Je trouvais que l’on avait peu parlé de la performance de Montpellier en 2017, arrivant à prendre la seconde place du championnat au grand PSG qui se l’était attribué depuis quatre saisons consécutives, en se bâtissant comme un grand d’Europe, habituel finaliste européen (2015-2017).

Sept ans sans récompense, avec comme seuls bonheurs, cinq places de finales de Coupe de France, pour se transformer en cinq amertumes, laissant le PSG (2010), Saint-Etienne (2011) et enfin l’Olympique Lyonnais (2012-2016) soulever les trophées à leurs places.

Avant de recevoir pour la première fois à la Mosson, l’équipe de France féminine pour son premier match de préparation pour l’Euro 2017, face à la Belgique le 7 Juillet et en ayant appris, quelques jours auparavant, que Montpellier avait été choisie pour être l’une des neuf villes à accueillir la Coupe du Monde 2019, j’ai eu un long entretien avec Jean-Louis Saez dont c’est la quatrième saison à la tête des féminines.

J’ai mon groupe qui m’a bluffé en fin de saison !

Le coach qui a fait l’essentiel de son parcours avec Arles-Avignon a un groupe qui arrive à maturité mais qui n’est pas pour autant exempt de points faibles.

Devant faire face à la blessure de Sofia Jakobsson (internationale suédoise, meilleure joueuse de la D1F en 2015) qui caracolait en tête des buteuses à mi-parcours (ligaments croisés), bien partie pour amener Montpellier au plus haut ; le groupe s’est soudé autour de cet objectif de la seconde place qui s’est avéré réalisable lorsque le PSG a commis un premier faux pas en perdant à Marseille (0-2, 16è journée, 18 Mars) mais surtout a subi un match nul contre Guingamp (3-3, le 2 avril 2017) pour le compte de la 18è journée, après avoir mené 3-0 à la fin de la première mi-temps alors que les parisiennes étaient en pleine compétition européenne éliminant facilement le Bayern (4-0 au Parc des princes, le 29 mars), et tout à l’esprit de leur demi-finale à venir face au Fc Barcelone qui avait écrit l’Histoire avec leur fameuse remontada !

Jean-Louis Saez ne dit pas autre chose : « Si Paris n’avait pas lâché des points, on n’aurait pas pu faire grand chose ! ». Points qui ont d’autant plus manqué quand, au commencement de l’année 2017, la nouvelle tombe. Le Paris Saint Germain est pénalisé de quatre points pour avoir fait jouer une joueuse (Sarah Palacin) qui n’était pas sur la feuille de match électronique lors de la 1ère journée de championnat face à Albi. Paris, de premier après avoir gagné à domicile face à l’Olympique Lyonnais, passait troisième. 

La force de Montpellier. D’outsider, elles sont devenues challengers et elles n’ont rien lâché !

Mieux, elles ont fait une performance avec une série de 38 buts sans en encaisser un seul à compter de la 16è journée quand pour la dernière journée, Bordeaux est venu prendre les points du match nul à Paris (2-2), après avoir été mené (2-0) et réussir ainsi à conserver son ticket en D1F, au détriment de Saint-Etienne, condamné à la descente. 

NDLR : l’interview est du 26 Juin 2017, avant le décès de Louis Nicollin, survenu le 29 Juin 2017.

Lesfeminines.fr. Jean-Louis, que retiens-tu de cette saison 2017 ?

Jean Louis Saez : « J’ai mon groupe qui m’a bluffé en fin de saison. Je pensais que mon groupe ne pouvait pas l’assumer même si on avait fait une très bonne première partie en ne perdant qu’à Paris et à Lyon. Après le couac de février-début mars avec un match nul à domicile face à Juvisy 0-0, une victoire difficile contre Bordeaux (1-2) et une défaite à Lyon (3-0), je ne sentais pas mon groupe assez armé pour pouvoir être à la lutte toute une saison avec Paris et Lyon.

On y a cru quand Paris se fait accrocher par Marseille et que nous avions aussi des difficultés face à Juvisy et Bordeaux. On s’est dit : les difficultés que l’on rencontrent, Paris peut les rencontrer. A nous d’être plus solide pour ne pas lâcher de points et c’est ce que l’on a fait jusqu’à la fin de saison. Paris a continué à perdre des points et nous on a fait un carton plein jusqu’à la fin de l’année (38 buts marqués, 0 encaissés).

Une grosse satisfaction avec des qualités offensives en marquant beaucoup de buts mais avec un effet double tranchant. Les gens nous disaient : les matches sont faciles mais je crois que jusqu’à présent, on ne rendait pas les matches si faciles. Je crois qu’on a progressé collectivement dans notre jeu et les filles ont monté leur niveau individuel aussi. On a commencé à faire mal à nos adversaires. »

Lesfeminines.fr. Le groupe ne voulait pas perdre cette deuxième place ?

