Gilles Agniel, a l’accent du Sud qui va bien à son investissement en tant que coach de Nîmes Métropole Gard depuis quatre saisons et qui vient d’accéder à la D1F après être passé devant l’OM, son grand rival régional en 2015. En difficulté pour le maintien puisque classé 12è du championnat, j’ai vraiment apprécié notre discussion qui vous fera découvrir toutes les facettes d’un coach : une fenêtre sur sa vie familiale avec sa fille ; une autre sur sa vie professionnelle ; et enfin, l’essentiel sur sa vie sportive. Il s’est livré et au final de cette discussion on se dit que : « peu importe la place, la sensation reste autant présente. S’investir dans une passion pour construire et faire grandir une Histoire. La sienne, celle des autres, celle des filles ». 

Vous avez été coach masculin mais aussi coach de votre fille. C’est assez rare. Vous pouvez nous en dire plus ? 

J’ai une fille qui joue au football féminin, car comme j’ai été coach de plusieurs équipes masculines, elle venait avec moi sur le banc quand à cette époque il était possible que cela se fasse et c’est un petit peu de ma faute si elle est tombée dans ce domaine là.

Partager la même passion avec son enfant, je ne crois pas qu’il y ait plus belle chose dans la vie. Une certaine fierté et une certaine reconnaissance du message que l’on veut faire passer et, de s’apercevoir que de joueurs il passe à son enfant, c’est une grande fierté car visiblement elle l’a capté au passage, en plus en étant dans le même club que le papa puisque j’ai coaché Monteux avant Nîmes Métropole.

C’est bien car c’est la première fois que je peux échanger avec une personne qui a sa fille qui joue au football alors que lui a un oeil professionnel.

Vous avez posé la question au papa. Si vous posez la question à l’entraineur que je suis, je vous dirais que je suis certainement plus intransigeant et j’ai tendance à être plus dur avec ma fille qu’avec les autres joueuses et si vous posiez la question à ma fille, elle vous dirait certainement qu’il faut surtout pas que mon papa m’entraîne. Il est un peu trop dur avec moi et .. pas moins reconnaissant, mais si elle fait quelque chose de bien, je vais trouver cela naturel. Alors que pour d’autres personnes, je vais peut être plus la valoriser. C’est le côté papa qui ressort avec cet aspect plus intransigeant qu’on souhaite pour ses enfants. Je suis fier de ma fille, peut-être que je ne lui dit pas assez, mais en tout cas, je suis très fier d’elle.

C’est quelque chose de compliqué tout cela, et cela fait plaisir de l’entendre. Mais quel est votre métier ?

Je suis éducateur sportif. Je suis professeur de sport dans les écoles primaires et depuis quelque temps j’ai la gérance du service « éducation jeunesse » dans une collectivité territoriale.

C’est bien de pouvoir situer les gens sur le plan professionnel. Que vous apporte le football féminin ?

La haute compétition. On est quand même au plus haut niveau de pratique dans cette catégorie d’âge. Puis, d’écrire une page avec les féminines. On est au début de cette histoire et je me suis dit à un moment donné, il faut participer à l’écriture de cette histoire pour que derrière tu puisses laisser quelque chose.

Et aujourd’hui, je le dis à mes filles. On écrit ensemble l’histoire du Nîmes Métropole. On monte en D1, c’est historique. On va jouer un 1/8è de finale, c’est historique. Moi, j’aime bien participer à quelque chose d’historique et si je suis allé dans la pratique du football féminin, c’est pour apporter mon expérience et écrire quelque chose.

Les filles m’ont apaisé. Elles sont posées et j’étais quelqu’un d’un petit peu impulsif au départ. Et puis alors, elles vous remettent en question perpétuellement. Elles m’ont apporté depuis trois ou quatre ans qu’il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers et sur ses acquits. Il faut sans cesse écouter ce qu’elles ont à dire car quand même on n’est pas cablé pareil.

Le simple fait de vivre avec elles, d’être accepté car même si elles préfèrent être entrainées par un garçon plutôt que par une fille, il faut quand même être accepté et être à leur écoute. On apprend tous les jours à leurs contacts et je retournerais peut être chez les garçons, mais seulement sur un projet sportif de haut niveau car j’y trouve mon compte et je suis très bien à Nîmes et dans le football féminin.

On construit une histoire avec les féminines alors qu’avec les gars on construit une performance.

Tout à fait, on est sur une histoire humaine. peu importe le niveau de pratique. Qu’on aille vers le titre européen ou que l’on descende en D1. Alors que pour les gars, on est sur la performance.

Quel est votre avis sur la D1F ? 

