Philippe Bergeroo, la forme pas les formes (2013/2016).

Ce choix est inattendu d’autant que le basque, né à Ciboure, a fait ses classes d’entraineur chez les garçons. Son fait d’arme et non des moindres, la campagne de la CM98 en France dans le staff d’Aimé Jacquet comme entraineur des gardiens. Un titre de champion du monde comme les autres.

Revenu à la DTN en 2003, il s’occupe des équipes de jeunes comme entraineur national avec un certain succès. Notamment un titre de champion d’Europe des U17 en 2004. Mais du football féminin, cet homme de 59 ans, ex entraineur du PSG et du Stade Rennais, ne connait rien. Corinne Diacre, adjointe de Bruno Bini sort du staff du nouvel entrant avec la particularité d’avoir Philippe Bergerôo comme membre pédagogique appelé à lui délivrer le BEPF qu’elle suit en cours de formation. Il dira, lors de son intronisation, à la fédération : « quand un coach arrive, il change les membres du staff ».

En contrat jusqu’en 2017, sa première mission est de qualifier la sélection pour la Coupe du Monde de 2015 au Canada et plus loin pour le Championnat d’Europe aux Pays Bas. Objectif : faire mieux que ses prédécesseurs et obtenir la médaille tant attendue.

Il s’y attèle avec un changement de tactique passant du 4-2-3-1 à un 4-4-2, ce qui dans un premier temps décontenance les habituées de la sélection. De la même manière, il quittera le jeu à émotions des Bleues qui font que « le désordre est l’ordre » laissant aux joueuses l’adaptation pour un regard bien plus cartésien sur le football féminin avec le constat premier d’un manque d’impact physique à travailler qui se doit d’être la priorité.

L’homme donnera de la Forme aux Bleues, mais il oubliera quelques fois « les formes ». 

Les éliminatoires de la CM2015 débute en septembre avec un déplacement à Astana au Kazakhstan. Victoire (4-0).Un prélude dans une poule 7 relativement facile. La Finlande et l’Autriche apparaissant comme les concurrents les plus dangereux. Un pronostic qui se confirme pendant ces longs mois de qualification ponctuée par une double punition pour la Bulgarie( 14-0) et (10-0) et un (7-0) au match retour contre les kazakhs.

Philippe Bergerôo fait sauter le plafond du classement FIFA de la France. 4è mondial en 2014 !
La France déroule et choisit de trouver des adversaires d’un autre standing afin d’étalonner les troupes lors de matches amicaux. Ainsi, l’équipe de Philippe Bergeroo domine largement la Suède à Amiens (3-0) en février 2014, et enchaine avec la Cyprus Cup disputée chaque saison à Chypre. Les résultats dans le groupe sont mi-figue mi-raisin : un nul difficile face à l’Ecosse (1-1), une victoire de justesse face à l’Australie (3-2) et une large victoire contre les Pays Bas (3-0).La différence de buts permet aux bleues de jouer la finale face à l’Angleterre et de s’imposer (2-0). Voilà un second titre après celui de 2012 et le premier pour l’équipe de Bergerôo.

Un beau succès à confirmer en se jaugeant contre des équipes du top 5 mondial en juin. Les françaises affrontent tour à tour le Brésil en Guyane (0-0) puis les Etats Unis (défaite 1-0) à Tampa et (nul 2-2) à Hartford, match le plus accompli de la tournée. L’ensemble de ces bons résultats au sortir de quelques mois parsemés de compétitions officielles et de matches amicaux : une seule défaite sur 17 rencontres, matches amicaux compris, permet à la France d’occuper, pour la première fois, la quatrième place du classement mondial FIFA des équipes féminines.

Un groupe de joueuses qui bouge graduellement

Qualifiée pour le championnat du Monde de l’autre côté de l’Atlantique, Philippe Bergeroo s’appuie essentiellement sur des joueuses d’expériences du haut niveau dans leurs clubs, ainsi 10 lyonnaises, 7 parisiennes du PSG et 4 juvisiennes constituent le noyau dur du groupe France.

