ISSY Football féminin se trouve, pour la seconde fois, dans l’élite féminine à un moment où le fossé initial entre les clubs semble s’agrandir de manière inéluctable entre les deux clubs de l’élite masculine, que sont l’Olympique Lyonnais depuis un certain temps d’une part, puis le Paris Saint Germain d’autre part ; et les dix autres clubs du championnat, portant la situation des uns à ce qui pourrait être à des années-lumières des autres.

Sur le potentiel de base des joueuses, la différence n’est pas si grande entre les deux mondes.

Rien de nouveau dans le constat, si ce n’est qu’en regardant le match opposant le Paris Saint Germain -au minimum quart de finaliste européen- et ISSY FF, je me suis dit, je vous l’avoue bizarrement, que les féminines avaient du potentiel mais sont dans certains domaines, à des années lumières entre elles.

Je n’ai pas vu une grande différence en terme de potentiels

Après la rencontre entre ces deux clubs dans ce qui ne pouvait pas être qualifié de Derby tant ce nom relève du challenge d’équité et de l’inconnu qui va avec, ce qui semble impossible entre ces deux écuries ;

les filles ont un potentiel physique ou technique des deux côtés. Les unes travaillent leurs qualités bien plus que les autres.
la différence physique et technique entre les joueuses ne m’a pas semblé si évidente. Loin s’en faut. J’ai en mémoire une percée de la jeune Conrad Courtney, fille au pair qui n’est pas nettement devancée par Annike Krahn, championne d’Europe en titre et championne du monde 2007 quand même, sur une balle en profondeur. Elle est juste récupérée et devancée mais elle a assez de jus pour montrer que sur une accélération, elle avait le potentiel pour aller aussi vite que l’internationale allemande.

J’ai encore en mémoire le jeu de la jeune Hanni Jinane, qui était toute intimidée lors de son premier match en D1 face à Montpellier, lâchant au début de l’escalier qui amenaient les jeunes filles sur le terrain, un trop plein d’émotions « j’ai peur » sous le sourire bienveillant de la présidente de son club, Christine Aubere et qui, dans ce match, s’est amusée de dribbles pour passer, avec le ballon, entre les jambes des parisiennes, et remettre un nombre incalculable de ballons en appui ou en soutien, sans le perdre.

Puis je revois cet arrêt, main droite tendue au sol, de Pauline Peyraud Magnin, sur un tir déterminé, des 20 mètres, de Kheira Hamraoui, cadré, limite poteau intérieur-petit filet, ras de terre, croisé. Les plus difficiles à sortir. La gardienne part, pris par le jeu. Avec toute son intention, sa motivation. La balle sort. Corner. Ce n’est pas rien en football féminin un tel arrêt, sport où les gardiennes sont souvent décriées.

Enfin, la qualité de l’axe central d’Issy FF avec Adeline Rousseau qui n’a eu de cesse de réussir à couper les trajectoires des débordements nombreux des parisiennes, soit par des tacles soit par une lecture du jeu ; associée à Kheira Bendiaf qui joue de son tempérament pour ne jamais se faire déborder.

Non, en terme de potentiels, je n’ai pas vu une aussi grande différence. Les années-lumière sont ailleurs.

Existent-elles ces années lumières de différence ?

Elles sont réelles. Plus que réelles. Issy FF a pris 9-0 à domicile face à l’Olympique Lyonnais et termine la rencontre sur un 5-0 face au Paris Saint Germain sans avoir eu une occasion sous la dent, hormis un contre qui s’est terminé par un hors jeu sur la ligne. Metz a pris 42 buts face à ces deux équipes en quatre matches. 

Il y a bien des années lumières de différences
Et pour cette seizième journée, Albi a été défaite sur le score de …  14-0 par l’Olympique Lyonnais.

La condition physique est le premier élément.

