peut être due à cette situation spécifique de chaque club. Elles-même le disent. Théa Gréboval est dans la même lignée, alors qu’elle prenait 11-0 face au PSG à Charlety la saison dernière sous les couleurs d’Hénin-Beaumont et qu’avec Juvisy, où les conditions d’entraînement sont différentes, elle est maintenant titulaire du groupe de D1 et en équipe de France U19.

Les conditions d’entraînement sont un élément essentiel qui contribue aux différences aussi lourdes entre deux clubs féminin.
Sur le plan individuel, s’entraîner et se préparer une fois par jour avec le suivi médical préventif derrière n’a rien à voir avec un entraînement réalisé trois fois par semaine en fin de journée. Il en est de même sur le plan collectif, le football étant une affaire de passes coordonnées, le travail tactique quotidien est essentiel pour amener les occasions et les buts.

Il est donc impossible, pour une joueuse de rivaliser sur le plan individuel avec les grosses écuries ; il est impossible pour un club de rivaliser sur le plan collectif avec les grosses écuries et le constat des scores lourds n’existent d’ailleurs que face à de grosses écuries (Olympique Lyonnais et le Paris Saint Germain *). Vous ne verrez jamais des scores aussi lourds entre confrontation de même niveau de club. Les résultats sont très serrés, de l’ordre du 2-1, 3-1 éventuellement mais jamais plus loin.

Ces scores de 14-0, 13-0, 12-0 sont donc le constat d’une différence, ils ne peuvent pas donner lieu à une condamnation.

La particularité du championnat français. 

La France a un haut de tableau au niveau d’une demi-finale européenne et qui n’a rien à envier aux allemandes.
Cette différence est d’autant plus grande que dans le championnat français, il existe des joueuses qui ont le meilleur niveau mondial (France est 3ème FIFA) ; que les meilleures joueuses sont dans les clubs de l’élite : l’Olympique Lyonnais, le Paris Saint Germain, Juvisy, Montpellier à l’inverse des Etats-Unis qui n’ont pas de rétrogradation dans leur championnat comme de coupes intercontinentales et où toutes les internationales sont dispersées dans les neuf franchises américaines.

Alors quand vous réunissez ces deux caractéristiques, auxquelles vous rajoutez les conditions de transport et de voyage (avion ou train pour certains ; mini-bus pour d’autres pour faire 1600 kms dans un week-end), vous ne cherchez pas à sourire ou à commenter quand de tels résultats apparaissent, juste à communiquer l’état d’une différence, qui devait être le même quand le football masculin se construisait.

Les passionnés voudraient qu’ils en soient autrement.

Ils ont raison et je ne doute pas que les joueuses le souhaiteraient aussi, même elles n’en sont pas si convaincues à voir le dépit des joueuses de Juvisy et les actes excessifs de Montpellier dans les vestiaires de Bondoufle. Ce n’était qu’une victoire.

Le haut tableau se rapproche en homogénéité. C’est le match qui va faire la différence, plutôt que la capacité, auparavant.
Ainsi pour ma part, le résultat de Montpellier vainqueur à Juvisy (3-1) est, à mon avis, la nouvelle réalité du Top five avec la possibilité pour chacune des équipes, d’aller chercher un résultat chez les autres compte tenu que le niveau tactique, physique, technique sont devenus très homogènes entre ces joueuses, par l’exigence et l’ambition de l’équipe de France et du Mondial 2015 et 2019 à venir.

La performance individuelle et collective du jour fait le résultat, au contraire d’auparavant où la capacité était la certitude d’une victoire ou d’une défaite. Et il n’est pas si loin le temps où tout cela se resserrera, notamment pour la tête de championnat, avec l’arrivée d’une nouvelle génération à condition économique ou sociale semblable.

Doit on condamner le football féminin avec de tels scores ? 

Je ne pense pas. Cela empêche juste de l’encenser.

Quand une équipe prend 14-0, 13-0 ou 12-0 ; elle ne me semble pas condamnable car ce score est face à des écuries totalement différentes et de plus, pour ne parler que de celles que j’ai vu, elles se battent jusqu’au bout. Avec leurs moyens. Avant le match, pendant le match, après le match. Ce football n’est pas professionnel, il est amateur. Il en a les qualités, il en a les défauts.

On ne doit pas attendre la même chose entre le football masculin et féminin. Ce dernier est trop jeune. Il ne peut accepter d’être encensé dans sa globalité, il ne peut accepter d’être critiqué dans sa globalité. Il se construit et entre clubs de même niveaux, il est très compétitif.
Les parisiennes, les lyonnaises, les juvisiennes, les montpellieraines en mettront vingt, si elles peuvent en mettre vingt. Il faut jouer contre elles quand on fait du football féminin amateur. La carte de visite est significative : Lyon, double championne d’Europe, 2 finales ; le PSG, finaliste et j’espère vainqueur de la Coupe d’Europe ; Juvisy demi-finaliste de la Coupe d’Europe ; Montpellier demi-finaliste ou quart de finaliste.

Et repartir le match suivant après de tel score alors qu’elles ont fait ce qu’elles pouvaient ; je dis « différence », je dis « hétérogénéité », et je dis même « Respect ».

Le football féminin n’est pas au niveau du football masculin, il n’est pas mature. Normal, il n’a pas le même âge. Il se construit mais il reste performant entre les clubs de même niveau. Il y a bien une compétition et une différence entre les clubs du haut de tableau comparé à ceux du bas de tableau, comme maintenant chez les hommes.

Quand à la crédibilité du football féminin par rapport à de tels scores, il faut juste rappeler qu’il en est ainsi pour bon nombre de sports collectifs féminins (Volley-ball, hand, basket). Il n’y a pas assez de joueuses d’élite pour tout un championnat. Il faut beaucoup plus de masse féminine pour arriver au niveau des garçons et surtout leur proposer les mêmes conditions.

Mais cela, c’est un autre débat.

William Commegrain lesfeminines.fr

  • PSG – Henin Beaumont (11-0) saison 2013-2014
  • OL Metz (15-0) saison 2014-2015
  • Juvisy Muret (12-0) saison 2013-2014
  • Montpellier – Rodez (8-1) saison 2013-2014