De Palermo (Sicile). A quelques minutes près, la France aurait soulevé le trophée européen pour la seconde année de suite, renouvelant la performance que seule l’Allemagne avait réalisé, gagner deux fois l’Euro U19 avec deux générations différentes. C’était près, grâce à une solidarité défensive plus qu’un catonaccio, avec une équipe espagnole qui butait dans le dernier geste pour s’assurer des occasions alors que sa possession du jeu était totale face à une France qui a mis de l’Or aux mots efficacité et efficience.

La France produit un nouveau jeu pour avoir le titre.

Pendant 85′, la France a vécu le bénéfice d’un jeu qu’aucune équipe française n’a jamais présenté pour réussir : deux lignes de défenses concentrées sur le fait de savoir subir sans craquer et une ligne offensive qui telle un sniper, sait qu’elle n’aura pas plus de trois balles à négocier et qu’il faudra en mettre un maximum.

Mais il sera dit, qu’il est difficile voire impossible de gagner un championnat avec 5 matches consécutifs au maximum en étant bousculés. A un moment, dans une finale puisque c’est le dernier acte, l’équipe qui défend est appelée à plus craquer (là, 3 buts) et alors, il lui est difficile de compenser en contre, les buts qu’elle doit mettre pour remporter la rencontre (quatre buts au lieu de deux).

Des mouvements offensifs d’horloger suisse qui donnent les buts français.

L’équipe de France féminine s’est battue au-delà du raisonnable, avec un coeur rare pour tenir ce score (2-1 à la 71′) qui lui donnait le titre après avoir mené deux fois dans la partie. Une première à la 4′, sur un jeu à deux d’anthologie entre Emelyne Laurent qui surprend la jeune Batle, mal avertie ou présomptueuse à vouloir passer l’attaquante française en duel. Ni une, ni deux, elle lui prend le ballon. Joue un concerto de une-deux avec Mathilde Bourdieu qui lui offre les Champs Elysées devant elle, en feu vert. La Lyonnaise envoie la cinquième et sert Mathilde Bourdieu qui pousse la balle dans les buts devant une défense qui subit totalement l’action française (1-0, 4′).

L’Espagne a plus que le ballon dans les pieds. Cela fatigue les françaises mais ne les inquiètent pas.

Là, la balance est totalement bleue et ce sont les jeunes espagnoles qui doivent, au mental, oublier les finales perdues (5 dont quatre consécutives) et se mettre à l’ouvrage, d’un jeu de possession et de passes, sans saveur à l’Euro des A aux Pays-Bas, mais qui là, avait la volonté d’être plus piquant avec des joueuses en mouvements perpétuels. La France, ne cherche pas ou n’arrive pas à récupérer ce ballon qui prend les couleurs espagnoles, et se contente de la jouer avec expérience et confiance. Regardant le jeu de mouches de la Roja comme quelque chose de normal, dans un pays chaud, en plein été, quand sur la table, il y a plus que de quoi manger.

Les statistiques de l’UEFA en cours de match ne s’y tromperont pas, avec plus de vingt attaques pour l’Espagne contre cinq pour la France. Le premier corner français arrivant dans les dix dernières minutes. Cela montre la certitude et la qualité de la tactique française, utilisant au mieux les qualités de ses joueuses.

Les coups de pieds arrêtés dans la surface feront mal aux françaises et permettront le titre espagnol.

L’Espagne essaie de tous côtés et ne sera libérés que par les coups de pied arrêtés. Le premier sur un corner de Fernandez qui trouvera la puissance de la milieu de terrain espagnole Guijarro, qui finira Soulier d’Or de la compétition, pour s’imposer à Lena Goetch et égaliser (18′, 1-1).

L’égalisation met les nerfs à Emelyne Laurent qui d’une frappe nerveuse et puissante trouve la transversale espagnole quand la balle, telle une arrivée idéale de train de la SNCF, semblait aller au fond des filets (22′). Le commentaire d’Eurosport en Italie ne sait plus comment prononcer le nom de la joueuse lyonnaise. Elle passe par tous les superlatifs qui sont nombreux en Italie.

La mi-temps est sifflée sur ce score et les joueuses rentrent aux vestiaires en pouvant se dire « puisque l’on est pas mort, c’est qu’on est vivant ». En effet, l’Espagne a eu totalement le pied sur le ballon mais n’a produit qu’une seule occasion qui aurait pu faire mouche. Une reprise de volée d’Oroz qui trouve les mains de Mylaine Chabas, la gardienne et capitaine française (26′) sur un mouvement de qualité de la capitaine espagnole Bonmati.

La France pique une seconde fois l’Espagne.