Un Mondial 2015 qui s’annonce sous les meilleurs auspices pour la France. Une victoire face à l’Allemagne et les Etats-Unis au palmarès et une 3è place mondiale !
Si la France crée une surprise et une performance avec cette première victoire historique (février 2015, 2-0) face aux Etats-Unis à Lorient, cela ne sera rien par rapport au gros plan sur Philippe Bergerôo, quelques mois auparavant avec une première victoire des françaises en Allemagne (0-2) pour le match de l’Amitié de Novembre 2014 … Aucune surprise donc dans le domaine des joueuses lorsque le sélectionneur révèle sa liste de 23 plus 7 réservistes le 24 avril alors que le tirage du groupe a réservé aux tricolores l’Angleterre, la Colombie et le Mexique. Deux exceptions toutefois, Claire Lavogez, milieu et Griedge M’Bock défenseure de l’En Avant Guingamp qui seront aspirées peu de temps après parmi les étoiles de l’Olympique Lyonnais.

Cette Coupe du Monde 2015 marque une innovation de taille de la part de la FIFA avec l’élargissement du quota réservé aux sélections qui passent de 16 à 24. Six groupes dont les deux premiers sont qualifiés ainsi que les quatre meilleurs troisième. Ce qui implique un tour supplémentaire avec un huitième de finale au sortir de la qualification. Ce ne sera pas neutre dans un football féminin qui a souvent montré ses limites physiques lors de la répétition des matches. D’ailleurs l’accent est donné avec un développement important de l’impact physique pour les françaises sous la houlette de l’étonnant Frédéric Aubert.

Plus longue sera aussi la compétition et certainement plus lucrative grâce aux droits TV en perpétuels augmentations.

Le credo de Philippe Bergeroo, la complémentarité des joueuses, les postes doublés et l’état d’esprit. Il arrive au Canada avec la volonté de terminer sur le podium. D’ailleurs les tricolores sont souvent citées comme vainqueur potentiel avec une place de numéro 3 au classement FIFA , alors que débute l’épreuve pour les tricolores à Moncton dans le New Brunswick. C’est le 9 juin et le choc de cette poule F face à l’Angleterre. La rencontre est serrée et physique comme d’habitude face aux anglaises. Eugénie Le Sommer, d’une frappe puissante (29è) ouvre le score. Ce sera l’unique but de la rencontre avec les 3 points à la clef, d’autant que dans l’autre rencontre le Mexique et la Colombie ne parviennent pas à se départager (1-1).

Toujours à Moncton, en leader, la France accueille la Colombie quatre jours plus tard. D’entrée l’équipe de Bergeroo exerce sa domination mais se fait contrer sur la première attaque sud-américaine. Andrade ouvre le score (20è) à la surprise générale.

Les bleues par précipitation ou manque de précision ratent plusieurs fois le cadre, et progressivement s’énervent de cette non réussite. Et un penalty non sifflé pour une faute de main dans la surface exaspèrent encore plus les tricolores. Pire dans les arrêts de jeu, à la 90è+3, Ospina ajoute un second but (0-2).C’est la sensation et la première victoire colombienne (24e FIFA) en Coupe du Monde. Avec son succès devant le Mexique(2-1) ,l’Angleterre est revenue dans la course pour la première place. C’est important car elle offre un tirage préférentiel pour les huitièmes de finale.

Il reste un match pour compenser cette défaite inattendue. Le lieu n’est plus Moncton mais Ottawa, la capitale du Canada dans le sud-est de l’Ontario. Le Mexique avec un point au compteur peut encore se qualifier dans ce groupe incertain. Mais on sent immédiatement que les bleues, piquées au vif par leur inattendue défaite, vont réagir. En maillot blanc, short bleu et des chaussettes rayées bleu et blanc du plus bel effet, c’est un onze de départ remanié sans Bussaglia,Thiney, Necib et Dali laissées sur le banc par Bergeroo.

Le but de Marie Laure Délie après 35 secondes est une sorte de record. Centre de Thomis, la flèche, mal repoussé par la défense et sanction immédiate de la tête de la parisienne. Puis, c’est l’avalanche face à une équipe perdue, désorganisée et étouffée par tant de fougue.

Amandine Henry se révèle au Monde avec un superbe cinquième but

Wendy Renard(9è) puis Eugénie Le Sommer(13è) assomment littéralement les mexicaines(3-0).Juste avant la mi-temps, Le Sommer réussit le doublé(37è) et ajoute au désarroi des coéquipières de la gardienne Santiago.(4-0) à la mi-temps, et un superbe cinquième vient s’ajouter dans le dernier quart d’heure par l’entremise de d’Amandine Henry d’une frappe somptueuse dans la lucarne. Score final (5-0) qui permet à l’équipe de France de devancer l’Angleterre, victorieuse de la Colombie (2-1) grâce au goal average : +4 pour la France,+1 pour l’Angleterre. La Colombie est également qualifiée avec ses quatre points. Une première place qui offre à l’équipe de Philippe Bergeroo un adversaire à sa portée, la Corée du Sud alors que l’Angleterre se voit opposer la Norvège.

