Sandrine Mathivet a été la coach du Fcf Juvisy-Essonne pendant la période 2009- 2013 et a été deux fois vice-championne de France (2010-2012) ainsi que demi-finaliste de la Women Champions League 2012, dans une période où rare était les coachs qui officiaient à plein temps.

Coach à temps plein. 

Aujourd’hui, la règle change et c’est avec un nouveau statut au sein d’un club professionnel masculin, le Dijon Football Côte d’Or (DFCO), que l’expérimentée coach jette un regard sur le début de ce projet dont l’objectif est : la montée en D1 féminine. 

Il était intéressant de voir son regard alors qu’elle a évolué jusqu’en 2016 avec les meilleures féminines, puisque détachée ensuite auprès de l’INSEP (2013-2016).

Si l’annonce des clubs professionnels masculins dans le football féminin a suscité beaucoup de fantasmes excessifs ; on le sait et on le voit, le fait d’être dans un club professionnel ne transformera pas un club « en leader financier du football féminin ». C’est une intégration qui se fait dans le travail et la durée, avec des joueuses locales le plus souvent qu’il s’agit, pour un coach, d’améliorer pour susciter de la compétitivité.

On a affaire à un travail de bâtisseur qui est proposé aux coaches. La réalité prend ses droits, en droite ligne de ce que vous pouviez souvent lire dans ces écrits.

Le foot masculin ne peut pas « créer » les joueuses et les contrats.

C’est donc avec un effectif féminin du DFCO connu, deux fois vice championne de D2 et ayant buté sur l’OM l’an dernier que Sandrine Mathivet va chercher la montée dans le groupe B. « Je me suis reposée sur l’année précédente avec le travail de Samuel et ses adjoints. Il avait des joueuses qui l’intéressaient. J’avais des idées mais les joueuses n’étaient pas disponibles et quand tu arrives comme cela, il ne faut pas non plus vouloir tout révolutionner. Il faut faire confiance à ce qui a été fait auparavant. » 

Sandrine Mathivet aura donc un groupe renforcé de cinq joueuses, Alexandra Atamaniuk, Mary Chappe, Sarah Huchet, Agnés Kouamé, et la plus titrée Romane Bruneau, gardienne championne du monde U17 et dans le groupe France du Bronze mondial des U20 avec lequel la coach dijonnaise va essayer de réaliser cet objectif en ayant dans son groupe quelques cadors qui viendront postuler à la seule place qualificative de la D2 : Nîmes, descendu de D1, Yzeure très proche de la montée l’an dernier avec Grenoble, Vendenheim et Toulouse des clubs historiques féminins.

Avoir cotoyé et entraîné les meilleures françaises, quelle sensation cela donne de préparer un groupe de D2 ?

La D2 sort d’une refonte importante en ayant fait descendre 18 clubs (6 clubs pour trois groupes) à l’étage inférieur pour n’en faire monter que six et constituer deux groupes de 12 (24 clubs) au lieu des trente six habituels. Logiquement, le niveau est plus relevé, d’autant plus que dans ces deux groupes se trouvent les clubs descendus de D1 (Nîmes, La Roche sur Yon et Saint Maur) qui n’ont qu’une seule volonté, y revenir. Personne ne sait réellement quel niveau va ressortir de cette restructuration.

De plus, l’augmentation des licenciées commence à se faire sentir dans l’élite féminine et les jeunes filles pratiquent de plus en plus tôt et sont mieux préparées physiquement. On est dans la pratique d’un sport qui peut avoir commencé dès le plus jeune âge et non plus vers 14/15 ans.

« Maintenant tu as des joueuses de foot en D2. Tu n’as plus des joueuses qui n’ont plus rien à faire dans une équipe de D2. Effectivement, cela se resserre et tu as aussi des jeunes qui poussent et cela relève le niveau. Je pense que l’équipe de Dijon est plutôt une bonne équipe comme le Val d’Orge. Le niveau a monté. Un peu comme la D1, avec cinq, six équipes et derrière des clubs qui seront moins forts. Je le vois un peu comme cela. 

Alors comment faire ? Quand tu ne peux pas recruter sur le plan financier car le football féminin est à des années lumières de recruter et de payer un groupe de joueuses, même adossé à un club professionnel, qui plus est en D2.