Jean-Louis Saez : « C’était cela. Et tout le monde a monté son niveau de jeu individuel ; le jeu collectif était en adéquation avec le niveau demandé et il y a eu une régularité de toutes. De Valérie Gauvin à Blackstenius, Marion Torrent, Lindsey Thomas …

Ce qui est dommage, c’est que c’est une fin de saison que l’on a pas pu trop apprécier car le regard des autres étaient que l’on gagnait les matches trop facilement mais le championnat, il faut faire ce qu’il faut pour les gagner les matches. On ne vous les donne pas. C’est passé un peu inaperçu. Je le regrette un peu.

On a fini second, on est satisfait. On va faire la Ligue des Champions. La récompense est là pour les joueuses, pour le staff et pour le club »

Lesfeminines.fr Beaucoup de joueuses entrent maintenant en équipe de France A.

Jean-Louis Saez : « Chaque année, on progresse. J’avais un écart entre les cadres et les jeunes. Petit à petit, les jeunes emmagasinent de l’expérience. Elles se rendent compte de l’exigence et se remettent en question et cela passe par de la régularité pour être second du championnat.

C’est la régularité qui paie et pour un sport de haut niveau, c’est sa capacité à se remettre en question match après match. On peut faire de mauvais matches, mais je crois qu’un SHN (sport de haut niveau) cela doit être régulier surtout en EDF (équipe de France) quand on doit gagner un titre. Si on passe à travers un match, on s’en va à la maison.

On travaille aussi pour que nos joueuses puissent devenir des cadres. Le pense à Laura Agard qui est revenue dans le circuit à 28 ans après avoir fait du foot salle, Toulouse, et s’être arrêtée. Elle peut devenir aussi une cadre.

C’est ma satisfaction surtout les petites que l’on a mené. Claire Lavogez est partie un peu tôt à mon goût mais elle a gagné des titres avec Lyon bien qu’elle aurait pu avoir plus de temps de jeu ailleurs. Sakina Karchaoui, Marion Torrent, Sandie Toletti et l’apport de toutes les étrangères est une nécessité pour les encadrer.

Clarisse Le Bihan, Valérie Gauvin, peut-être demain Lindsey Thomas ou une Marie Charlotte léger, on a de jeunes joueuses en devenir. Elles peuvent peut-être alimenter les sélections de demain. »

Lesfeminines.fr. Tu dois être un des seuls à avoir réussi à trouver des internationales étrangères sans avoir de récompenses à garantir. Comment as-tu fait ?

Jean-Louis Saez : « L’état des lieux, je l’ai fait il y a quatre ans à l’Algarve. On ne travaille pas mal. Il y a Maxime Di Liberto qui s’occupe de la vidéo avec moi. On a ciblé nos joueuses pour aller chercher des étrangères, j’ai vite compris que cela voulait dire internationales. Il fallait donc cibler des joueuses qui évoluaient déjà en équipe nationale.

Ma priorité, il y a quatre ans, c’était d’avoir des jeunes françaises que je vais encadrer avec des étrangères. j’avais fait l’Algarve la première année, et vu toutes les équipe nationales qui étaient à l’Algarve, notamment Veje qui avait 21 ans à l’époque et donc automatiquement, on les suit les clubs qu’elles font et ensuite on essaie de prendre des infos sur l’état d’esprit et la mentalité.

L’Italie avec un championnat que j’ai vu très en retard. Le Portugal, et la Serbie sont des nations assez sportives avec des joueuses un petit peu moins chères mais cela ne pousse pas assez et depuis quatre ans, on regarde tous les matches internationaux. C’est Maxime qui me fait l’observation des joueuses étrangères avec un renouvellement dans les compétitions ce qui me permet de connaître à peu près toutes les joueuses internationales.

C’est là où c’est plus compliqué. il ne faut pas se tromper sur la mentalité et l’état d’esprit. Des fois on ne prend pas des joueuses sur les capacités parce que l’on n’a pas de bons échos. On essaie d’être regardant mais on ne ferme jamais la porte même quand on nous dit dit qu’il y a un problème avec la joueuse.

Ensuite il faut les arguments pour attirer les joueuses avec au sein du club une grosse équipe pour aider les filles à s’installer, à accompagner et c’est pour cela que les filles se sentent bien chez nous, restent et résignent.

Faire la ligue des champions va encore plus nous aider et c’est la difficulté que l’on avait. Par exemple, j’ai perdu Rumi Utsigi l’année dernière qui me dit cela fait quatre ans que l’on essaye d’être qualifié en Ligue des Champions .. Elle part  ! et on fait la Ligue des Champions l’année suivante.  Ma seule championne du monde (Japon 2011) !

On a pas de chance, on est dans un championnat avec deux finalistes de la Ligue des Champions ! Pour se rapprocher, c’est pas facile ! Mes dirigeants n’y croyaient pas trop mais maintenant qu’on y est , on continue.« 

William Commegrain lesfeminines.fr

La suite :

  • 2/3 Montpellier 2018 Jean-Louis Saez « Un groupe resserré avec des filles proches les unes des autres pour 2018 »
  • 3/3 Montpellier européen. Jean-Louis Saez : « Lyon, elles ne viennent pas pour jouer les 3 coupes, elles viennent pour les gagner ! »