Interview. Christine Kelly, 46 ans, ex-membre du CSA depuis janvier 2015, regarde le Monde avec une volonté d’entrepreneur qui a la vocation à découvrir ce dont le Monde a oublié de regarder pour, au bout d’un travail gigantesque, remettre en lumière ce dont la société a besoin et qu’elle a, injustement, oubliée. Loin de l’intérêt financier, elle œuvre dans le monde sociétal, avec une énergie incroyable sachant que la réussite est le constat de la performance.

Sœur de toutes, elle trouve dans les projets qu’elle mène, la réalisation du mot « bonheur » qu’elle se garde bien de parler pour les autres.

Créatrice des « 24 heures du sport féminin » ; à la tête du projet du « Musée des médias » à Saint Denis ; fondatrice de « K d’urgences » consacrée aux familles mono-parentales ; auteure de plusieurs ouvrages ; avec déjà deux événements à son agenda pour le mois de Novembre,  la sortie de son autobiographie « Invitée surprise » le 6 Novembre, puis le 21 novembre la journée « Education aux médias » du Studio Gabriel, c’est une femme occupée qui prend le temps de répondre à mes questions. Intéressante à connaître et à découvrir.

Quelle diversité impressionnante de parcours. C’est visiblement un choix de vie

Apparence d’un parcours dans la diversité mais réalité d’un parcours autour d’un seul dénominateur commun : l’action. Si je travaille sur le sport, c’est que je veux agir. Si je travaille sur les familles mono-parentales, c’est que je veux agir. Si je travaille au Musée de médias, c’est que je veux agir. Si je travaille sur d’autres thèmes et je pense que j’en ai oublié pas mal, le dénominateur commun : c’est l’action.

Un parcours diversifié mais un dénominateur commun : l’action.
Lorsque l’on est présentateur de journaux télévisés comme je l’ai été pendant dix ans sur LCI, on a un journal télévisé où on ne parle pas que de foot, que de politique comme d’économie ; mais dans un JT de 7 mns on parle de tout cela. Ma formation de base m’a toujours porté à m’intéresser à tous les secteurs. Un journaliste doit s’intéresser à tout. et je trouve que c’est une force que de pouvoir s’adapter à tel ou tel sujet. Moi, ma force, c’est l’action.

On sent même que c’est un pari, et plus il y aurait de sujets, plus vous auriez envie de les connaître, de les comprendre. Mais Vous, vous êtes en plus dans l’action. Vous êtes une femme un peu américaine ?!

J’aurais certainement aimé faire un parcours aux États-unis car je pense que j’aurais eu moins de difficultés à progresser dans la société en tant que femme comme je suis. Mais il y a beaucoup de personnes qui ont mon profil avec d’autres expressions : Il y a l’intelligence de l’action, l’intelligence autrement, il y a des chercheurs, il y a autre chose. Moi c’est ma force, mon profil, mon identité.

Décanter des zones que personne n’a encore exploré car je pense que c’est comme cela que l’on fait avancer la société
Par contre, Ce n’est pas « plus il y a de sujets, plus cela m’intéresse », mais c’est surtout, « plus il y a de zones inexplorées, inexploitées, sans résultat, alors c’est là où j’ai envie de mettre ma patte ».

Je trouve que cela ne sert à rien de prendre une énergie pour défoncer une porte ouverte, mais il faut aller frapper aux portes qui sont bien blindées. Fermées. Décanter des zones que personne n’a encore exploré car je pense que c’est comme cela que l’on fait avancer la société, que l’on fait avancer les choses et que l’on apporte quelque chose à la génération dans laquelle on vit.

Qu’est-ce que vous pourriez communiquer aux jeunes du football féminin, qui fasse qu’une jeune qui a une lumière qu’elle a peur d’allumer ; qu’elle puisse se dire, tiens j’ai envie de faire la même chose qu’elle.