Il faut ouvrir aux jeunes : « Il faut qu’elles se confrontent à meilleures pour évoluer. Sinon, elles iront voir ailleursJ’en discutais avec Kevin qui est l’entraîneur des U19, il va y avoir six U19 qui ne sont plus lycéennes mais étudiantes qui vont venir dans mon groupe pour s’entraîner. C’est ouvert à ces joueuses là qui vont avoir un certain niveau et il faut qu’elles travaillent pour augmenter le niveau et l’objectif c’est que dans un ou deux ans, ces jeunes là viennent concurrencer celles de Dijon. Il faut tout de suite les mettre au diapason de la D2 car cela va plus vite. Il faut ouvrir aux jeunes pour qu’elles voient ce qu’il faut travailler et voir le niveau qu’elles doivent atteindre car si tu les laissent végéter en U19 alors qu’elles pourraient jouer en D2, il va y avoir une démotivation et elles iront ailleurs. Et d’autre part, « il y a aussi beaucoup de contrats d’avenir et l’avantage d’avoir à Dijon une ville universitaire. J’ai beaucoup de joueuses jeunes et étudiantes. Elles font des études et les autres travaillent. »

Sandrine Mathivet se retrouve avec ce qu’elle avait bien connu pendant sa période de Juvisy : la même problématique de joueuses qui doivent  être à un certain niveau et qui travaillent. Sauf que c’est la D2, que les joueuses n’ont pas les mêmes capacités à intégrer cette double situation alors que d’autre part, cela montre l’évolution du football féminin à cet égard.

Alors quelle est la grande différence ?

Les mots sont clairs. La qualité que donne un travail à temps plein. « Je suis à temps plein« . C’est plus facile pour moi de préparer mes entraînements, réfléchir à ce que j’ai à faire, discuter avec les préparateurs physiques. Cela me permet d’être plus concentrée là-dessus sur les entraînements et ce que je vais dire aux filles. 

Fini la double occupation entre prof et coach. Sandrine Mathivet répétant à travers son regard, cette vérité qu’elle est en train de vivre : « Si tu veux t’occuper de tout, tu te perds ».

A l’heure actuelle, j’ai 80% de mes pensées vont à l’équipe de D2 et 20% sur le club. Il y a un responsable, Sebastien qui va s’occuper de l’école de foot jusqu’en U15. On va discuter ensemble mais moi, j’aurais une vue sur la D2 et les U19. Cela me permet d’aller faire des recherches pour voir des exercices particuliers. J’ai toujours le nez sur des bouquins pour voir ce que je peux mettre en place et faire évoluer : le jeu et la compréhension du jeu de façon à ce que cela soit : intéressant, compréhensible et nous donne la possibilité de faire le jeu. 

Auparavant, je faisait des activités secondaires avec un double métier : prof et coach. Heureusement que j’avais de la bouteille car des fois je jonglais. Là, tu as plus le temps de faire les choses. 

Le véritable plus ?

Mais là où Sandrine met l’accent, c’est plus sur la gestion humaine. La capacité à écouter, comprendre, être disponible auprès des joueuses. Cela me permet de connaître le groupe. A réfléchir sur le comportement de ce que j’ai vu. Sur ce qui a été dit. Le fait d’être à temps plein me permets de me poser. De penser à tout cela. De faire les choses dans le calme et pas dans la précipitation. Ne pas courir à gauche et à droite. 

J’apprécie surtout le rapport avec les joueuses et surtout le fait d’être plus tolérante et plus ouverte et je vois la différence entre moi qui ne travaille que pour le foot et les joueuses qui viennent après leur travail, stressées. Je suis devenue plus compréhensive et ce rapport là est plus important pour les joueuses. 

Demain, c’est quoi ?