Déception pour la France. Un quart de finale mais Amandine Henry, ballon d’Argent de la Coupe du Monde 2015 et un record d’audience à 5 millions pour France-Allemagne
Le 21 juin, direction Montreal, et visite des cousins dans la belle province du Québec pour le huitième de finale. Sous le toit fermé du stade olympique mais avec bon nombre de supporters français, drapeau tricolore à la main, les bleues attaquent une fois encore pied à la planche. Leur vitesse d’exécution fait rapidement la différence. Marie Laure Délie (4è) et Elodie Thomis(8è) assurent une avance significative qui permet la maitrise du jeu par la suite. Afin d’éviter toute surprise ,et très vite au retour des vestiaires, Marie Laure Délie réussit le doublé(48è) et soigne son capital personnel : 61 réalisations en 89 sélections. Un beau ratio pour l’attaquante du PSG.

Un France Allemagne qui retiendra le souffle des français

Sur la route de la sélection, à ce stade de la compétition, en quart de finale se dresse une immense équipe, l’Allemagne qui partage le privilège avec les Etats Unis d’avoir déjà remporté deux trophées mondiaux en 2003 et 2007.L’équipe de Silvia Neid a impressionné face à la Suède, écrasée (4-1).

Toujours à Montréal en ce 26 juin, c’est une canadienne, Carole Anne Chenard qui officie comme arbitre du centre. Les supporters canadiens plus nombreux encore, près de 25.000 personnes, ont choisi leur camp. Tous acquis à la cause française même les anglophones !

D’entrée de jeu Louisa Necib a une occasion, et puis viennent d’autres mais sans effet au tableau d’affichage. La France domine et perturbe la belle mécanique allemande qui se retrouve même parfois acculée devant son but.Comme souvent l’équipe de France manque de justesse dans le dernier geste. Le temps passe, et juste après l’heure de jeu, Louisa Necib donne un grand espoir aux supporters et aux téléspectateurs français massés devant les écrans de TV. Une frappe du droit déviée prend en défaut Angerer impeccable jusque-là (64è).

Le temps passe, et si la rencontre devient crispante, on pressent le possible exploit. Hélas, une main involontaire d’Amel Majri est sanctionné par l’arbitre d’un penalty sévère. Celia Sasic, déjà vainqueur de la Women’s Champions League face au PSG, prend à contrepied Sarah Bouhhadi (84è). (1-1) à la fin du temps règlementaire et une prolongation où Gaétane Thiney a la balle du match au bout du pied. Elle rate l’immanquable malheureusement. Arrive la séance des tirs au but. L’expérience joue en cette circonstance puisque les cinq tireuses allemandes réussissent le coup de pied de réparation. Les françaises quatre tentatives. La benjamine Claire Lavogez manque son essai. Cruel, très cruel, l’équipe de France ne parvient pas à se qualifier pour le dernier carré. La malédiction continue !

Mais l’Allemagne ne sera jamais neutre en France. Un pic d’audience qui touche les 5 millions pendant la séance des tirs au but. Le record de la TNT est pulvérisé. Il tient encore.

Les JO 2016 au Brésil

La France avance mais le jeu pratiqué par les joueuses de Philippe Bergerôo, axé sur la maitrise latérale du jeu avec la notion de temps forts et de temps faibles qui font perdre aux Bleues, la couleur qui transfigurait leurs prestations en émotions vibrantes même si elles n’étaient pas gagnantes. Le grand basque, passionné de rugby, sait où il va et comment il y va. Peu adepte de la remise en cause, convaincu que la solution est de donner à la France, une maturité. Avec ses points forts tout en acceptant ses points faibles.

C’est ainsi qu’il gérera, au lendemain du France-Allemagne, l’affaire « Gaetane Thiney ». Sachant très bien que chaque sélectionneur peut avoir son différent. Les deux parties resteront sur leurs bases et la française restera à Paris quand les Bleues s’envoleront pour Rio. Le groupe des joueuses s’est ouvert et les oppositions de mars au « SheBelievesCup » montrent une France qui titille toujours autant les premières mondiales (France, Allemagne et Angleterre) même si elle finira mal classée de ce premier tournoi.

