On a quitté l’Olympique de Marseille avec une surprenante quatrième place au championnat de France pour une première saison en D1F et pour Christophe Parra, le trophée de meilleur entraîneur de football féminin 2017. Le voici, à quinze jours de la rentrée (interview Lundi 21 Août), avec sa vision de la saison à venir et son objectif quant à la construction d’une section féminine pérenne au sein de l’OM.

Lesféminines.fr Christophe Parra. Ton regard sur la saison passée ?

« C’était une aventure extraordinaire ». Après coup, les maître-mots du coach olympien sont « le travail et le groupe qui n’a rien lâché ». Il est vrai qu’en Novembre, les blanches de l’OM payaient chères leurs innocences collectives en D1F avec une onzième place qui les condamnaient à un ascenseur habituel pour un club montant.

Et puis l’exceptionnel est arrivé : « on a réussi à enfiler dix matches gagnants d’affilées » sur un championnat à vingt deux rencontres « donc le mot travail est approprié » et « l’investissement physique et mental des filles ont fait la différence permettant aux filles de retrouver l’essence nécessaire pour renverser la vapeur », pour conclure avec ce constat « le travail et la passion nous ont permis de sortir fièrement avec une 4è place inespérée au départ ».

Quelle est la place du staff dans cette réussite ? On ne sait jamais avec précision quel est l’impact d’un staff dans la réussite d’une équipe sur le terrain et là, dans un championnat. Christophe Parra, vous le lirez plus loin, aime la réflexion tant pour le staff que pour les joueuses. « On a aussi notre réflexion à apporter afin d’essayer d’organiser le travail des filles et leurs investissements, mais on est tous logés à la même enseigne et on doit faire preuve de bon sens et de bienveillance pour essayer de faire avancer le projet. »

La réussite de l’OM. C’est un projet collectif qui est devenu réalisable avec un groupe qui a accepté les erreurs pour continuer à avancer.

Lesfeminines.fr Qu’est-ce qu’a amené cette performance au groupe  sur le plan humain ?

Christophe Parra a réellement une vision sur le long terme. Pour lui, le moment présent s’installe dans une vision bien plus globale. Sa première réponse sera de resituer la performance marseillaise dans le passé : « Avant toute chose  chose, c’est un projet sportif et humain qui est la base de notre projection depuis la 7è saison et il faut quand même rappeler que nous sommes montés toutes les saisons. Avant, on existait pas et c’est aussi à souligner. »

Est-ce pour tirer un trait sur les nombreuses joueuses qui sont parties du groupe de la D1F ? Est-ce pour situer le projet marseillais dans son avenir ? Le coach marseillais qui est présent depuis l’origine, ne répondra pas réellement. Il a son regard.

Lesfeminines.fr Comment as-tu préparé la saison à venir car souvent, si on doit copier ce qui arrives chez les hommes, lorsque l’on fait une très bonne montée, la saison suivante est souvent difficile ?

Christophe Parra a bien conscience de la difficulté potentielle. « Confirmer est beaucoup plus difficile. On est encore en apprentissage ce n’est que notre second saison en D1 et on se doit de dire que l’on est dans l’apprentissage. Cela ne plait pas à beaucoup de personnes que de dire que l’OM apprend, mais c’est la réalité. »

Il a noté les points positifs et négatifs de la saison dernière, sur lesquels il ne veut pas s’étendre « Je ne vais pas trop m’exprimer car je ne voudrais pas trop donner d’information à mes adversaires et on va rester sur une globalité «  mais le coach a conscience qu’il ne reviendra pas, une seconde fois, d’un début de saison aussi difficile que celui de l’an dernier.

Il conclut ainsi sa vision : « l’objectif, c’est de réussir une deuxième saison compliquée avec un groupe jeune qui doit avoir des certitudes mais plus encore des convictions et de construire quelque chose de cohérent face à l’adversité. »

Il reste que l’OM fait partie des, maintenant, neuf équipes qui ne savent pas réellement de quoi sera fait leur avenir. Tant sur le plan d’un échec potentiel avec une descente à deux clubs que d’une performance, et pour l’OM, une seconde performance de rang qu’aucune autre équipe, hors le TOP four, a réussi à réaliser.

Lesfeminines.fr Si l’OM renouvelle sa performance ; il est clair que le nom de l’OM va flamber en football féminin et avoir une identité qui sera proche de celle des hommes

Christophe Parra sait bien quelles conséquences ont la couleur de maillot marseillais. « On voit l’équipe féminine de l’Om comme celle des garçons qui a été championne d’Europe dans les années 90. J’en suis bien conscient. La seule différence c’est que l’on atteint notre 7è saison et on a beaucoup de choses à apprendre. Je le disais l’année passée. On me prenait presque pour un fou mais je le dis à nouveau cette année. »

Il reste que l’OM, dans le développement de sa section féminine, bénéficie d’un bassin méditerranéen exceptionnel avec un peu de retard face à Montpellier, Nîmes, etc ..