Il reste que Dijon est un club professionnel qui se fixe des objectifs à atteindre. « L’objectif c’est de monter. Il faut que cette équipe monte. Cela fait deux ou trois ans qu’elle titille un peu tout le monde (2ème du championnat derrière l’OM), il faut arriver à la faire monter. Elles m’ont toutes dit qu’elles voulaient monter et pour qu’elles s’étoffent, il faut qu’elles montent en D1. Le fait d’avoir deux groupes risque de rendre l’objectif plus difficile, mais on  verra. « 

Pour cela la coach dijonnaise qui évolue dans sa région a une ambition sportive : « Mon objectif, c’est de les obliger à jouer plus vite. Prendre les informations plus rapidement, les décisions plus rapidement. Etre plus juste techniquement. Si on veut monter, il va falloir que dans tous nos matches on implique une intensité pour que l’équipe adverse soit aussi obligée d’hausser son niveau et si elles n’y arrivent pas, on profitera de leurs erreurs. Actuellement il y aura du déchet, mais c’est pas grave et le but du jeu et d’éliminer le déchet au fur et à mesure et d’avoir un temps d’avance. » 

« Pour les filles, elles sont à l’écoute et elles sont demandeuses. C’est bien. Il ne faut pas oublier non plus le travail fait auparavant avec des automatismes et l’habitude de jouer ensemble. Tu sens qu’il y a des choses qu’elles ont travaillé et c’est plutôt intéressant. »

A court terme, c’est le Paris Saint Germain qui s’annonce pour demain Mercredi.

On va tomber sur des filles plus solides que celles que l’on a joué. A nous d’hausser notre niveau. Il faut que l’on soit concentré sur le jeu que l’on veut déployer. On va travailler certains aspects défensifs et quand on aura le ballon, il va falloir bien le maitriser. Pour le garder et développer notre jeu si on peut. Ce sont des matches qui vont nous faire grandir. Les matches de préparation ont été positifs puisque l’on a jamais perdu. Cela fait toujours du bien au moral, mais les préparations n’ont pour finalité que de mettre en place une équipe pour savoir quelle est la meilleure place pour une joueuse.

L’avant-dernier match qu’on a fait contre le Val d’Orge a été encourageant. On s’est crée des occasions et on a été sérieuse. Il y a quelques fautes défensives qu’il faut essayer de corriger. Dans l’ensemble c’est bien. 

Reste les moments de réconfort. Souvent pour un coach, c’est la sélection de joueuses.

« La sélection de Romane Bruneau en U20, c’est pas mal. Si elle est prise ce sera du 30 Octobre au 2 décembre si elles vont en finale. En tant que coach, cela m’arrange beaucoup moins mais une Coupe du monde cela se vit et c’est bien si Romane est prise. » 

Une joueuse ne fait pas le groupe. Si on lui demande de sortir une joueuse du groupe, sa réponse est celle-ci : « C’est plutôt le groupe que j’aime bien. Tu sens qu’elles s’entraident. le groupe est bien et c’était important que le collectif soit bien car c’est comme cela que l’on ferait la différence avec les autres. »

On le voit, être dans un club masculin ne change pas grand chose par rapport aux caractéristiques du football féminin. Sauf les conditions : travailler sereinement pour les joueuses.

« Cela permet d’avoir les installations et c’est déjà pas mal. J’ai mon bureau et le terrain est à quatre mètres de moi. Les vestiaires sont à 50 mètres. Tu n’as pas à gérer cela. Cela me permet d’être moins dans le speed et d’avoir des interventions moins brutales et agressives car tu es au calme. » 

C’est plus professionnel, tout simplement. C’est un métier. Une profession quand auparavant c’était une seconde activité prenante et tout autant exigeante. Elle donne de temps pour préparer les choses et construire un niveau de jeu en tenant compte des contraintes des joueuses et non plus aussi de la structure. Elle laisse du temps pour arriver à cette finalité :

« C’est assez récent et il y a plein de choses à mettre en place pour se professionnaliser dans la structuration du projet et dans l’esprit de chacun et chacune. Cela ne se fera pas tout de suite mais c’est vers quoi il faut tendre. 

Avec cependant l’objectif que la coach s’est fixée : monter rapidement en D1 féminine.

C’est encore une différence avec la L2 masculine où un coach donnera comme objectif le maintien. Etant dans l’impossibilité totale de savoir si son équipe peut monter, les décisions de montée masculine se faisant souvent, au mieux dans le dernier tiers du championnat et pour « l’ancien troisième » dans les cinq dernières journées.

En football féminin, les choses sont encore acquises et on peut être plus certain du maintien pour se donner l’objectif supérieur de la montée mais il viendra un temps où il en sera de même pour la D2 féminine qui semble bien plus homogène.

William Commegrain lesfeminines.fr