C’est tout le sujet de mon livre qui s’appelle « Invitée surprise ». Et « Invitée surprise » c’est justement parce que personne ne m’a jamais attendu là où je suis passée. Si j’ai un message à faire passer, c’est que personne ne t’attends là où tu vas. Il faut défoncer les portes, se décider pour choisir un secteur qui plait et aller jusqu’au bout et ne pas lâcher tant que l’on a pas ce que l’on a. Et je pense qu’il ne faut jamais se laisser se décourager non plus quand on dit que tel secteur est bouché, tel secteur ne recrute pas, vous êtes trop vieux, trop jeune, trop blanc, trop noir, trop gros, trop petit, si vous avec une envie, une idée, d’avancer sur un sujet, quelque soit les vents contraires, il faut y aller, y aller jusqu’au bout et on est sûr de gagner au bout.

Je peux critiquer cette approche là. Bien sûr. On peut avoir une idée et qu’elle soit fausse ?

… Pourquoi pas. Je pense que l’on peut avoir une idée et qu’elle soit fausse alors elle n’aboutira pas. Je pense que s’il faut faire un livre sur les familles mono-parentales qui n’a jamais existé en France, pour raconter le problème des familles mono-parentales dans un livre, c’est ce que j’ai fait. Cela a été compliqué, très compliqué, et très prenant. Je l’ai fait et j’ai fini par le sortir. Si vous dîtes que vous voulez baisser le volume sonore de la publicité par rapport aux restes des programmes, que vous êtes membre du CSA et que vous voulez être le premier pays au Monde à le faire. Cela a été compliqué mais j’y suis parvenue. Si vous vous dîtes que vous voulez sous-titrer le programme des chaînes pour les malentendants et que c’est compliqué. Je vais y arriver et on y arrive. Il faut retrousser les manches. Être déterminée et je suis sur que l’on a toujours un résultat.

Le Musée des Médias, que vous allez créer. C’est énorme comme projet car il va durer dans le temps. Vous avez envie de laisser des marques et des traces. Tout ce que vous faîtes semble être en tant que précurseur, on a le sentiment que vous avez envie de marquer une identité qui est la vôtre et c’est très bien. 

Tout à fait. Il m’empêche de dormir la nuit. C’est un projet gigantesque et énorme mais j’aime bien me mettre des défis. Cela se trouve je vais mourir d’épuisement et de stress avant de l’avoir crée. En tout cas, c’est mon nouveau défi. Si on a pas d’objectifs et de défis dans la vie, c’est que l’on est déjà mort.

Le Musée des Médias m’empêche de dormir la nuit. Mais si on a pas d’objectifs et de défis dans la vie, c’est que l’on est déjà mort.
Ce Musée des médias, je ne veux pas qu’il  porte mon nom. En aucun cas, je ne vise à le gérer, le diriger ou quoi que ce soit. En aucun cas, je ne vise à laisser mon nom dans l’Histoire et cela ne me fait ni-chaud ni froid que de laisser mon nom dans l’Histoire. Pas du tout. Par contre, participer dans l’ombre et voir un Musée dirigé et porté par d’autres, cela me va parfaitement. J’ai envie de donner mon énergie pour faire sortir de terre et après on verra bien ce que cela deviendra demain. Je vois l’utilité et je veux absolument que ce Musée puisse exister.

On sent une culture antillaise. « La femme antillaise » qui éduque avec des valeurs bien tracées et bien claires. Est-ce que je me trompe en vous disant cela ? Est-ce que vous puisez beaucoup dans votre enfance et dans votre éducation.

Est-ce que l’on est capable de ne pas puiser dans son enfance. On ne peut pas échapper à son enfance. J’ai eu des parents enseignants avec une éducation ultra stricte. Je n’ai jamais fumé, ni bu. J’ai bu mon premier verre de champagne, j’avais 30 ans. J’ai été ultra-protégé par mes parents pour ne pas sortir, ne pas être victime de quoi que ce soit et j’ai été élevée dans la notion du travail, du travail et du travail. La réputation de l’éducation antillaise est une réputation d’éducation stricte. Une éducation dure, qui n’est pas systématique. Tout le monde ne l’a pas. J’ai fait le portrait de William Gallas qui avait été élevé dans une famille avec une éducation très stricte et une somme de règles à respecter qu’il faut respecter.