Qualifiée directement pour les Jeux de Rio comme faisant partie de l’élite européenne lors du Mondial 2015(les 3 meilleurs UEFA). Le tirage de l’un des trois groupes -il n’y a que 12 équipes- offre à l’équipe de France la Nouvelle Zélande, la Colombie, une fois encore et les Etats Unis, l’os de ce groupe et favori de l’épreuve avec ces cinq titres olympiques consécutifs, au même titre que l’Allemagne et le Brésil à domicile.

Le premier match à Belo Horizonte, pour l’ouverture de la compétition dans ce groupe G oppose les bleues à la Colombie, victorieuse surprise des Bleues au Canada l’année précédente(2-0). La prudence est donc de mise avant le match et la langue de bois à l’honneur, d’autant que le sélectionneur a beaucoup de mal à communiquer. Et même parfois avec ses propres joueuses !

Concentrées pour éviter une nouvelle désillusion,la frappe d’Eugénie Le Sommer dévié au passage(2è) puis une tête de la lyonnaise(14è) à la suite d’un tir d’Amandine Henry sur la transversale donne le ton à la rencontre et un avantage déjà prépondérant pour les jeunes femmes au maillot frappé du coq de France(2-0). Le coq chante à nouveau sur deux coups francs de Camille Abily juste avant la mi-temps (42è) et un autre d’Amel Majri(83è) pour affirmer que le compte est bon. (4-0) pour le match d’ouverture, c’est une confiance accrue même si le futur adversaire est l’équipe de Alex Morgan, la future lyonnaise.

Deux jours de repos pour les équipes, c’est peu et rare pour le signaler. Le match se déroule encore à Belo Horizonte. La France prend d’entrée la direction du jeu face à des américaines assez atones. Les occasions franches sont au nombre de trois au cours de la première période de jeu. Deux pour Délie et une de la tête pour Wendie Renard mais Hope Solo, une top gardienne a tout repoussé ou stoppé. La possession est française et les américaines se montrent juste dangereuses sur les coups de pied arrêtés.

En seconde mi-temps, mais surtout à l’heure de jeu, la pression américaine se fait plus pressante. En l’espace de quelques minutes, l’équipe de Philippe Bergeroo recule sur ses bases et souffrent dans les couloirs.

Un but de Carli Lloyd à bout portant (62è, 0)1) vient couronner la domination américaine. Mais juste après l’ouverture du score en leur faveur, les joueuses de Jil Ellis referment le jeu et se contentent d’assurer ce mince avantage, ce qui n’est pas sans risque car sans la partie impeccable de Hope Solo, les américaines auraient pu voir revenir les françaises exténuées après une telle débauche d’efforts. Les Etats Unis prennent la tête du groupe.

Encore bloqué en quart. La France descend en performance sans descendre au classement. Toujours 3è.
Dans le dernier match de la poule se joue la qualification comme souvent lorsqu’une équipe ne possède que trois points. Les bleues doivent écarter la Nouvelle Zélande, adversaire peu habituel. Un match nul est suffisant pour se qualifier mais les coéquipières d’Amandine Henry, frustrées par la courte défaite face aux Etats Unis veulent réussir un festival comme face à la Colombie.

Après une première alerte en contre stoppée par Bouhaddi, Eugénie Le Sommer dans la minute suivante (38è) lance les bleues sur de bons rails. Après l’heure de jeu, Louisa Necib devenue Cadamuro ajoute un second but rassurant (63è) et s’offre un doublé sur un penalty dans les arrêts de jeu. Avec ce succès et ce score de 3-0, l’équipe de France se qualifie pour les quarts de finale où son adversaire sera le Canada. Cette équipe qui avait privé les Bleues de la médaille de bronze quatre ans auparavant dans la « petite finale » des Jeux de Londres.

Ce 13 aout, à la Corenthians Arena, l’équipe de France veut sa revanche de 2012 face à une équipe qu’elle connait bien pour l’avoir rencontrée en match amical de préparation à Auxerre au mois de juillet. Succès difficile (1-0) face aux troupes de John Herdman, mais succès quand même. Le coach canadien avait serré la main de Philippe Bergerôo en ayant la conviction qu’ils auraient pu égaliser voire l’emporter. Le français ne l’aurait pas contredit certainement.

La compétition reste la compétition, et les Bleues s’en aperçoivent bien vite. Un match tactique, fermé comme déjà entrevu lors de la prestation auxerroise, où la moindre faute ne pardonne pas. Un double penalty oublié sur Eugénie Le Sommer bousculée deux fois dans la surface (11è et 21è) a peut être encore plus crispé les coéquipières de Louisa Cadamuro qui avait annoncé sa retraite internationale à la fin des JO.

