Douze personnes cette semaine au chevet des Bleues à La Grande Motte(Hérault). Le lieu de résidence choisi pour préparer le match amical face à l’Italie, accouplé aux terrains du Montpellier Hérault SC prêtés gracieusement par Laurent Nicollin. Douze personnes ajoutées aux vingt-trois joueuses. Trente-cinq, le compte est bon. Manquait juste à l’appel Brigitte Henriquès, chef de délégation, bien occupée par ailleurs avec la Coupe du Monde en Russie et celle des U20, et qui a rejoint l’équipe hier soir à Marseille. Ou alors était-ce la superstition du chiffre 13 ? Une délégation de treize personnes. Trêve de plaisanterie !

Une délégation déjà en mode Coupe du Monde qui prépare l’échéance française de 2019.

A y regarder de plus près, et à trois unités près, c’est l’entourage habituel de Didier Deschamps pour l’équipe de France masculine. C’est dire si la fédération s’investit à fond dans le projet des féminines. Noël Le Graët a accepté les doléances de Corinne Diacre. En poste depuis septembre dernier, la nouvelle sélectionneur a voulu le maximum de garantie en s’entourant de professionnels dans leur domaine respectif. Dans une année de pré-Coupe du Monde, l’organisation est primordiale. Sur le terrain et en dehors du terrain. L’assemblage doit ainsi se parfaire au fil des rassemblements avec la perspective d’un match programmé ou non.

Dans la garde rapprochée de « la reine Corinne », on retrouve dans le staff technique, Philippe Joly, entraineur adjoint côtoyé lors de l’époque Bruno Bini dans les années 2007/2013, Michel Ettore, entraineur des gardiennes, un solide dans le métier et au cv rassurant, et un jeune préparateur physique Anthony Grech-Anglini, venu de Brest. Du côté du staff médical, en compagnie du docteur Vincent Detaille, deux kinés, Armelle O’Brien et Maxime Gaspar.

Pour « muscler » ses relations avec la presse et mieux maitriser sa communication, la FFF a fait appel à un professionnel du secteur : Jérôme Millagou, ancien grand reporter de RTL, et maitre ordonnateur des rendez-vous avec les journalistes. Sens du timing et de la ponctualité, une qualité requise pour un homme de radio, d’où cette sensation après la conférence de mardi dernier à la Grande Motte d’une grande fluidité dans l’échange. Sérieux et sourire. Pourquoi ne pas assembler les deux mots. Ce n’est pas antinomique après tout.

Et dans la délégation qui accompagne dorénavant la sélection, un coordinateur administratif, Jules Wolgust, un intendant Régis Blas, un responsable audiovisuel, Clément Ybert,et un journaliste reporter d’image(JRI), Antonio Mesa, qui a déjà accompagné les prédécesseurs de la sélectionneur et qui a imposé sa patte avec de belles images et d’interviewes des joueuses pour le compte du site de la FFF.

La hardiesse au rendez vous

Prêt donc pour le premier affrontement amical de la saison avec ce « bloc équipe » aurait dit en d’autre temps Aimé Jacquet, un homme qui a marqué l’esprit de l’ancienne coach de Clermont et dont les mots forts de sa conférence de presse : « oser, tenter, jouer » résonne comme une ode au héros de 98.

Un affichage clairement marqué pour l’année 2018 pour ce premier rendez-vous marseillais qui doit planter un nouveau décor. Place à l’avenir en oubliant un passé récent avec la fessée allemande (4-0) en novembre dernier à peine compensé par un 0-0 avec la Suède où la sélectioneur dit avoir aimé l’organisation défensive de son équipe.

L’arrivée de nouvelles joueuses, et la présence des jumelles Cascarino, Estelle la défenseure et Delphine, l’attaquante participent à la curiosité et à l’attente de ce France Italie qui sera disputé-on peut l’imaginer !- à l’image des matches d’un passé suffisamment lointain, qui a suscité cette réflexion de Corinne : « Je ne me souviens pas avoir gagné beaucoup de matches face à l’Italie en tant que joueuses (ndlr :5 rencontres disputées entre 1993 et 2005 avec 2 vicrtoires,1 nul et 2 défaites) et il y avait quelques anciennes roublardes qui nous malmenaient »

Il y aura vraisemblablement moins d’anciennes roublardes, car le football féminin s’est également développé en Italie, mais une squadra en progrès (17ème au dernier classement FIFA du 15 décembre), en tête de son groupe de qualifications pour la CM2019 devant la Belgique et la Roumanie. Et dont le dernier exploit notable reste une victoire (3-2) sur la Suède l’été dernier lors de l’Euro. Une référence !