La solidarité est de mise, côté français. L’enjeu est possible. Il faut tenir et croire en ses chances offensives avec le duo « Bourdieu-Laurent », Gavory étant contrainte à un rôle de milieu de terrain pour bloquer la possession espagnole, bien qu’elle sortira plus d’une fois , notamment à la 70′, pour un centre en retrait qui ne trouvera personne. C’est avec cette action que l’on voit que la France a joué avec des qualités offensives rares dans le football féminin. Une perfection d’efficacité et d’efficience qui lui permettra à la 71′, sur une passe plat du pied dans l’espace de Thibaut, de trouver le TGV Emelyne Laurent, pourtant malmenée depuis le début de la seconde mi-temps, lancée qui en deux touches, fait « une Thierry Henry » maitrisée pour un but qui envoie la France au Paradis (2-1, 71′).

Si l’Espagne produit le jeu, avec qualité et persévérance, c’est sur coups de pied arrêtés qu’elle criera son bonheur et sa délivrance. Le pied gauche de la latérale Menayo va faire merveille. Plusieurs fois à la baguette avec 18 fautes sifflées contre les françaises, elle trouvera par deux fois, la tête de ses compatriotes, qui dans ce domaine, auront survolé les françaises.

Le football choisi l’Espagne en trois minutes.

En demi-finale, c’était la France qui avait bénéficié de ces trois minutes incroyables qui donnent au football, l’expression « sport à émotions ».

Nous sommes à la 85′ et le coup franc éloigné espagnole ne semble pas produire de danger. Obtenu sur une faute insignifiante d’Emelyne Laurent. La France mène 2-1. Il reste peu de temps. Sauf que le jeu long de la gauchère trouve la tête de Egurrola, puis touché par De Almeida pour finir par tromper Mylaine Chavas (2-2, 85′). L’Espagne égalise pour la seconde fois. Le football n’a pas encore choisi la victoire française. Il donne une nouvelle chance aux espagnoles.

Là, carrément, il semble balancer pour l’Espagne quand une décision arbitrale incohérente et incompréhensible donne une second jaune à Pauline Dechilly, .. pour avoir joué la balle sans son coup de sifflet ou dans son dos alors qu’elle plaçait une joueuse espagnole. Totalement incompréhensible car sans antériorité de la jeune joueuse messine. Totalement incompréhensible dans un match qui a été un exemple de fair play avec deux équipes qui ont joué un football totalement différent mais dans le respect de celui pratiqué par l’autre. La jeune joueuse sort en craquant. L’injustice est évidente. Humeur de l’arbitre (88′, carton rouge de Dechilly).

Il n’en faudra pas plus pour déstabiliser les françaises et donner l’impact psychologique aux espagnoles qui viennent d’égaliser et voient la France finir à dix. Coup franc à la 89′ et la meilleure buteuse du tournoi s’impose de la tête à Julie Thibaut, devant Mylaine Chavas (2-3, 89′).

Une dernière tentative française

L’extra-time sera de 6′. C’est long, mais les jambes françaises n’ont plus le coeur qu’il faut pour essayer d’égaliser. Le football a choisi l’Espagne, endeuillée qui arrive à gagner son second titre après 2004 après cinq finales infructueuses. Pourtant, Mathilde Bourdieu trouvera la volonté et la force d’envoyer une mine cadrée qui aurait fait l’égalisation mais Nochia Ramos, veille et la sortira des coins, pieds tendus, à la manière d’un gardien de hand.

L’Espagne est championne d’Europe 2017 des U19 sans que cela soit un scandale, bien au contraire. La France a produit un super tournoi en étant vice-championne, mettant en valeur des qualités qui sont souvent reprochées aux françaises : solidarité défensive totale, catenaccio et efficacité exceptionnelle dans ses mouvements offensifs. Qualifiée toujours comme second, elle a montré la voie d’un autre football qui est de s’adapter au mieux, aux qualités de ses joueuses avec une mobilisation totale vers l’objectif.

L’Espagne est championne d’Europe. Comme les Pays-Bas avec les séniors, elle a imposé qu’en finale, ce soit la possession qui soit titrée. Là, d’un cheveu.

William Commegrain  lesfeminines.fr

Cet Euro aura montré un autre style de jeu pour la France ; une solidarité collective et un mental fort pour gagner tout en étant bousculé ; mais surtout une efficacité offensive pendant ce tournoi, notamment sur les derniers matches (Angleterre, Allemagne, Espagne) rarement vu dans le football féminin et en France. Emelyne Laurent aura surpris, avec sa volonté d’être totalement dans le match, qui me fera écrire sur twitter, qu’elle aura fait un doublé, tellement sa prestation a été source de buts et « la tête prise » par le commentateur italien. Les joueuses françaises ont été incroyables d’efficacité et de solidarité.