Mon sentiment personnel c’est que le niveau de la D1 féminine progresse et grandit d’une année sur l’autre. A chaque fois que je me suis occupé d’une équipe féminine, on a toujours joué une D1 car j’ai de bonnes relations avec mes homologues, que ce soit Hervé Didier à Saint-Etienne, Gérard Prêcheur à Lyon et auparavant Patrice Lair comme Jean-Louis Saez à Montpellier, et le niveau à considérablement évolué.

Par exemple pour nous, on a pas recruté l’année dernière car je pensais que le niveau que l’on avait suffisait avec notre 1ère place devant l’OM, alors qu’entre le niveau de la fin de saison 2015 et celui du début de saison 2016, le niveau avait encore augmenté.  Il augmente donc d’années en années et je ne sais même pas si dans une année, il ne prend pas un échelon de plus.

Je pense que si vous n’avez pas la bonne joueuse vous perdez, car les joueuses sont très différentes athlétiquement. Même avec une grande motivation, vous aurez du mal à gagner les matches.

C’est cela, nous aujourd’hui, on est purement amateur à Nîmes. Une fille qui s’entraîne tous les jours voire deux fois par jour, elle va parfaire son bagage technique et une certaine culture tactique. Nous, on a des filles amateurs qui viennent avec leur tracas et une autre vie derrière. On leur demande une charge supplémentaire. C’est vrai qu’il y a un tel écart athlétique et de corpulence entre chaque joueuse qu’avec une joueuse de football, ce n’est pas suffisant si on n’a pas des athlètes pour aller au combat.

Les grosses écuries ont des athlètes dans leur équipe. moi, comme les équipes de D2 et de D1 de milieu de tableau, on a des joueuses et c’est cela la différence. Aujourd’hui, je dois transformer des joueuses en athlètes. C’est à dire qu’elles courent plus longtemps, plus vite avec une intensité plus forte pour qu’on puisse rattraper notre retard.

Avez vous senti quelque chose de positif dans votre équipe en comparaison de la D2 et de la D1, même dans une période difficile de D1 actuelle mais, pour autant, vous avez trouvé que sur ces points là, il y a une nette amélioration.

Déjà on parle du championnat de D1 et on trouve qu’il y a une disparité énorme entre les équipes. Dans une même compétition il y a trois niveaux de pratiques : le haut niveau, les équipes de milieu de tableau et les équipes du bas de tableau. Alors, vous imaginez entre la D1 et la D2, le gouffre est énorme.

Aujourd’hui, on a beaucoup travaillé sur la concentration, sur la régularité et sur la discipline. La concentration, c’est le domaine où l’on a progressé depuis le début. la régularité et les erreurs car aujourd’hui, si vous faite une erreur, vous prenez un but alors qu’en D2, vous êtes toujours à même de récupérer votre erreur.  La personne qui est en possession du ballon n’a pas la justice technique pour cadrer son ballon. On a aussi commencé à réapprendre les duels par exemple. C’est un point que l’on pensait maitriser mais finalement, on s’aperçoit que non. 

Et puis je me suis remis en question avec un système de jeu qui ne convenait plus à ce niveau là et il a fallu changer de système de jeu et être capable de leur faire assimiler qu’il fallait passer d’un système à un autre en cours de match. Et cela a été le plus gros travail et c’est peut être pour cela que l’on pris du retard en cours de route. 

Pour moi, il y a des joueuses qui ont déjà évolué en D1 féminine. Une ou deux se sont très vite remis au niveau et les autres ont eu un peu plus de mal. Je ne peux pas ressortir une joueuse particulièrement mais en tout ças je sais que notre gardienne qui est notre dernier rempart et qui découvre le haut niveau. Pour quelqu’un qui découvre ce niveau, elle a largement le niveau de la D1. Je parle de la gardienne car en ce moment on est souvent dominé et elle est donc plus mise en valeur. mais toutes sont hyper disciplinés et elles exécutent à la lettre le plan de jeu. Bien défendre en bloc, il n’y a pas besoin d’avoir un gros bagage technique pour le faire et cela compense les différences techniques. C’est ce qui est arrivé face à la Chine de Bruno Bini, cela a permis aux filles de voir qu’on est capable de. Quand vous avez un élément moteur qui vous tire vers le haut, les autres suivent le rythme.

On voit qu’il faudrait pouvoir rester deux années en D1 pour pouvoir donner aux joueuses le niveau de la D1. Cette saison va trop vite pour les clubs de D2 qui montent.

Cette saison va trop vite pour plein de paramètres. Pour les collectivités. le club est peut être monté aussi trop vite. Les joueuses quand vous les contactez, elles sont toutes en train de vous dire. Et bien, faites une année et on verra la saison prochaine car elles ont l’habitude de voir les deux ou trois équipes qui montent redescendre l’année suivante. Tout le monde est un petit peu réticent à ce niveau là et on voit que les équipes réussissent à se maintenir ce sont celles qui ont passé la première année et qui ont réussi à combler ce déficit là. Ou alors il faut s’appeler l’OM. Et l’Om quand elle montera, elle se donnera les moyens d’acheter ; et là, on est dans une autre dimension.

