Elles sont rares les coaches féminines en football féminin. Certaines saisons, il n’y en a aucune. D’autres, elles sont plus nombreuses. En 2015-2016, elles sont deux : l’une a fait une superbe saison en 2014*2015 (5ème place touchant la 3ème), il s’agit de Sarah M’Barek sous les couleurs guingampaises depuis trois saisons, en cours de formation de son DEPF (diplôme d’entrainement professionnel de football) ; l’autre concerne Malika Bousseau, coach de la Roche sur Yon, équipe montante de D2, 1ère de son groupe et qui présente un profil rare : coach de D1, et entrepreneuse dans le domaine de la métallurgie, à la tête partagée d’une PME.

Après sa victoire face à Soyaux et trois buts dans le dernier quart d’heure (1-3), elle vous livre ses réflexions qui montrent toute la difficulté de « ce métier ». 

Toute la difficulté de ce métier : « Jouer en D1 quand tu viens de D2 ».

Cette victoire face à Soyaux, elle fait du bien (2-3) ? Ca fait du bien dans les têtes moralement, après 3 défaites.

N’était-ce pas le prix à payer de la découverte de la D1 ? On avait Juvisy dans le lot et les deux autres ont été les découvertes de la D1 (Albi et Rodez). Il y a un niveau qui est complétement différente de celui de la D2. Entre la D1 et la D2, il y a une différence de niveau énorme. Il faut se mettre à ce niveau là, et cela ne vient pas tout seul.

Vous pensez que cela va créer une dynamique positive. Car vous avez deux gros derrière qui viennent et la difficulté pour les équipes de D2 qui montent, c’est le passages des gros car les score lourds qui peuvent être pris laissent des marques.

Le souci, c’est que l’on ne joue pas dans la même cour. On a un championnat, il y a des matches pour lesquels il faut gagner contre des concurrents directs et les grosses cylindrées, ce n’est pas le même niveau. Il faut se sortir de ces matches pour tendre vers le mieux de ce qui se fait dans le football féminin français.

Quel est votre sentiment sur la D1, vous en tant que coach, elle parait plus homogène qu’avant.

La D1 c’est un autre monde. En à peine, 1 mois et demi, il faut que l’on se mette à ce niveau là !
Le niveau est de plus en plus élevé. Il y a toujours Lyon et le PSG qui sont différents à l’intérieur. Des clubs comme Juvisy sont historiquement toujours à un très bon niveau. On voit que Montpellier avec la formation arrive. Elles font un très bon début de saison. Le niveau est plus élevé et en venant de la D2 .. on n’est pas préparé à un tel niveau. C’est un autre monde. En à peine, un mois et demi à deux mois, il faut que l’on se mette à ce niveau là ! Il faut que l’on bosse et que l’on continue à bosser sans relâche.

C’est pas plus mal de prendre les gros dès le début (La Roche va jouer Montpellier et Lyon dans les prochaines journée).

Je ne sais pas. Il faudrait faire une analyse là-dessus. Prendre les gros dès le début, on peut s’en servir comme matches amicaux. Mais mentalement, cela peut faire mal aussi. Vous ne prenez pas de points et à la fin, quand vous avez besoin de points, c’est plus difficile. Je ne sais pas. D’une manière ou d’une autre, il faut les jouer. On a ces filles là, elles sont dans notre championnat. Il faut tout faire, car dans le foot, on ne sait jamais ce qui peut arriver.

Justement gagner à Soyaux ! Cela fait deux ans qu’elles sont sixièmes. Elles étaient bien parties pour monter à la 5ème place. C’est quand même une sacré performance que de marquer trois buts. A mon avis, cela reste dans les mémoires.

Je pense que Soyaux fait partie de notre lutte pour le maintien. Bien qu’ils aient plus d’expériences que nous depuis deux ans. Nous sommes deux clubs qui se connaissent depuis très longtemps. Dernièrement, cela nous réussit, donc c’est tant mieux. Je pense que ce sont des équipes vers lesquelles on devrait tendre pour accrocher ces équipes là.

Vous aviez fait un beau match amical contre Juvisy (1-2) en début de saison.

On a fait un beau match amical mais avec un handicap car on n’a pas le même niveau. Mais sur les deux autres, on n’avait pas mis les ingrédients qu’il fallait pour faire quelque chose.

Les filles dans quel état d’esprit sont-elles ? Moi j’échange plutôt avec les coaches. Ils disent souvent que ce n’est pas si facile que cela de jouer la D1 et en même temps, c’est un rêve. C’est un peu pareil au niveau de la Roche ?

C’est ce que je dis aux joueuses. c’est une chance que de jouer la D1, il faut travailler pour y rester !
C’est ce que je n’arrête pas de leur répéter. C’est déjà une chance que de jouer à ce niveau là. Il y a quelques années, on arrivait très vite au niveau de la D1 si on avait un beau niveau. Pour jouer en D1, il faut beaucoup s’investir et beaucoup donner. Il faut apprécier ce niveau où elles sont et travailler pour y rester.

Je pense que vous êtes favorables à ce changement qui est en train de se configurer avec deux clubs qui descendent pour deux clubs qui montent.

