Consultante TV. C’est une reconversion qui interpelle plus d’une joueuse après avoir été si utilisée par les joueurs. Commenter un match. Cela parait simple. Cela parait évident pour garder l’avantage du terrain associé à celui de la reconnaissance médiatique. Pierre angulaire d’une reconversion qualitative quand elle est réussie. Pour autant, c’est un métier.

Dans le football féminin, j’ai été plus qu’interpellé par Sandrine Roux en 2011 associé à Alexandre Delperrier et j’ai trouvé Corine Petit très juste avec Denis Balbir lors de la CM 2015 au Canada. D’autres voix sont à ajouter comme celles de Marinette Pichon,  Sonia Bompastor, Sonia Haziraj et celles de Nadia Benmokhtar, Candice Prévost, Cécile Locatelli, Laure Lepailleur qui oeuvrent sur Eurosport. Si on voit beaucoup de femmes intervenir dans le football masculin, Gaetane Thiney doit être la seule sportive de haut niveau en exercice à le faire dans le football masculin (Canal+).

Cela fait beaucoup de femmes. Il était intéressant d’échanger avec Denis Balbir qui intervient dans les deux domaines sur W9, le football masculin comme féminin (CM 2015) et en connaître plus et mieux sur ce qui parait simple et qui peut devenir compliqué, en direct, écouté et entendu par quelques centaines de milliers de personnes jusqu’à des millions quand on parle de l’équipe de France.

Denis Balbir, des consultantes féminines. Pourquoi ? 

Cela a un côté rafraichissant et inédit et cela change un petit peu. Quand cela donne une touche féminine c’est encore plus agréable et on a vécu, pour notre part, de bonnes expériences avec Sonia Bompastor (Euro 2013) et Corine Petit (Coupe du Monde 2015).

C’est un métier « consultant », il faut le rappeler. Si c’est donné à tout le monde de le faire ; de le faire bien c’est autre chose car ce n’est pas parce que l’on est une ancienne joueuse que l’on devient consultant par hasard. Il faut travailler et comprendre une certaine technique.

Quelle est cette technicité ? 

On est là en tant que journaliste pour mettre en confiance le consultant ou la consultante et lui expliquer la façon de procéder. Voilà comment se répartisse les rôles. Notre rôle à nous est de faire du descriptif quand le consultant est là pour amener son expertise technique.

Il y a beaucoup de choses à penser et à faire, c’est la base du consultant. Il doit avoir un oeil sur le terrain pour voir la tactique suivie par les entraineurs et il doit aussi en amont, s’il le peut joindre des gens qu’il connait dans le staff ou dans l’équipe pour avoir quelques informations qui pourraient être utiles aux commentaires et puis, arriver à rester dans le match et s’occuper des ralentis pour les commenter, notamment s’il y a une action litigieuse.

En plus, il faut avoir une certaine complicité avec la personne avec qui vous travaillez, ce qui n’est pas toujours le cas mais ce qui est le plus souvent le cas fort heureusement.

On a le sentiment que le consultant ne doit pas trop s’impliquer dans le commentaire et rester neutre bien qu’il ait un sentiment positif ou négatif.

Il y a deux choses. Soit le consultant a la légitimité ou l’envie, et certains peuvent le faire, de « détruire » un joueur ou un entraineur voire une tactique et il faut qu’il s’explique sur ce qui aurait pu être mieux ou pas mieux … Cela reste pour ma part hors sujet car ce n’est pas le rôle du consultant, d’être à la place de l’entraîneur ou du joueur sauf si bien évidemment vous avez Deschamps ou Zidane qui vous dit comme Platini -car à Canal j’ai commenté avec lui – : « il aurait du faire ceci ». Vous ne pouvez pas lutter car ce sont des gens qui ont une expérience très importante.

Sinon, le consultant est là, par exemple, pour intervenir sur une action litigieuse. C’est à lui de dire si, à son avis, il y a pénalty ou non. Si la gardienne aurait dû sortir ou ne pas sortir.Nous on peut le dire dans le direct, mais c’est au consultant de prendre sa décision sur les ralentis. Il faut rester dans le rôle de l’analyse sans aller dans celui de la méchanceté.

C’est un équilibre à trouver. On ne doit pas juger de la personne mais de sa performance.

A vous entendre, vous avez la légitimité émotionnelle quand le consultant a la légitimité technique.

Cela ne veut pas dire qu’on ne l’a pas mais on ne doit pas la retranscrire. Ce n’est pas notre rôle. Notre rôle c’est de faire du descriptif et de faire passer des sentiments émotionnels comme de donner des informations sur des gens, des joueurs, des statistiques, le nombre de buts, le nombre de tirs arrêtés pour le gardien. On peut même passer des informations personnelles sympathiques sans que cela ne soit pas systématiques.

Ensuite, pour ce qui est de la tactique de l’entraineur, cela me fait sourire car j’entends beaucoup de tactique de la part de mes confrères, pour moi, ce n’est pas notre rôle. Même si je le vois et que je le sais, ce n’est pas mon rôle de le dire pour enfumer la galerie. C’est plutôt à la personne qui est à côté de vous -le consultant- de le faire et de le sentir.