Nous, on a été en phase d’apprentissage trop longtemps à mon goût pour cette D1, du mois d’Août à décembre. On commence juste à prendre notre respiration car on a enchaîné quelques bons résultats. Saint Maur, la Coupe de France. La Chine même si je pense que l’opposition n’a ps été réelle contre l’équipe de Bruno Bini mais on a bien défendu. L’an dernier, à la 80è, on aurait lâché, on aurait fait une erreur à un moment donné. Cela nous aurait couté un but. On commence juste à rentrer dans l’état d’esprit de cette première division où la discipline et la concentration doivent être au maximum.

Un nul face à la Chine, c’est une grosse satisfaction même si il y avait un gros turnover. Néanmoins, elle a gagné les Etats-Unis, l’Angleterre. C’est quelque chose de très motivant pour votre groupe.

Elle a gagné le Vietnam, le Mexique. On ne va pas se glorifier de toutes ces statistiques mais je vais retenir une chose, aujourd’hui, le club est capable d’organiser, d’accueillir et de satisfaire une sélection nationale alors que tous les clubs ne sont pas prêts à le faire. Il faut avoir une structure, les dirigeants les bénévoles pour et après, si on doit revenir sur le terrain, je dirais oui pour nous c’est une grande satisfaction. Mais on va relativer le résultat. Si le match avait été à couperet, le résultat aurait été tout autre.

On a progressé et j’essaie de faire progresser le groupe et aujourd’hui on voit quelques brides de résultats.

J’ai lu sur le site www.olympiennesetmarseillaises.com que vous aviez une vision du développement des clubs en vous associant avec un club professionnel. 

Nous, nous sommes avec Nîmes Métropole Gard en ayant signé une convention qui va s’étendre l’année prochaine. Si sur le plan financier, vous avez raison, il n’y a rien de particulier à y attendre car les clubs masculins ont leurs contraintes ; sur le plan des structures, c’est très intéressant pour nous avec des moyens médicaux, logistiques, d’organisations, de terrains que nous ne pourrions résoudre avec efficacité en confiant cela à des bénévoles qui ont leurs contraintes. C’est un apport fort pour un club féminin qui monte.

D’ailleurs dans cette D1, pour les clubs montants souvent on arrive à faire des résultats en seconde partie de saison mais comme il n’y a que 12 clubs, il est souvent très tard pour retourner la situation à moins de faire une superbe performance. Peut-on renverser la vapeur dans le football féminin ?

Il y a un tel écart entre les joueuses du haut de tableau et celles du bas que c’est très compliqué de retourner une situation. On peut sur un coup ou deux aller chercher des résultats. On est allé faire match nul à Soyaux, on perd à Montpellier à la 86’ (1-0) mais la différence avec une équipe de milieu de tableau et nous, c’est qu’une équipe est capable de répéter la performance. nous on fait des coups car on est capable de le faire, mais ensuite on retombe dans nos travers.

Au plus il y aurait d’équipes, au plus il est possible de faire son retard. Au moins il y a d’équipes au moins on peut récupérer le retard de points. Ceci dit comptablement et mathématiquement, on a la possibilité de se maintenir donc on va s’accrocher à cela. D’ailleurs, les joueuses, les dirigeants et moi-même quand vous avez gouté à quelque chose qui vous plait sur le plan gustatif, généralement, vous avez envie d’y revenir.

Je pense que si on a le malheur de descendre, les gens et le club feront tout pour essayer d’y revenir.

Pour terminer, la D1 féminine est quand même d’un très haut niveau. Que pensez-vous de vos adversaires. Avez-vous en mémoire des joueuses qui vous ont impressionné ? 

Lyon est une équipe très bien huilée. A l’intérieur de ce collectif, il y a des individus qui sont des rocs. Wendie renard est très compliquée à passer, Lotta Schelin qui prend l’espace et qui se place très bien. Il y a Ada Hegerberg qui est un « pittbull », une tueuse devant le but un peu à l’image de la corrida, lorsque cela sent le sang, elle est là et cela c’est super impressionnant et il y a une fille comme Louisa Necib avec une justesse technique extraordinaire. Voilà à Lyon ce qui m’impressionne. A Paris ils ont plutôt des individualités et une somme d’individualités avec des joueuses à qui on n’apprend pas le football. Après dans les autres, il y a toujours une individualité. Mais je comprends pourquoi on est si bien représenté en Ligue des champions et j’espère que l’équipe nationale fera un très bon résultat dans les prochaines échéances. C’est normal car on a de très bonnes joueuses.

Merci Gilles Agniel pour cet entretien réalisé le Jeudi 4 février 2016.

William Commegrain lesfeminines.fr