1/2 finale Coupe du Monde 2019. Angleterre – USA. 21h. Les Etats-Unis trouvent tout le monde incroyable lorsqu’elles gagnent. Le stade, l’adversaire, le public. Tout est extraordinaire. « Amazing ». Elles ont gagné, le moment ne peut qu’être extraordinaire. Elles le vivent pour s’en accaparer. Ce seront les forces qu’elles utiliseront demain pour trouver le besoin de revivre ces émotions. Les conserver dans la boîte à émotions qui servira à la performance.

Chez les françaises comme un moteur. Pour les américaines comme un objectif à revivre. Elles sont éduquées comme cela, le bonheur est normal. Il suffit d’aller le chercher.

Il faut juste se rappeler l’attitude physique de Megan Rapinoe lors de la découverte du terrain au Parc des Princes face à la France. Elle était au Parc en propriétaire. Claquette, short seule dans ce grand rectangle mais qui au fil de sa certitude, rapetissait. Devenait sa chose. Les Bleues sont venues, cinq minutes plus tard, en costume. Apprêtées. Un peu scolaires. Uniformes. Toutes semblables. Megan, 33 ans, claquettes aux pieds, dans son jardin, avait les jambes ancrées dans la pelouse. Bras croisés bien ferme. Elle envoyait un message, reçue par ces Bleues, pourtant nombreuses mais agglutinées entre elles. L’américaine, 20 mètres plus loin. Sans les regarder était toujours chez elle.

La seule qui s’est essayée à l’autonomie. Amandine Henry. Marchant calmement vers la tribune familiale. La seule certainement à avoir trouvé la solution américaine de l’indépendance.

Carli Lloyd est passée devant Rapinoe. Elles ne se sont pas parlées. Même pas regardées. La double meilleure joueuse FIFA 2015 et 2016 avait un très gros casque aux oreilles. Enfermée dans son monde, peut être même qu’elle en voulait à sa coéquipière d’être sur le banc. Dure dans sa démarche, rien d’amical. Une autre attitude, un autre monde. Aucune n’a changé de comportement. Deux fauves qui se croisent. Aucune ne baisse sa garde.

Rapinoe est passée à autre chose. Elle a eu une idée de génie. Elle est allée voir le public américain. Comme chez elle, pose de selfies, sourires. Maîtrise. Sûre d’elle.

Les françaises étaient toujours ensemble, elles n’avaient pas bougé. Il n’y avait pas eu de réactions individuelles en réponse. Peut-être n’en fallait-il pas. Peut-être, que oui ?

Megan Rapinoe est rentrée chez elle. Dans le tunnel. 1m67, fine, 50 Kgs. Elle avait fait le job.

Les américaines sont des stratèges.

Jill Ellis est une stratège. 

Que dire alors des compliments réels fait par Megan Rapinoe et Jill Ellis à l’égard de la prestation des Bleues et de Corinne Diacre après leur victoire et l’élimination des Bleues ? Ils sont vrais, reste à savoir s’ils sont justes.

La mentalité de la coach américaine est « d’obtenir des résultats ». Et pour ce faire, elle rappelle « qu’elle utilise des tactiques travaillées depuis 15 mois ». Il ne faut pas voir autrement leur défense à cinq. Une décision prise depuis longtemps dans des matches difficiles, comme celui généré par le public du Parc des Princes, pour un quart prévu depuis longtemps. « Une vague incroyable. Il fallait tenir contre cela ».

Les mots sont clairs en conférence de presse d’après match. Tout est réfléchi chez elle.

En première mi-temps, Jill Ellis est sortie du banc, avec un immense panneau. Elle l’a brandi devant 45.595 spectateurs et devant combien de TVspectateurs ? Comme une cheffe de gare. Incongrue. Dessus était noté « 41 ». J’aurais aimé avoir le temps de lui poser la question du sens de ce panneau. Une manière pratique de donner un message malgré le bruit ambiant de 45.595 coeurs qui hurlaient au Parc des Princes.

Dans cette zone technique, tout au long du match, deux de ses adjoints sont intervenus, imposant des situations. Ordonnant. Le premier, est l’ancien coach suédois de Tyresö qui a bondi aux USA après le dépôt de bilan de son équipe en 2013, finaliste pourtant de la WCL pour la première de Wolfsburg (4-2). Tony Gustavsson, qui avait éliminé le début du PSG européen à Charlety.

Le second, était inconnu pour moi. Les deux étaient décisionnaires et acteurs de la situation. Jill Ellis partage la décision, c’est une stratège.

Alors que valent ces compliments ? Ils pourraient être réels. J’ai en mémoire le ton qu’elle avait utilisé le jour du tirage, le 8 décembre qui prévoyait déjà un quart avec la France. « La coach française est intelligente ». Il y avait du respect dans ces mots et de l’envie. Elle souriait déjà à la future rencontre. D’un autre côté, il y a aucun doute qu’on a assisté à une équipe de L2 jouant un match de coupe contre une L1. Des initiatives, des possibilités mais au final, pas d’occasions et c’est la Ligue 1 qui gagne. Logiquement. Et à mon avis, les Bleues mettront beaucoup de temps avant de revenir en L1.

Qu’a prévu Jill Ellis face à l’Angleterre ? 

Lucy Bronze est une évidence. Sauf qu’aucune joueuse de ce Mondial n’a réussi à renouveler sa performance le match suivant. Bien que Lucy Bronze ait le coffre pour le faire.

Ellen White ? la co-meilleure buteuse (5 buts) qui trouve toujours des angles pour sortir des tirs croisés cadrés quand la plupart des joueuses envoient la puissance, en espérant que cela passe.

Aura-t-elle l’arme contre la force des anglaises d’attaquer et de marquer au centre, alors que toutes les autres équipes s’épuisent émotionnellement et physiquement à centrer. Un coach au Parc des princes, dans un échange amical, m’a juste dit : « le quadrillage des américaines au milieu. Des monstres ».

Je reprendrais la phrase de Farid Benstiti. « ce n’est pas la meilleure équipe américaine de ces dernières années ». J’approuve totalement.

A l’inverse, j’ai le sentiment que c’est la meilleure équipe anglaise depuis longtemps.

William Commegrain Lesfeminines.fr