Dans cette zone mixte de Bondoufle, Jean-Louis Saez est heureux. Quatre fois il me tape sur la manche en disant « c’est super ! C’est super ! ». Le Bonheur est là, flagrant. Mérité. J’écoute et puis je revois l’environnement de son histoire avec le football féminin.

Une équipe de Montpellier qui avait un super passé en Coupe de France mais qui n’arrivait plus à lutter pour le championnat. Une équipe de Montpellier qui perdait quasiment tous ses matches face à Juvisy, équipe qui, à cette époque, était totalement amateur quand Montpellier était l’initiatrice du contrat fédéral dans le football féminin. Montpellier qui reconstruisait, avec cet homme qui venait du football masculin à la barre, quand sa meilleure joueuse au talent de compétitrice incroyable, signifiait sa retraite, Hodda Lattaf.

Alors là, cette victoire, c’est juste qu’elle le fait éclater de bonheur. Jean-Louis Saez est heureux. Simplement mais avec réalité.

Son bonheur ressemble à ce père de famille qui vient d’apprendre que son fils, sa fille a réussi un examen d’études important et que lui a vu, tout au long de ce parcours où les parents accompagnent les difficultés des enfants, les doutes et les interrogations légitimes sur la performance mais qu’il a pris sur lui, pour ne rien faire paraître, ou si peu. Pour donner le regard de la confiance et de l’espoir.

Et que là, à cet instant, voilà, la consécration est là. Positive. Forte. Sans tambour ni trompette. Mais réelle. C’est un sentiment nucléaire qui vous porte. L’idée de l’équilibre et de la séparation. L’équilibre du bonheur, la séparation qui montre que l’enfant n’est plus enfant. Il est autonome. Il a réussi. Il est fort. Et Montpellier est fort.

Ce sentiment dans cette zone mixte, potentiellement froide comme toutes les zones mixtes des stades dont on sait que l’heure suivante, plus rien ne restera, si ce n’est des murs dans un long couloir blanc, restera ancrée en lui, au plus profond comme un excellent souvenir. Un souvenir réchauffant. Une réalité de performance.

J’aurais pu écrire quatre matches et quatre victoires. C’est le constat que chacun peut faire. C’est la quatrième victoire de rang face à Juvisy, deux à domicile, deux à Bondoufle. Mais la vérité est ailleurs. Je ne crois pas que ce soit cette répétition de victoires, d’ailleurs les filles dans les vestiaires semblaient de plus en plus s’habituer à cette idée, ne bousculant la porte qui avait été le fois dernière, traumatisée, que pour fêter une victoire, un peu plus, mais sans plus d’excès.

Ce bonheur est ailleurs. Il est dans cette seconde place qu’il aurait dû perdre si la logique avait été respectée. Qu’il aurait dû perdre si le score de l’ouverture de Juvisy avait perduré. Il est dans cette victoire que les filles sont allées chercher, dans cette conquête. Il est surtout dans ce qu’il doit ressentir. Il est dans l’avenir.

Il sait qu’il a une équipe qui peut aller loin. Très loin. Il ne le dira pas. Je vous le dis, il est un peu comme ce père de famille qui accompagne. Surtout ne pas raconter trop d’histoires, même si elles sont possibles. Il a un âge où il a vu certainement l’impossible se réaliser.

Et l’impossible n’est pas si loin. Ces matches de l’an dernier où le souffle de l’orage présidentiel s’est pressenti avec tous ces matches nuls à répétition qui avaient bloqué l’équipe montpelliéraine vers la 6ème place. Ils n’étaient pas si nombreux à l’appeler pour l’interviewer et lui donner le crédit de la parole. Il s’en était sorti sur le fil face à Guingamp et il avait pesté contre le départ de sa meilleure joueuse, Claire Lavogez, qui le ramenait à la difficulté de la saison écoulée alors que Montpellier avait superbement terminé et fait une des plus belles finales de Coupe de France face à l’Olympique Lyonnais en menant 0-1 à la mi-temps.

Il a vu que l’impossible était possible.

Alors là, son bonheur est d’autant plus grand. Avec une moyenne d’âge de 22 ans, avec une Kelly Gadéa qui a un mental d’acier, avec une Sakina Karchaoui (19 ans) qui a toutes les qualités pour postuler à l’équipe de France, avec une Virginia Torrecilla (21 ans) qui s’est intégrée encore plus vite que Sofia Jakobsson, avec une Marie Charlotte Léger (19 ans) qui ne s’arrêtera que lorsqu’un mur lui demandera de s’arrêter, avec une Sofia Jakobsson qui possède une puissance athlétique qui pourrait lui donner le droit de courir un 400 mètres olympique ; il a sous les yeux, du talent, que du talent.

Il est heureux comme un chercheur d’Or qui vient de trouver le filon et qui se dit : « Pourquoi ? » … Sans terminer la question. La réponse vient de l’émotion : « Mais quel bonheur ! Simplement quel bonheur ! »

Montpellier est heureux. Montpellier a du talent. Montpellier a de la confiance. Mais Montpellier n’est pas Lyon. « Pas encore ». C’est ce que doivent penser les jeunes de Montpellier. Je vous le dis : « Seul un mur pourra les arrêter ».

Montpellier est second du championnat et vient de gagner son deuxième obstacle, en améliorant son résultat : match nul face au PSG, victoire face à Juvisy. Les deux à l’extérieur.

William Commegrain lesfeminines.fr