Lesfeminines.fr Est-ce que tu sens autour de ton bassin qui est important où il suffit d’une boule de papier pour faire un ballon, est-ce que tu sens des talents surgir à l’image de Louisa.

Et là, on entre totalement dans le véritable projet de Christophe Parra pour la section féminine de l’OM. « Nous attaquons notre 7è saison et on sait très bien que tout se construit dans le temps, tant dans l’aspect structurel qu’infra structurel. Une équipe de D1, doit avoir des fondamentaux comme travailler avec des jeunes, travailler avec sa section sportive, notre internat. S’améliorer dans ce que l’on présente aux jeunes filles, On n’a pas encore cette expérience et on doit travailler la-dessus. Il n’y pas que l’équipe 1ère, c’est un projet global. Il faut des résultats en D1 mais aussi préparer la jeunesse et notre formation. »

Ce projet d’éducateur qui colle à l’esprit du coach marseillais trouve sa vérité dans l’environnement économique limité du football féminin qui génère de l’argent réservé à une élite sportive, quand pour les autres, les propositions sont bien inférieures. Et comme un match de football se joue à onze quand une équipe se construit à vingt, cela limite les actions économiques, même pour les sections féminines faisant partie d’un club masculin.

« Il est important d’avoir des résultats il est surtout capital de construire sa formation et de commencer à créer un outil performant dans ce domaine et c’est aujourd’hui ma priorité. On le voit de toute façon quand on voit la conjoncture sur le plan économique avec les contraintes financières ; cela va être de plus en plus compliqué et on est obligé, aujourd’hui, d’avoir une formation cohérente. Je ne vois pas comment un club de D1F peut se permettre de ne pas avoir une formation compétitive. L’économie est très compliquée. c’est important de pouvoir former et préparer et donner la possibilité aux jeunes filles du bassin marseillais de pouvoir vivre leur passion et de s’orienter sur le très haut niveau.ce sont des jeunes filles qui sont passionnées par l’OM. C’est ce que l’on a envie de développer et de construire mais encore une fois, cela nécessite du temps »

Dès le départ du projet c’était ma vision et c’est ce qui était souhaité par la direction et cela l’est toujours aujourd’hui. 

L’Euro a montré aux équipes inférieures qu’il était possible de faire un résultat contre des équipes supérieures en constatant l’amélioration du niveau athlétique et tactique des joueuses, donnant plus de corps à leurs qualités d’obstination.

Lesféminines.fr L’Euro ? Quelque chose de nouveau sur le plan tactique. L’Autriche 24è FIFA en demi-finale de l’Euro, ce n’est pas possible que les autres n’aient pas compris qu’il y ait quelque chose à faire.

« Je vais m’aventure dans un domaine que je n’aime pas qui est comparer les hommes et les femmes mais il est clair que sur le plan morphologique et physiologique, les filles sautent moins haut, courent moins vite et donc pour contourner un bloc, c’est un petit peu compliqué. En toute modestie, c’est ce que l’on a essaye de produire la saison dernière en mettant en place un bloc compact. »

L’originalité et la différence que développe Christophe Parra, c’est une exigence de réflexion de la part des joueuses dans une situation vécue lors d’un match. « Les joueurs ne sont pas là seulement pour courir mais aussi pour réfléchir et arriver à construire une toile d’araignée quand tu n’as pas le ballon. On a réussi à battre le PSG qui a fini la saison avec une finale de la LDC et perdre seulement 1-0 chez eux. On a joué Samedi Barcelone et on a fait 0-0, face à une équipe demi-finaliste de la LDC. En travaillant et en amenant la joueuse à réfléchir et à travailler régulièrement. On peut arriver à bloquer les espaces pour compenser la différence de niveau. »

L’Olympique de Marseille va donc essayer de tenir cette réflexion dans le jeu. « C’est important d’être bien en place avec un projet de jeu à la fois offensif et défensif. On a vu des équipes biens organisées, qui réfléchissent et qui psychologiquement sont motivées et ont envie de se dépasser pour arriver à compenser des équipes qui étaient meilleures sur le papier. Il faut amener les filles à réfléchir et à compenser le projet de jeu. »

Reste une dernière question. Quelle sera la place de l’OM cette saison ?

« Le but l’an dernier, c’était de laisser deux équipes derrière et cette année, ce sera exactement la même chose. Quelle réflexion va t on apporter pour permettre au groupe de progresser car on va avoir un championnat plus serré que la saison dernière et comme je le disais, le groupe est jeune, voire très jeune. Notre ambition c’est d’essayer d’amener ce groupe au meilleur niveau de l’élite française. »

Terminant par une communication typique d’un club professionnel masculin. « Le but du jeu c’est de de se maintenir tout en développant la promotion du football féminin de l’OM. »

Les clubs de football féminin ont une hiérarchie établie. Cette saison risque de modifier la donne. Chaque coach semble en avoir conscience. Je crois que pour le premier match, ils auront une boule à l’estomac.

C’est rare.

William Commegrain lesfeminines.fr