Dans ce genre de rencontre cadenassée, les coups francs ont souvent leur importance mais cette fois les essais d’Abily,Cadamuro ou Majri ne trouvent pas le cadre. Et tout s’est joué sur un exploit individuel de Schmidt qui a pris la défense française en défaut(56è) pour inscrire l’unique but du match  scellant une nouvelle déception française en matière de haute compétition. Philippe Bergeroo n’avait pas fait mieux que Bruno Bini, un peu moins bien même.

Débarqué par le président de la FFF  après un entretien et confirmé par le Comité Exécutif de l’instance, Philippe Bergeroo quitte ses fonctions le 9 septembre .Il paye en tout premier lieu l’insuffisance de résultats compte tenu des objectifs fixés : un podium au championnat du monde ainsi qu’une médaille aux JO. Mais aussi ses déclarations tonitruantes en conférence de presse à l’issue de l’élimination en quart de finale. Je cite : « C’est l’histoire d’une équipe qui manque de flamme dans les moments importants. C’est une génération qui aura payé ses problèmes mentaux ».

Le Basque aura regardé son équipe comme un enseignant sûr de son fait. Il aura juste manqué au Bleues la lumière de l’émotion pour transformer la forme imposée par Philippe Bergerôo, en lui donnant le désordre qui fait la victoire. Quelques fois, « le désordre, c’est l’ordre ». Surtout ou même avec les femmes.

Son sort est alors scellé et le nom de son successeur est déjà dans les tuyaux à la suite du refus de Corinne Diacre, le choix préférentiel du président de la FFF. Elle est toujours sous contrat avec l’équipe masculine de Clermont(L2) à la satisfaction de son président Claude Michy.

A la surprise générale, Olivier Echouafni sort alors comme un lapin du chapeau de Noël Le Graët. Un choix par défaut !

Olivier Echouafni, une vision non payante (2016/2017)

Les spécialistes du football féminin misent plutôt sur une solution interne, et pensent à Sandrine Soubeyrand par exemple. Elle a fait ses classes avec les catégories féminines depuis son retrait des terrains. La FFF préfère une autre option. Elle vient de l’extérieur pour la première fois de l’histoire du foot féminin, si l’on considère que le premier sélectionneur, Pierre Geofroy  était un homme de club et de ligue régionale.

Olivier Echouafni, libre depuis son départ comme entraineur de Sochaux en septembre 2015, l’ancien milieu de terrain de Marseille et Nice, signe un contrat de deux ans avec la Fédération.

Olivier Echouafni. Coach de l'équipe de France féminine. lesfeminines.fr

Olivier Echouafni. Coach de l’équipe de France féminine. lesfeminines.fr

Gaetane Thiney revient en sélection quand l’unique Louisa Cadamuro la quitte et de jeunes joueuses s’intègrent dans l’équipe. Les deux sélectionneurs puisent aux mêmes endroits : l’Olympique Lyonnais, le Paris Saint Germain et Juvisy en complétant avec Montpellier.

A peine installé, l’ancien joueur pro doit faire face à un premier match amical contre le Brésil programmé à Grenoble. Juste le temps d’établir une première liste car quatre jours après la cité dauphinoise se profile l’Albanie en qualifications à l’Euro 2017.Une chance pour lui, le billet pour l’Euro et les Pays Bas est déjà validé. Et le match face à l’Albanie devient une formalité(6-0).

Avec un total de 24 points sur 24 possibles, l’équipe de France, « version Bergeroo », réussit un nouveau sans-faute dans la longue marche qualificative et souvent ennuyeuse vers la compétition majeure. Sans prendre le moindre but au cours des huit matches face à la Roumanie, l’Ukraine, la Grèce et l’Albanie.

Pour préparer au mieux l’échéance européenne, la FFF muscle le programme des féminines avec des matches amicaux d’un niveau supérieur à celui des éliminatoires. Une visite en Angleterre en octobre (0-0) et un France-Espagne en novembre (1-0) bouclent l’année civile 2016.En toile de fond, l’invitation lancée par la fédération américaine pour la SheBelieves Cup programmée au printemps qui réunit normalement les quatre premières nations mondiales. La France en fait dorénavant partie puisqu’au pointage FIFA de décembre, elle se situe au troisième rang derrière les Etats Unis et l’Allemagne.