Je tiens un site sur le sport féminin. Particulièrement le football du haut niveau. Chez les féminines, j’ai trouvé une notion de performance et qu’elles exprimaient le football de manière différente. Une simplicité qui se perd un peu mais c’est normal car c’est de l’évolution. Qu’est-ce qui vous intéresse dans le sport féminin. Est-ce le mot féminin ? Ou est-ce autre chose ?

Voilà comment je me suis impliquée dans le sport féminin. Le CSA a un nouveau président qui s’appelle Olivier Schrameck. Il arrive et il me dit Kelly, je voudrais vous donner en plus des dossiers que vous avez, le dossier sport.

J’ai vu que le sport féminin n’avait aucune visibilité dans les médias alors qu’elles réalisaient des performances et qu’elles faisaient tout pour avancer.
Je me dis « Ahh, c’est quoi cela ! » Je suis sûr que vous saurez en faire quelque chose. J’ai regardé et j’ai vu que le sport féminin n’avait aucune visibilité dans les médias. Et c’est la raison pour laquelle je me suis lancée dans le sport féminin avec « les 24 heures du sport féminin ». Je n’ai pas de raisons particulières à m’adresser au sport féminin ni à en faire, sinon celle d’être dans l’action, de m’impliquer  et de voir là où il y a une faille dans la société et d’y remédier.

C’était une grande zone à investir et alors, vous avez raison, je suis tombé dans un monde de performance et aussi de valeurs. Un monde de femmes qui travaillaient dur et qui n’avaient pas du tout de reconnaissance. Sans visibilité ni sponsor alors qu’elles se bagarraient sur le terrain et qu’elles faisaient tout pour avancer.

Vous êtes une jeune femme, belle avec beaucoup d’à-propos. Vous avez connu beaucoup de personnes. Quelles sont les gens que vous avez rencontré et qui vous ont interpellé. Ne me dîtes pas Nelson Mandela, s’il vous plait.

Je ne l’ai jamais rencontré. Quelqu’un que je n’ai pas rencontré et qui m’a marqué, puisque cela a été votre réponse et pas votre question, C’est Oprah Winfrey, car c’est quelqu’un dont on ne connait rien de sa vie privée et cela j’adore. On la connait par son action, son travail, ce qu’elle fait. Et cela j’adore.

Oprah Winfrey est un modèle pour moi. Mais j’ai rencontré des gens simples qui m’ont bouleversé, femmes au Trofémina comme dans ma fondation K d’urgences
Deuxièmement, car c’est une femme qui a eu des difficultés personnelles. Elle a été violée. Elle attendait un enfant. Son enfant est mort au stade de la grossesse. Moi aussi, j’attendais des jumeaux et mes enfants sont morts à un stade avancé de la grossesse. C’est quelqu’un qui a une capacité de résilience et une intelligence pour avoir pu grandir dans le monde des médias. C’est quelqu’un qui a une capacité d’écoute et d’empathie auprès des autres et une grande humanité.

Après ceux que j’ai rencontré et qui m’ont marqué. Cela va du commun des mortels mais ce sont des femmes que j’ai rencontré lors du Trofémina. Je suis Présidente du Jury depuis plusieurs années, et chaque année on fait une sorte de speeddaiting de 10 minutes pour savoir un peu ce qu’elles font, dans la culture, dans les médias, l’hôtellerie, la restauration et je suis toujours subjuguée par le profil de ces femmes qui sont dans l’inconnue et le silence le plus complet, qui travaillent d’arrache-pied, qui se bagarrent et sans que l’on sache la façon dont elle travaillent et dont elles avancent, avec des postes importants parfois.

Second profil de femmes aussi qui m’ont marqué dans mon parcours, ce sont les familles mono parentales. J’ai crée une fondation « K d’urgences ». J’ai découvert des femmes dans la difficulté et depuis Elles, j’ai décidé de ne plus jamais me plaindre de ma vie. J’ai découvert des femmes qui sont très courageuses, qui élèvent un enfant seul. Qui n’ont pas d’argent et avec leur travail n’arrivent pas à donner à manger à un enfant. J’ai pleuré avec elles. J’ai rencontré des femmes qui se disent chaque matin, « j’ai plongé dans le regard de mon enfant pour ne pas me suicider ». Leur courage dans le silence le plus complet me donne une énergie incroyable pour me dire que je n’ai pas le droit de me plaindre. J’ai le devoir d’aider ces profils.