Dès la 60′, après une domination à 90% dans le terrain d’Issy, ce qui a été d’ailleurs la chance des Chouettes, obligeant le PSG a trouver des solutions face à deux murs bien serrées à hauteur des 20 mètres (second but seulement à la 44′, par Kheira Hamraoui) ; les filles du 92 cherchent leur souffle. Les parisiennes ne cherchent rien, elles continuent à jouer tambour battant, sur un terrain difficile. A aucun moment, les parisiennes n’ont semblé accélérer. En effet, elles ont joué la partie sur le même rythme, très rapidement. Il y a là, des années lumières entre les filles.

Les conditions d’entraînement et de récupération sont des axes de différence entre les deux mondes.

Nicolas Gonfalone, le coach d’Issy me le disait en zone mixte, en répondant à la question : « Question 1 : Comment peux tu préparer des filles qui travaillent à se mettre au niveau des contrats fédéraux ? »

« Tu ne peux pas. Tu prépares autrement. L’écart restera tellement énorme, sinon, il n’y aurait plus de réalités. Tu « priorises » plus l’aspect affectif, accompagnement, que l’aspect technique et tactique. Je ne dis pas qu’il n’existe pas dans le monde professionnel.

Il y a des séances que je modifie ou que je mets à la poubelle, car tu ne sais pas comment tu vas les retrouver, notamment le vendredi soir après une semaine complète.
 Comme pour moi, en tant qu’entraîneur, quand tu travailles à côté. Donc, tout ce qui est plaisir, joie, lâcher un peu de lest de temps en temps, est important. Ce que je perds là, je le gagnerais autrement. »

Question 2 : En fait, tu es sur un fil au moment du match. Tu ne seras pas quel sera le résultat de la qualité du jeu de tes joueuses au contraire du monde des contrats fédéraux où on demande une réalité et un niveau avant le match, compte tenu que « c’est leur métier et qu’elles travaillent chaque jour tous les aspects de leur football.

« Tu tends à travailler sur des aspects quantitatifs pour la préparation athlétique et pas trop qualitatifs. Vendredi, on avait prévu des tests pour voir où on en était  au vu du match de Saint-Etienne à venir, car depuis la reprise, c’est surtout cela l’objectif -les matchs de Lyon et du PSG, sont quasiment des matchs d’entrainement face à ces grosses équipes pour nous mettre en rythme- mais on a pas pu le faire car tout simplement, les filles étaient trop fatiguées. J’avais quand même deux titulaires qui étaient sur le banc aujourd’hui. Tu es obligé de mesurer tout cela au quotidien, plus malheureusement dans la sensibilité que dans la réalité scientifique ou théorique. »

Là encore, il y a des années lumières de différence et la capacité de progression entre les deux mondes est tellement évidente qu’on peut prendre comme exemple le changement incroyable de Sabrina Delannoy, Jessica Houara, Kheira Hamraoui, Kenza Dali et d’autres pour l’argumenter quand bien même, leurs qualités individuelles sont autant de raisons valables qui ont permis ce changement radical qui leur a permis, à toutes, de devenir internationales.

L’aspect psychologique est aussi une grosse différence.

Adeline Rousseau, en dernière année d’une école de commerce (Ecole Supérieure de Commerce Parisienne obtenue sur concours après une classe prépa), option marketing, me répondait qu’il n’y avait pas de préparation particulière, sauf que contre ses grosses écuries, le challenge était « de se prendre le moins de buts possibles ».

Notre priorité n’est pas devant ces grosses équipes. On pense à en prendre le moins possible et on commence à en parler .. dans le rond central quand on est toutes ensemble.
Et surtout regarder après, « être solidaires pour préparer les matches suivants ». En constatant qu’à l’évidence, « il y a un moment où il va y avoir un décalage entre les moyens des joueuses et qu’elles vont en profiter pour scorer et c’est ce qui s’est passé aujourd’hui. Sinon, on ne parle ensemble du match que dans le rond central ».

Il est évident que l’approche du match n’est pas la même face à quelqu’un qui vit dans un environnement club et football au quotidien et qui se juge sur sa performance sportive et sera jugé dessus  ; lorsque soi-même, les autres jours de la semaine, les autres joueuses amateurs doivent produire de la qualité et de l’exigence dans un tout autre environnement. Les priorités de l’esprit deviennent partagées : une double vie en quelque sorte. Avec quelques fois, un anonymat dans cet environnement universitaire dans lequel pointe « quelques petites chambrettes gentilles » sur les résultats.