Oui, c’est plus favorable car trois, c’est beaucoup. Je suis favorable aussi à deux groupes en D2. Cela permettra de resserrer l’élite et de permettre à l’équipe qui monte d’être mieux préparé de la D2 vers la D1. Le problème qui se pose, c’est que les équipes de D2 qui arrivent en D1 ne sont pas préparées à ce championnat là. C’est pas facile ou sinon, vous recrutez une dizaine de joueuses. Voilà, ce n’est pas la philosophie du club.

C’est impossible car pour recruter de D2 en D1, on n’a pas spécialement de moyens. Il faut trouver une offre autour et trouver de l’emploi ou de la formation pour trois à quatre personnes, c’est envisageable mais pour dix, cela parait impossible.

Au delà de cela, les joueuses ne veulent pas aller sur un club .. On ne sent pas un engouement sur un club qui monte. Il faut faire ses preuves pour pouvoir attirer des joueuses.

Les françaises ne sont pas très mobiles.

Elles ne sont pas forcément mobiles. Je pense aussi que les joueuses doivent réfléchir. Car à part, deux gros clubs qui proposent des choses très intéressantes voire d’autres qui deviennent très bien ; les autres clubs, vous avez votre vie professionnelle et familiale à côté. Il faut réfléchir avant de déménager et surtout il faut trouver un club qui apporte quelque chose.

Comment pourrait-on résumer l’état d’esprit de la Roche sur Yon ? Quels sont les mots que vous voudriez entendre par rapport à l’état d’esprit de la Roche sur Yon.

La Roche sur Yon est un club qui travaille pour se maintenir. On bosse !
Nous, on bosse. On travaille. Trouver toujours cela. Combattre pour rester à ce niveau là. Le haut niveau c’est une mentalité. Pour aller chercher des résultats. Il faut s’arracher pour rester à ce niveau là.

Vous avez déjà des souvenirs positifs. Avoir vu des joueuses évoluer et s’améliorer. Constater que cette joueuse joue le jeu et arrive au niveau attendu ? 

La défaite face à Rodez nous a fait très mal. On a bossé pendant 15 jours. Et voilà. une première marche d’un escalier … long !
Je pense que j’ai un groupe, je ne peux même pas parler d’individus. Notre défaite face à Rodez nous a fait mal (0-3). Ce que je retiendrais, c’est que le groupe est resté pendant 15 jours à bosser. Et voilà. Elles ont été dans notre sens. On a fait une marche d’un escalier qui est long.

C’est à mon avis très fatiguant pour un coach de gérer une année de D1.

Cela prend énormément d’énergie. Il y a des matches de Coupe  à chaque instant. On a deux championnats en un. C’est une débauche d’énergie énorme. Vous pouvez être Lyon ou le PSG, ca passe différemment car je pense que c’est un autre travail, des entraîneurs différents car ils ont autre chose à gérer. Nous on doit emmener les joueuses que l’on a et c’est passionnant aussi.

Oui, car on ne sait jamais si cela va marcher. On est vraiment sur le fil.

Voilà, c’est quitte ou double. Il faut savourer. Les défaites ne sont pas faciles à encaisser. A ce niveau là, il faut mettre tous les ingrédients pour ne rien regretter.

J’ai lu que vous étiez aussi dirigeante d’une PME.

J’ai une entreprise à côté, c’est exact.

Vous avez un profil plutôt rare en France. Sans en rajouter. Entrepreneur, ce n’est pas si courant. Femme-entrepreneur, on commence à limiter. Et enfin dans la métallurgie. Là, vous êtes unique !

(sourire) C’est une activité qui prend beaucoup de temps, c’est vrai. Je pense que je m’y retrouve, bien que cela ne soit pas toujours facile. Mon métier d’à côté me permet d’avancer dans le foot et le foot me permet d’avancer dans mon métier. Il faut, à un moment donné, ne pas se poser de questions et aller de l’avant. C’est un projet et il faut mettre tout ce que l’on a dans le ventre pour pouvoir y arriver.

Marier les deux ! je vois bien des salariés le faire. Mais des entrepreneurs-coaches, s’investir au haut niveau. C’est rare.

Entrepreneur-coach, cela demande beaucoup d’énergie mais je suis dans un club avec lequel je m’entends vraiment bien.
Après, je suis dans mon club de formation. Cela serait certainement difficile de le faire dans un autre club. Je connais bien les gens et le club et cela me permet de m’appuyer sur les bonnes personnes et aussi le club me fait confiance. Entre les dirigeants des clubs et moi, on s’entend vraiment bien. Ce qui me permet, de travailler dans de bonnes conditions.

Vous êtes un peu comme dans votre entreprise ou avec des clients avec lesquels vous vous entendez bien.

Voilà, c’est cela et tant que ce moteur là fonctionne, cela permet à un moment donné de passer certaines barrières et d’avoir l’énergie qu’i faut avec car ce n’est pas tout le temps facile.

J’imagine que c’est même très difficile car il faut trouver les deux personnages et ce n’est pas si simple que cela. Félicitations. Je vous souhaite le meilleur, bien que je le souhaite à tous les coaches, mais c’est tellement sur le fil que l’on ne sait jamais qui, malheureusement, va descendre, et chacun essaye de se battre avec ses moyens tout en respectant les règles.

Voilà, on verra à la fin de saison.

Bonne chance, bon vent et bonne route.

William Commegrain lesfeminines.fr