Dans la communication avec les mots clés : oser, tenter et jouer, Corinne Diacre veut faire passer à ces joueuses, surtout aux plus jeunes le message de l’audace et de la prise de risque. La pression due à l’organisation de la future Coupe du Monde en 2019 sur le sol français et l’objectif du résultat affiché : le titre tout simplement, ne concourent pas à la plus grande sérénité. Un objectif puissant qui inhibe vraisemblablement une partie des jeunes filles. On peut le comprendre, car elles jouent leur future sélection sur un match ou quelques minutes de jeu. Une sorte d’examen de passage (le « footbac »)* qu’il faut dépassionner et dédramatiser. Ce n’est pas aisé de modeler le fonctionnement d’un cerveau avec ses peurs et ses angoisses.

C’est pourquoi ce message de la « big chief » distillé aux joueuses et relayé par les médias à grands renforts de superlatifs absolus prend toute sa signification :

« Je crois qu’il faut surtout se servir de ces matches de préparation pour tenter des choses. On ne peut rester cantonner derrière et jouer le 0-0. En tout cas, ce n’est pas ma philosophie, surtout si on a l’envie de gagner une compétition. » La fin de cette phrase est sans équivoque !

Il restera 500 jours très bientôt (le 23 janvier) pour trouver un management adapté et un juste équilibre entres les « anciennes » et « les jeunettes » afin de réussir un amalgame cohérent sur le terrain et en dehors.

La Shebelieves , une équation à plusieurs inconnues?

Outre cette rencontre amicale du vélodrome avec les voisines transalpines se profile la « ShebelievesCup » qui arrive bien vite. L’épreuve américaine qui a fort bien réussi à la sélection tricolore vainqueur de l’épreuve l’an dernier sous l’ère d’Olivier Echouafni, le banni post Euro. Arrive-t-elle trop vite dans le programme ? Peut-être !.. Dès le 1er mars en effet, les coéquipières d’Amandine Henry trouveront sur leur chemin, l’Angleterre (3ème FIFA), puis les Etats Unis le 4 mars (1er) et, pour finir l’Allemagne le 7 mars (2ème).

Des rencontres de haut niveau et à hauts risques face aux trois premières mondiales du classement FIFA. Beaucoup d’avions et peu de repos. Un marathon aérien entre les états de Colombus dans l’Ohio à Orlando en Floride en passant par Harrison en Arkansas, et retour en France par Toronto. L’équipe de France (6ème) détentrice du trophée sera dans quelles dispositions pour le défendre, compte tenu des données dorénavant connues : une équipe en construction pour l’an prochain et semble-t-il pas au même niveau que ces adversaires.

Etait-il nécessaire d’y aller ? La réponse de Corinne Diacre à cet égard est sans équivoque : « un contrat lie l’équipe de France avec l’organisateur américain jusqu’en 2020. ».

De surcroit, les dates également n’arrangent absolument pas nos deux clubs européens Lyon et Montpellier, qualifiés pour les quarts de finale de la Women’s Champions League, et qui fournissent le plus gros contingent de joueuses en bleues. Les lyonnaises affrontant Barcelone les 21 et 28 mars, et les montpelliéraines aux mêmes dates, les anglaises de Chelsea. Fatigues accrues et blessures possibles sont la hantise des deux entraineurs Reynald Pédros et Jean Louis Saez.

En cas de bons résultats sur le sol américain, la sélection française reviendra avec un plein de confiance pour la suite de la saison. En cas de résultats inverses, le doute pourrait apparaitre et s’insinuer sournoisement dans les esprits.

L’enjeu est déjà de taille, mais nous aurons l’occasion d’y revenir en temps voulu, et comme dit le slogan choisi pour la Coupe du Monde en France en 2019 : « l’occasion de briller », cela commence aujourd’hui à Marseille.

Jean-Louis MORIN

*terme inventé par l’auteur