J’ai deux réserves. Je vous ai demandé des personnes et vous ne m’avez répondu que des femmes.

C’est volontaire et c’est ma réponse. Donc, il n’y a pas d’hommes qui vous ont impressionné. Non. D’ailleurs les familles mono parentales, ce sont des femmes. Non, c’est que vous parlez des familles mono parentales et j’ai moi, une famille mono parentale tout en étant un homme.

A 85% ce sont des femmes. J’ai rencontré beaucoup d’hommes mais ce sont surtout des femmes. Les hommes refont leur vie en moyenne au bout de 2 ans, les femmes au bout de 7 ans. Les hommes, c’est un autre profil. Certains m’ont marqué mais cela n’a rien à voir avec les femmes des familles mono parentales que je rencontre le plus souvent. Si je vous dis que ce sont des femmes qui m’ont marqué, c’est que ce sont des femmes (rires et sourires communs).

Est-ce que vous souhaitez que je pose une question que je n’ai pas posé. Je vous découvre, j’ai regardé ce que vous avez fait. Je vous trouve très intéressante. Je vous verrais bien dans la politique, même si la politique est dangereuse. J’ai une question sur la chaîne 23. Voulez-vous en parler ou non ?

(NDLR) La veille, la Chaîne 23 a été interdite de diffusion à compter du 30 juin 2016. Décision sanction prise par le CSA. A moins que le pacte d’actionnaire prévu ne soit pas mise en œuvre de la vente à NextRadio TV (Rmc) pour 88,5 millions d’euros suspectant une vente prévue à l’avance d’une autorisation obtenue gratuitement.

Je n’ai pas le droit d’en parler. Légalement, je n’ai pas le droit d’en parler car je suis encore sous l’année qui suit mon mandat au CSA.

(NDLR) Christine Kelly n’est pas concernée mais en tant qu’ancien membre du CSA, il était intéressant de lui poser la question. Elle est sous couvert d’une clause de confidentialité ainsi que d' »une clause de non-concurrence » qui lui interdit de travailler dans les médias pendant 12 mois après la fin de son mandat, rémunérée comme toute clause de non-concurrence.

J’ai quelque chose à dire.

Christine Kelly organise le Samedi 21 Novembre, une première associant l’Éducation aux médias avec des tables rondes de qualité au Studio Gabriel, pour échanger avec des professionnels
J’organise le Samedi 21 Novembre la journée « Education aux médias ». C’est la première fois où il y a une journée d’éducation aux médias par les médias. C’est la première fois qu’il se passe quelque chose pour la journée mondiale de la télévision. Personne ne sait que la Journée Mondiale de la Télévision existe. Cela sera au Studio Gabriel.

Jeune, moins jeune. Sportive, pas sportive. J’invite ceux qui connaissent les médias ou ne les connaissent pas à venir discuter, échanger, auprès de rédacteurs en chef, journalistes, présentateurs TV, patrons de chaîne, pour pouvoir discuter autour de quatre thèmes :

  • le terrorisme dans les médias,
  • la crédibilité des médias,
  • comment se fait l’audience dans les médias,
  • et à quoi ressembleront les médias de Demain.

Merci beaucoup. Cela a été un immense plaisir. Totalement partagé.

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Christine Kelly est une femme qui a tout d’une entrepreneure mais qui n’a pas voulu l’être car elle va vers des sujets sociétaux qui n’ont pas d’économie mais qui sont essentiels à la société. Dans ce cadre, sa philosophie d’action « de ne jamais douter en étant certaine d’arriver » est excellente, car elle doit convaincre des gens de pouvoirs de lui donner des moyens pour agir, construire et réparer la plaie béante de la société qui se forme, en mettant de côté, pour ces dossiers, la loi du marché : ce sont les clients qui font l’entreprise.

Exceptionnelle de force et de détermination. Précurseuse, elle est en avance sur son temps. Dans l’ombre, elle créera la lumière qui mettra en valeur les autres. C’est une femme très intéressante qui connait très bien la performance.

William Commegrain lesfeminines.fr