L’aspect tactique est une énorme différence.

Les féminines du Paris Saint Germain pratique un football comme le font les orchestres de musique classique.

les parisiennes jouent un football tactique de très haut niveau comparé à celui des amateurs qui n’ont pas les moyens de s’y opposer car cela demande beaucoup d’entraînements.
Qu’il y ait du monde ou pas, elles jouent une partition écrite, sans fausse note, sous la conduite d’un chef d’orchestre. Alors que les filles amateurs jouent un football de mélodies, quelques fois justes, d’autres fois moins. Quelques fois avec des notes inattendues, d’autres fois avec des notes « surprenantes ». De la tribune de presse, en hauteur, le mouvement des joueuses de Paris est perpétuel. Elles ne jouent pas pour créer une différence, elles jouent pour faire des liaisons, qui au final, créera une différence ou des différences. Dans le monde amateur, les féminines face à de telles écuries, cherchent la différence individuelle pour créer le contre, facteur d’espoir et d’opportunité.

La première musique est celle du travail ; la seconde n’a qu’une seule chance, celle du talent. Le résumé vidéo des buts de la fff vous montrera à quel point les parisiennes sont titulaires du jeu face à Issy qui ne peuvent, tactiquement, les empêcher de se démarquer.

Qui gagne ?

Sur le plan sportif, il n’y a aucun doute que ce sont les contrats fédéraux. Et arriver à leurs niveaux est une réelle performance que Juvisy a atteint pendant un certain nombre d’années mais qui semble impossible maintenant dès lors que le recrutement du PSG se fait dans l’excellence internationale, complétant l’excellence française de l’Olympique Lyonnais.

Les deux. je ne suis pas convaincu que toutes les joueuses veulent ne faire que du ballon. Je ne suis pas convaincu que toutes les filles veulent rester amateurs. C’est à la carte en fonction des possibilités de chacune. A l’inverse, elles ont toutes le potentiel pour s’améliorer. Après il faut avoir celui de la concurrence.
Sur le plan professionnel, rien n’est dit et c’est loin d’être évident. En effet, la professionnalisation des clubs est rare et obligera les joueuses « à contrats fédéraux » à la mobilité internationale. Ce qui n’est pas la première qualité des françaises. Comment avoir en France, pendant dix ans, une place sur le terrain dès lors que la concurrence existe entre professionnelle, les écarts de l’âge, la blessure ou la méforme ponctuelle ?  Encore plus en intégrant que les clubs ne sont pas nombreux à pouvoir faire des propositions identiques à ces niveaux de rémunération. La pérennité française n’est pas acquise, cela suppose comme les étrangères, de la mobilité internationale.

Pour autant, l’attrait de la professionnalisation par des contrats fédéraux reste présent. A l’image d’Adeline Rousseau qui convient, non plus pour elle qui est au début de sa vie professionnelle et non plus au début de sa vie sportive, que pour des jeunes filles de 14 ans, savoir qu’une professionnalisation est possible peut-être un beau challenge.

Enfin, il peut y avoir de belles opportunités à marier les deux : le sport de haut niveau et l’approche professionnelle ou scolaire. Faut-il en avoir le profil.

Je terminerai en disant, le football féminin n’est pas assez structuré pour que ce soit une réponse générale comme elle peut l’être dans le football masculin. C’est plutôt une question de profil. Bien se connaître. Prendre une décision adaptée à la situation. Et dès que la décision est prise : n’avoir qu’un seul objectif : Tout faire ou comment tout faire pour réussir cet objectif .. malgré les obstacles. C’est toute la question, et toute la qualité de la réponse quand elle est réussie. Pas évident quand on est jeune, à l’inverse des autres domaines professionnels où les premières grandes décisions se prennent au minimum dans la trentaine, alors que par essence même dans le sport, on est amené à les prendre jeune ou très jeune.

William Commegrain. Lesfeminines.fr