Football féminin, consultant féminine ? Pourquoi ce lien ?

Sur le football féminin, il me semble logique de prendre une femme, notamment une femme qui est sortie de la compétition récemment comme cela avait été le cas avec Sonia Bompastor qui venait d’arrêter sa carrière internationale par la force des choses puisque Bruno Bini l’avait écarté plus ou moins et elle a fait l’euro avec nous et cela me parait normal. Pour Corine Petit, il lui était arrivé à peu près la même chose en sélection avec Philippe Bergerôo, mais elle restait en club, compétitive, et donc on était encore plus près du terrain.

Pour moi, c’est important car ce sont deux personnes qui venaient de « terminer » leur carrière internationale et elles avaient des atomes crochus avec certaines joueuses. On peut parler de Camille Abily avec Sonia et de Gaetane Thiney avec Corine.

Sonia est formatée dans le futur rôle d’un coach. Elle est faite pour cela. Avec des schémas sur son ordinateur comme des schémas d’entraînements. C’est une joueuse qui était capitaine et cela se voyait quand elle parlait de foot avec nous, que ce soit de football féminin comme masculin. Elle est très mure dans cette approche.

Le football féminin expliquée par une femme qui sortait de la compétition, c’est donc une évidence. Les consultants féminines savent faire exactement ce que savent faire les consultants masculins.

Et vous que trouvez vous au football féminin ?

Le football féminin, pour moi a été un calvaire la première fois car je suis tombé sur un mauvais match à Angers sur Canal avec un France-Pays Bas de mémoire et cela s’est terminé par un (0-1, 24 septembre 2005). Et c’était catastrophique. La qualité technique, la vitesse. Après, quand vous savez que votre chaîne a acquit les droits, vous avez un oeil plus avertis sur le football féminin alors qu’avant j’étais plutôt observateur.

C’est un football qui a énormément progressé au niveau de l’engagement et de la tactique, au niveau technique et de la vitesse. C’est un football qui s’est transformé en quelques années. Il a pris un virage à 180°. On voit très rarement du kick and Rush. On voit moins de joueuses très moyennes. Le seul poste qui doit être bonifié est celui de gardienne de but. On n’a pas encore encore de grandes gardiennes de but française, sauf erreur de ma part. On n’a pas l’équivalent d’une Angerer (Allemagne) ou d’une Solo (USA) en France.

C’est peut-être dû aussi au fait que le championnat manque d’homogénéité et elles sont rarement mises à contribution.

Je ne discute pas de la valeur, mais on n’a pas une gardienne de la hauteur d’une joueuse fantastique au milieu ou en attaque comme pouvait l’être Louisa Nécib ou Gaetane Thiney.

Quelle est votre vision dans le futur ? Pour ma part, je pense que l’on a tendance maintenant, à trop positiver le football féminin compte tenu qu’on le découvre et on trouve cela extraordinaire mais je trouve que l’on est dans une phase de stabilisation voire de régression. L’aventure du futur PSG sera d’ailleurs un élément déclencheur (Est-il possible de trouver la ressource joueuse pour construire un autre PSG ?)

Je pense que vous êtes sur la bonne réflexion. C’est ma réflexion. Ce n’est pas anodin que le groupe M6 n’ait pas suivi les avances colossales de la Coupe du Monde 2019 en France, acquise par TF1 pour plus de 10 millions d’euros. Une Coupe du Monde que l’on avait acheté pas très cher au Canada (Un peu plus d’1 million d’euros). Le groupe M6 a préféré ne pas suivre. Effectivement, vous avez touché un point important car pour cette équipe de France comme en club où il y a beaucoup de grandes joueuses étrangères, de bonnes joueuses françaises ; on a plus l’impression d’être sur une fin de cycle avec une génération extrêmement brillante et on ne voit pas trop arriver de très grands jeunes talents.

On est à un virage du football féminin. Je suis d’accord avec vous.

William Commegrain lesfeminines.fr

Sur cet entretien téléphonique du vendredi 13 mai, on comprend que le rôle brillant du consultant TV est plus occasionnel et du domaine du ponctuel qu’un futur métier, compte tenu que dans le football féminin, l’apport technique ne touche qu’une population réduite « d’aficionados » des féminines.

Il est cependant impératif qu’il soit fait par une femme compte tenu des liens forts avec l’environnement qui doivent être récents pour garder la touche d’actualité qui donne au ton, le juste vécu du moment : enjeu, connaissance des joueuses, des clubs. Il faut bien connaître ce sport pour en parler.

Enfin, la prestation « du spectacle » n’est pas aussi qualitative que pour les hommes. Croire qu’il existe impérativement un marché croissant au plus haut niveau serait une erreur. Aujourd’hui, c’est la base qui se développe avec des gamines et des adolescentes qui n’ont pas encore le réflexe de regarder les matches à la télévision. Souvent, elles ne connaissent pas les joueuses et leurs clubs.

C’est donc une construction plus proche du lancement dont le développement sera assuré par la qualité du contenu et de sa promesse. C’est un des enjeux du football féminin sur le plan médiatique. Il en a d’autres, comme toute activité de spectacle sportif.