L’AS Saint-Etienne fait partie des clubs professionnels qui ont fusionné avec un club de D1 (RC Saint-Etienne) sans pour autant casser sa tirelire et avoir la tête dans les étoiles. Pragmatique, les stéphanois proposent aux féminines la compétence de leur encadrement et laisse le jeu réaliser sa différence en ayant pour seule limite des deux présidents, « de ne pas descendre en D2 ».

Hervé Didier, le coach des féminines de l’ASSE, maintenue au plus haut niveau depuis 2007 est un des seuls coaches qui peut mesurer l’évolution du football féminin en étant dans une équipe du milieu de tableau, sans plus de moyens que les autres.

Il vit les saisons les unes après les autres, sans se faire une gloriole de ce qui pourrait être considéré comme une performance avec cette 9ème saison qui démarre. « Je ne saurais vous dire depuis combien de temps nous sommes en D1« . En football féminin, en dehors des cinq premiers, on ne reste pas longtemps dans l’élite.

Le premier regard est plutôt positif avec « une plus grande qualité des joueuses », l’association réussie entre le « RC Saint-Etienne et l’As Saint-Etienne (2010) » et « l’image du football féminin qui reste moins critiquée grâce à l’équipe de France et à ses succès » mais comme tout revers a sa médaille, il note l’implication bien plus grande d’agents « qui exigent pour des jeunes filles de 18 ans, sans passé et sans raison, de demander un contrat fédéral « parce que les lyonnaises et les filles du PSG sont payées« .

En oubliant que les clubs, même professionnels, n’ont que quelques contrats fédéraux, plutôt rares et tournés vers des profils d’expérience ou des situations professionnelles qui l’exigent le tout encadré par un budget de 400.000 € qui n’a aucune raison d’augmenter de manière brutale compte tenu que les enjeux sont ouverts seulement aux deux grands clubs de l’élite et qu’il ne reste rien pour les autres. « Alors pourquoi augmenter un budget nécessaire par ailleurs dans le football masculin qui s’équilibre difficilement pour une 3ème place sans enjeu comme une finale de Coupe de France non gagnée. »

Si le coach comprend « l’aide financière« , le chaudron stéphanois a toujours eu un côté pratique développé, région populaire où l’argent ne peut venir qu’en contrepartie d’une réalité, réalité qui n’existe pas dans le football féminin puisqu’aucun retour financier n’est envisageable pour un club professionnel qui prend en charge des salaires.

Et la course entamée par l’Olympique Lyonnais et le Paris Saint Germain, avec leur contrainte d’image comme européenne, a crée un tel précipice qu’il est inutile de les suivre, même avec une troisième place européenne qualificative. Il n’y a aucun équilibre économique à attendre et les enjeux masculins sont si importants que les amputer génèrent un risque inabordable. Le moindre mouvement en L1 ayant des conséquences exponentielles sur la performance d’un club.

Tout le monde n’a pas l’envie ou les moyens de l’Olympique Lyonnais et du PSG sans pour autant ne pas vouloir donner un coup de main au football féminin. Saint-Etienne se porte donc très bien avec son budget de 400.000 € et voit bien que si la D2 s’organise, elle n’enclenche pas plus de contrats fédéraux que cela (3 pour l’OM source footofeminin et blogOmféminine) et ce, pour des joueuses de renommées certaines.

Saint-Etienne attire des profils pour des raisons de performance. 

Pourtant depuis deux saisons, les résultats sont plus que délicats avec un maintien qui s’est joué sur le fil du rasoir en 2013-2014 et une 8ème place la saison dernière. Pour autant, Hervé Didier supporte très bien la comparaison et propose aux joueuses les sollicitant de jouer dans un club qui, en terme de compétition et de performance, « peut même supporter la comparaison avec Montpellier et ses 4è et 5è places puisque la vitrine des Amazones possède une Coupe de France (2011) et une finale face à l’Olympique Lyonnais (2013) ».

Pour avoir eu quelques discussions en la matière, j’avais noté que la recherche essentielle des joueuses tournaient autour de la progression individuelle et quand j’aborde cette idée avec Hervé Didier, il confirme « cette implication différente de celles des garçons »  que tous les coachs restituent mais rajoute, quand je lui demande comment il peut mesurer cette progression, « la mise en place, en plus des entraînements quotidiens, de rencontres individuelles pour, sur vidéo, montrer la progression « avant » et « après » dans un comportement, un appui, une orientation dans le jeu, la lecture du jeu adverse comme l’interception » avec l’obligation que l’information vienne d’abord de la joueuse plutôt que du coach, pour travailler « la confiance » et qu’elle améliore son apprentissage individuel « afin de savoir elle-même ce qui a bien fonctionné et pourquoi ». 

On ne peut pas terminer cet entretien sans revenir sur les deux dernières saisons, si difficiles pour « les amazones ». Si le passé est le passé, il est aussi source d’enseignement, et Hervé Didier me précise que « c’est après une somme de petits détails que la dernière saison a été sauvée avec sur la seconde partie de saison,  une 4è place du championnat ».

Il a fallu « surprendre, changer les routines, pour ressortir de la spirale négative qui s’était instaurée et dont on ne sait jamais réellement comment sortir ». Les pistes de solution ont été multiples pour compenser « ce coup du sort » qui pouvait venir d’un excès de confiance après les performances en Coupe de France, et même la simple solution matérielle comme le fait de prendre un bus « comme les grands » plutôt que de partir « dans les mini-bus habituels » pouvait être un élément favorablement déclencheur associé à d’autres « qui concernait tout le groupe, car une équipe c’est un groupe ». 

Au final, cette année s’annonce plutôt positive avec un mariage entre anciennes et plus jeunes qui lui fait dire que « l’équipe est quasiment prête » pour le 30 Août prochain face à Juvisy, pour un match qu’il qualifie « de bonus » et dont l’intérêt essentiel sera d’être un premier indicateur pour la saison.

Et quand on lui rappelle que la difficulté des clubs du milieu de tableau c’est de pouvoir créer de la concurrence à chaque poste, il répond qu’il faut bien constater que « certaines joueuses ne pratiquent pas les règles du  haut niveau que leur talent pourrait justifier et imposer » ; et que « la concurrence est un état d’esprit que les joueuses demandent mais aiment rarement subir ». Là, il sent un groupe réceptif avec des possibilités pour pouvoir attiser les joueuses dans les moments utiles.

C’est avec sérénité mais aussi avec humilité qu’il attend cette nouvelle saison ayant toujours à l’esprit les deux dernières saisons et quand j’interviens pour lui dire que c’est aussi une arme et une performance que de savoir revenir de la ligne rouge de la descente que les autres n’ont peut-être pas. Il en convient mais finit avec raison : « aucune raison et aucune envie de revivre ces moments-là ! »

L’objectif est donc le même : Etre en D1 et bien y être. Le maintien, le plus tôt possible et une belle performance en Coupe de France. Sans rien demander de plus ni de moins aux professionnels de l’ASSE. Commentant les venues des Girondins de Bordeaux ou du Losc en D2 : la montée en D1 ne sera pas nécessairement Demain. « Paris ne s’est pas fait en 1 jour« , concluera-t-il.

Il ne parlait pas du PSG, car effectivement, le PSG s’est fait en très peu de temps (3 saisons pour s’imposer en France et exister sur le plan européen) mais avec quels moyens et quelle compétence.

William Commegrain lesfeminines.fr

Inutile de copier le PSG. La ressource est rare, quasiment tarie ou à des prix excessifs  ; et pour l’instant, l’objectif n’est pas encore atteint. L’Ol tient encore la corde.