L’occasion de gagner de la confiance, les coéquipières de Wendie Renard embarquent pour les Etats Unis, direction Chester en Pennsylvanie sur la côte Est pour le match d’ouverture de la SheBelieves Cup programmé le 1er mars. L’adversaire proposé est l’Angleterre pour une nouvelle joute face à notre « meilleur ennemi ».

La domination anglaise qui se termine dans les arrêts de jeu par la victoire française deviendra la religion qu’Olivier Echouafni voudra imposer aux Bleues. Etre dominées pour gagner.
Les britanniques ouvrent le score par l’intermédiaire de Nobbs d’une reprise capricieuse (32è) et donnent l’avantage aux Lionnes. Toute la seconde mi-temps, l’équipe de France court après le score, et après une première tentative infructueuse de Marie Laure Délie à l’heure de jeu, cette dernière idéalement placée entre les deux défenseures centrales anglaises coupe de la tête un centre au cordeau(80è).Un nouvelle tête de la capitaine Wendie Renard à la réception d’un corner, une de ses spécialités eu égard à sa grande taille, vient crucifier l’équipe du manageur Mark Sampson(90+5).

Une telle remontée est historique pour les françaises à qui Philippe Bergerôo avait reproché de n’avoir jamais pu revenir au score dans les matches cruciaux. Score final (2-1) est un bon départ dans une compétition que les Bleues avaient terminée dernière l’année précédente avec un seul petit point. Cette rencontre sera le point de départ de l’idée d’Olivier Echouafni. « Entraîner la France à savoir être dominé pour ensuite, surgir et vaincre ».

Le prochain adversaire est la « nationalfrauenschaft », champion olympique en titre, battue 1-0 par les Etats Unis dans son premier match du tournoi.

Changement de décor, changement de stade pour la rencontre franco-germanique du 4 aout : c’est la Red Bul Arena de Harrison dans le New Jersey.

Bousculée au début, match nul face à l’Allemagne, la France gagne la SheBelievesCup en massacrant les USA à domicile sur un sévère 0-3 qui sera une performance historique !
Les deux équipes se craignent. L’opposition est tactique. La première occasion est française pour Wendie Renard qui claque une balle de la tête sur la transversale (24è).La réplique ne se fait pas attendre et la formation d’outre Rhin obtient un penalty. Sentence exécutée par Mandy Islacker que stoppe Sarah Bouhaddi(24è).Dans l’ensemble les françaises dominent cette première période. En seconde mi-temps, la plus belle occasion est pour Dzsenifer Marozsan, la meneuse de jeu lyonnaise en club, qui prend sa chance à 25 m. La balle est détournée par Sarah Bouhhadi sur sa barre transversale (73è).Rien n’est marque par la suite. Score final (0-0).Surprise dans l’autre match, les Etats Unis cèdent à l’avant dernière minute de jeu face à l’Angleterre et concèdent leur première défaite. La France avec quatre points prend la tête de la compétition en attendant l’opposition avec le pays hôte.

Le 7 aout au R.F.Kennedy au Mémorial Stadium de Washington, Alex Morgan qui effectue une saison à l’Olympique Lyonnais, retrouve bon nombre de ses habituelles coéquipières de club au sein du groupe France.

D’entrée, le rythme et la vitesse imposés par les tricolores surprend les américaines. En dix minutes, les coéquipières de Carli Llyod encaissent deux buts. Le premier sur une faute de la gardienne Alyssa Naeher sur Eugénie Le Sommer transformé par Camille Abily(9è) et dans l’action suivante, c’est encore Le Sommer, intenable, qui marque et assomme les américaines(10è).Dominatrice face à une formation apathique et dépassée, Camille Abily ajoute un second but personnel(63è)Score(3-0) et signal envoyé aux autres nations européennes à quatre mois de l’Euro néerlandais. Les françaises peuvent lever le trophée avec 7 pts (deux victoires et un nul).Jamais l’équipe de France d’autre part, n’avait réussi à s’imposer sur le sol américain. Cette victoire marque seulement le 4 ème succès en 23 confrontations avec cette nation majeure du football féminin.

Un succès aux Pays Bas en amical, le pays hôte de l’Euro (2-1), le 7 avril, un mois jour pour jour après l’exploit de la SheBelieves Cup, suivi d’une victoire face à la Belgique (2-0) et d’un match nul contre la Norvège (1-1) en matches préparatoires au grand rendez-vous européen, renforcent la confiance des bleues et de leur sélectionneur.

