C’est ainsi que je résumerais la pensée de Gilles Eyquem, le coach des U19F en train de jouer leur Euro 2017 en Irlande du Nord. Les U19 sont des générations qui doivent se créer leur Histoire. Ce qu’ont réussi la génération passée appartient au passé. Ce que réussira la génération présente est leur réalité.

Idem pour les coaches. Etre coach des U19 est loin d’être aisé. Confronté chaque année à un renouvellement. Des 1997 exceptionnelles, des 1998 différentes, des 1999 à découvrir. On sait de quoi est fait le présent, rarement de quoi sera fait le futur. En fait, on essaye de profiter de l’instant présent quand il chante, et on travaille pour améliorer quand il déchante. Gilles Eyquen, le sélectionneur des U19 depuis 2012 regarde sa sélection 2017 en constatant « nous sommes moins armés que les générations précédentes ».

Il faut dire que la barre 2016 était haute avec un titre de Championne d’Europe conquit de haute lutte face à l’Espagne et une place de vice-championne du Monde contre la Corée qui avait tout d’un titre, à essence équivalente. Alors, pour cette année, l’objectif est déjà atteint avec l’Euro « Mon souhait par rapport à ce groupe c’était déjà d’être présent à cet Euro. Cela s’est fait dans la douleur (au bénéfice du meilleur second) derrière les Pays-Bas au tour Elite et en étant peu prolixe en but (un mal français ????). Mais nous y sommes et c’est du bonus pour les filles. »

Il reste que l’on ne peut pas se satisfaire d’être, sans chercher à grappiller d’autres raisons d’avancer, d’autant que se profile à l’horizon la Coupe du Monde U20 en 2018 avec une France déjà qualifiée comme pays organisateur « Sur cet Euro l’objectif est d’essayer de sortir de la poule, toujours pour gagner de l’expérience et préparer ce groupe pour la CM 2018 des U20 en France. » Le mot objectif n’est pas trop fort avec un groupe difficile constitué des Pays-bas, récents championne d’Europe en A, qui marchent sur l’eau actuellement, et dont chaque jeune doit chercher le rêve d’une sélection pour le Mondial 2019 en France ; l’Italie qui se reconstruit et contre qui la France va jouer la suite de son parcours vendredi, et enfin l’Angleterre, bien partie pour relever plus que la tête en football, avec une kyrielle de titres en jeunes chez les hommes cette saison (2è Europe U19 et Monde U20).

La difficulté renvoie à deux vérités pour Gilles Eyquem, d’égales valeurs au vue de son raisonnement, et dont chacune et chacun devrait mesurer avec précision l’importance.

. la première vérité est conjoncturelle. Les jeunes filles doivent faire l’effort d’apprendre quelque chose qui ne soit pas que « la balle qui roule ». « Je reste persuadé que nous devons continuer à travailler avec ces jeunes sur l’amélioration de leur connaissance du jeu. C’est un groupe naïf, faible dans le jeu d’opposition (impact physique et athlétique insuffisant) mais qui, quand il veut bien s’en donner la peine, déploie du jeu de possession et commence à comprendre que chaque ballon joué c’est pour faire mal à l’adversaire (le mettre en difficulté). Nous avons bien mal débuté, cela devient habituel, mais je ne suis  pas sûr que nous aurons toujours la même réussite en suivant. Nous travaillons pour, mais il faut que les filles grandissent vite. Et ça, c’est aussi de leur ressort !!!! »

On peut penser que les choses auraient été différentes avec la parisienne Marie Antoinette Katoto ce que Gilles Eyquem précisait : « Malheureusement, je n’ai pas pu emmener Marie Antoinette KATOTO avec nous, car je pense que nous aurions d’autres ambitions. »

Cette idée d’apprentissage est une notion très peu développée dans les commentaires où le reproche est directement fait au staff et au coach qui, bien entendu, ne sont pas sur le terrain. Michel Platini le disait à la sortie de sa vie de footballeur (1987), avant de prendre pendant quelques temps, le poste de sélectionneur (1988-1992). La vérité d’une rencontre appartient aux joueurs, sur le moment. Modestement, je le rejoins et dirais que l’environnement de la rencontre, appartient, lui, au coach.

. la seconde vérité est structurelle. Les jeunes joueuses françaises ne jouent pas assez en D1F. « Nous manquons cruellement d’expérience de pratique de Haut-niveau. Il n’y a plus de place pour nos jeunes joueuses en D1 et le championnat National U19F n’est pas suffisant pour l’exigence internationale. Celles qui ont la chance de pratiquer en D1 ne sont malheureusement que dans des clubs qui disputent plutôt le bas du tableau et sont surtout accès dans le jeu pour défendre. » 

C’est un des gros chantiers du football féminin français qui va avoir rapidement une incidence au plus haut niveau (A) et au plus mauvais moment (Coupe du Monde 2019 en France) si rien n’est réellement fait pour le changer. En effet, les réussites passées de la France ont été dues à des performances chez les jeunes (Championne du Monde 2012 en U17, championne d’Europe en 2013 et 2016 pour les U19 et Bronze au mondial U20 2014 devenu Argent en 2016) mais pour autant, très peu sont ressorties en A et certaines ne sont devenus titulaires que sur des faits exceptionnels, en changeant de clubs.

D’autant que, l’Euro 2017 nous l’a montré et démontré. Gilles Eyquem le confirme. : « J’ai surtout noté que le niveau général s’élève constamment, que les soit disant petites équipes étaient suffisamment organisées pour poser des problèmes à tout le monde et surtout que les équipes capables de produire du jeu sont arrivées en finale et c’est tant mieux pour le foot féminin. » 

Il reste que les jeunes joueuses veulent avoir un statut salarié et en faire leur seule activité. Que dès lors, il leur faut aller uniquement dans les clubs qui peuvent le proposer. En France, ils sont peu nombreux. Et dans ces équipes, qui s’arment pour une qualification européenne limitée à une unité avec l’hégémonie lyonnaise, elles subissent la concurrence des joueuses étrangères ; obligeant les jeunes U19F à aller chercher du temps de jeu dans des clubs moins armés techniquement, tactiquement, physiquement faisant « tomber » leurs qualités initiales, pour en quelques années, les rendre moins performantes sur le plan international et limiter de ce fait, pour l’équipe de France A, des ressources qui s’avéraient qualitatives chez les jeunes, devenant plus communes après 20 ans. Jean-Louis Saez (Montpellier) ne disait pas autre chose lors de notre dernier entretien.

Dans ce cadre qui s’impose, la France 2017 doit d’abord gagner ses matches. Comme des apprenties, en remettant sur l’établi, leur ouvrage. Comme le dit Gilles Eyquem : « nous sommes à l’Euro et c’est du bonus pour les filles. Plus elles auront de match mieux c’est. »

Ces jeunes joueuses doivent prendre en mains leur apprentissage et s’imposer à leurs adversaires. En sachant pour ces jeunes filles, qu’apprendre à 19 ans, quoi de plus naturel  ! et d’arriver à s’imposer. Quel plus grand bonheur que de réussir son ouvrage !

Photo de l'équipe de France U19. lesfeminines.fr

Photo de l’équipe de France U19. lesfeminines.fr

On le voit, la plénitude de la jeunesse dans le football féminin, c’est à 24 ans qu’elle se trouve avec comme exemple les Pays-Bas et le Danemark, deux superbes finalistes de l’Euro 2017. Après, 24 ans, c’est le début de l’expérience.

William Commegrain lesfeminines.fr