Les Bleues se transforment en équipe qui sait prendre des coups dans l’espoir de trouver la faille pour vaincre ?
Pourtant les critiques sont assez acerbes sur la pauvreté du jeu de l’équipe de France et l’ennui que le plus souvent elle procure même si elle ne perd aucun de ses matches. Les Bleues sont en pleine gestation de ce jeu où elles peuvent être dominées pour finir par gagner. Olivier Echouafni est convaincu queque dans le manque de rébellion se trouve la raison qui a fait chuter la France dans la course aux médailles. Le jeu est dans la droite ligne de celui de Philippe Bergerôo. Avec ce plus tactique qui n’est pas attendu par le public français, à la recherche de la Madeleine de Proust de Bruno Bini : la profondeur surprenante du jeu.

Le groupe de la France après le tirage est de loin le plus clément de l’Euro 2017. On y trouve dans ce groupe C, l’Islande, l’Autriche et la Suisse. Toutes pointent au-delà de la 20è place FIFA.

La première des intentions de la Fédération, du staff et des joueuses-certaines d’entre elles ont participé aux Euros précédents-est d’effacer les éliminations en quart de finale des éditions 2009 et 2013. Pourtant la rencontre amicale face à la Norvège ne peut qu’interpeller. Un magnifique mouvement français terminé par Camille Abily fait exploser les troupes de la lyonnaise Ada Hegerberg dès les premières minutes de jeu quand, imperceptiblement, la France refuse d’enfoncer le clou et se fait reprendre en toute fin de match (1-1)

Le sentiment est fort que la France attend de subir, pour vouloir marquer et s’imposer. Elle donnerait « le bâton » pour se faire « taper ».

l’Euro 2017 où la France fera tout à l’envers

Pourtant les médias français ont confiance et beaucoup envisagent déjà un France-Allemagne en demi-finale où tout pourrait être possible. On oublie même le quart probable face à l’Angleterre ou à l’Ecosse.

Un premier match est toujours compliqué à appréhender dans une grande compétition, surtout lorsque l’on fait partie des favoris, voire le favori. Il faut bien avouer que l’attente est grande pour une équipe invaincue après 11 matches joués depuis la prise de fonction d’Olivier Echouafni  avec 7 victoires et 4 nuls.

Le 17 juillet à Tilburg sur la pelouse du Willem II Stadium face à l’Islande classé 19ème FIFA, l’équipe de France se heurte à une équipe bien en place et au bloc solide défensivement.

Un match crispant avec attaque-défense et finalement peu d’occasions franches en première période de jeu. Le seul fait notable, la sortie de Clarisse Le Bihan, une des jeunes du groupe pour blessure en fin de première mi-temps. Les coups francs se multiplient après le repos, mais ni Camille Abily, ni Elise Bussaglia ne parviennent à tromper la gardienne islandaise.

La plus belle occasion est à mettre au crédit de la capitaine, Wendy Renard qui voit sa reprise de la tête s’écraser sur la barre transversale à la suite d’un corner (75è).La délivrance intervient dix minutes plus tard à la suite d’un pénalty transformé par Eugénie Le Sommer, consécutif à une faute dans la surface sur Amendine Henry. C’est plus le soulagement que la satisfaction après la production bien mièvre des tricolores. Encore une fois est pointé du doigt l’inefficacité. Un mal récurrent chez les bleues depuis la coupe du Monde en Allemagne.

Dans l’autre match du groupe, l’Autriche s’impose face à la Suisse (1-0).

Pour ce second match face à l’Autriche pour la place du leader du groupe, la sélection a connait la désagréable surprise d’être menée au score après le but de Lisa Makas qui profite d’une faute de relance au milieu et d’une grande largesse de la défense française (27è).En retard au tableau d’affichage à la mi-temps, les joueuses d’Echouafni, mettent 24 minutes pour rétablir l’équilibre. Amandine Henry, volontaire malgré quelques tentatives avortées sur coup de pied arrêté, parvient à s’extraire pour égaliser d’une tête rageuse (51è).

Le manque de mouvement et d’inspiration apparait criard au vu des statistiques : 75° de possession avec 7 tirs cadrés sur 19 tentatives.

Ce score partagé (1-1) est toutefois un moindre mal car il reste à battre la Suisse pour se qualifier.

Une drôle d’impression se fait jour en ce 27 juillet : la fébrilité. Elle semble s’emparer du groupe France avant d’en découdre avec la Suisse 11 ème au classement FIFA.

Tout démarre mal pour les Bleues avec un enchainement de circonstances défavorables. Wendie Renard reçoit un carton jaune qui lui vaut une suspension pour le match suivant (14è).Trois minutes plus tard, Eve Périsset, attaquante qui veut rattraper une bévue défensive, reçoit un carton rouge en tant que dernière défenseure. Un comble !Dans la continuité du coup franc qui s’en suit, Crnogorcevic ouvre la marque(18è).Beaucoup d’événements contraires !En infériorité numérique, à dix, l’équipe de France doit cravacher pour revenir au score. Les lacunes perçues lors des deux premiers matches se confirment : manque de précision et d’efficacité.

La France butte sur la défense suisse et elle s’en remet au talent de Camille Abily dans l’exercice du coup franc. Elle s’en est fait une spécialité qu’elle adore pratiquer à la fin des entrainements. Sa frappe est parfaite et contourne le mur. La gardienne bien placée commet cependant une faute de main. Les françaises sortent du cauchemar à quatorze minutes du temps réglementaire (76è).

Malmenées par la Suisse, les Bleues se qualifient dans la douleur pour les quarts de finale en terminant deuxième de leur groupe derrière l’Autriche tombeur de l’Islande (3-0).L’équipe numéro 3 mondial a frôlé la défaite et failli quitter l’Euro prématurément.

La seconde position avec une victoire et deux matches nuls offre à la sélection française l’Angleterre vainqueur de son groupe D avec trois victoires. L’Espagne deuxième affrontera l’Autriche en quarts de finale.

Le 30 juillet à Deventer après la fébrilité constatée, c’est le doute qui s’est emparé sournoisement des coéquipières d’Amandine Henry promue capitaine en l’absence de Wendie Renard suspendue. Les anglaises de leur côté ont préparé avec beaucoup de soin ce match, car elles savent-et les tabloïds anglais leur répètent régulièrement- qu’elles n’ont pas battu la France en compétition officielle depuis 1973.Une éternité !

Olivier Echouafni, conscient des insuffisances de son équipe, masque ses angoisses et celles de ses joueuses en affirmant que « l’équipe va monter en régime et avoir un niveau très élevée ».Une affirmation surprenante, et d’autres encore qui seront préjudiciables plus tard au sélectionneur.

Dans un Euro tactique, la France ne sait plus gagner et passe sur le fil pour se fait prendre par l’Angleterre en quart de finale (0-1). Le 3e quart en 3 ans !
Mark Sampson, jeune entraineur gallois de la sélection aux Trois Lions, a noté les faiblesses de l’équipe de France. Son plan est simple : utiliser le contre à fond grâce à la rapidité de ses attaquantes, notamment Jodie Taylor, meilleure buteur du Tournoi et travailler sur le coté de Sabrina Karchaoui, encore bien tendre à ce niveau.

Match tactique avec peu d’occasions mais le réalisme froid de Jodie Taylor qui profite d’une belle remontée de balle de Lucia Bronze à la suite d’une perte de balle anodine pour réaliser le geste nécessaire à l’ouverture du score après une heure de jeu(60è).Dominées physiquement à l’impact et dans la récupération des « seconds ballons »,les joueuses de « Chouf » espèrent le coup de patte d’Abily ou d’Amandine Henry.Le coup franc de cette dernière dans l’ultime minute envolé dans les airs néerlandais symbolise à lui seul l’impuissance de cette équipe à rejoindre pour la première fois de son histoire les demi-finale du tournoi européen. La malédiction des quarts se poursuit, la troisième de suite.

Le contrat tacite noué avec Noël Le Graët, le président concernant une présence dans le « dernier carré » n’est pas rempli. L’impression constatée par de nombreux observateurs est que la sélection tricolore fait du surplace depuis quelques années. Certains avançant même qu’elle avait régressés !

Pour réponse à ce fiasco, l’entraineur niçois avancera en guise de paravent « qu’il avait été déçu par la qualité de ses adversaires ».Une belle maladresse et une façon de se tirer une balle dans le pied avant la rencontre bilan prévu avec les instances fédérales.

Fin aout, quelques jours avant l’anniversaire de ses 45 ans, et moins d’un an après le début de son contrat, Olivier Echouafni quitte son poste. Sa vision lui aura été fatale. A apprendre à subir, la France n’était pas prête à réagir. Il lui restait encore un an à accomplir auprès des Bleues.

William Commegrain avec la participation de JL Morin