Les anglaises ont inventé un nouveau football en gagnant cette 3ème place mondiale face à l’Allemagne pour une victoire historique rappellera Denis Balbir sur W9. Une première victoire depuis 20 rencontres. Dans le pays des bookmakers, cela a dû faire quelques heureux !

Ce football ressemble à la défense d’une ligne de rugby où l’avantage pris par un adversaire est coupé immédiatement par une anglaise, puis par une autre, le plus près possible du porteur de ballon pour lui retirer toute envie de « lever le nez » et de voir automatiquement les espaces libérés. A ce jeu, les allemandes se sont empêtrées, voire engluées dans une défense centrale anglaise qui s’est faite un bonheur d’aller chercher des tacles impossibles signés Laura Bassett (31 ans, 57 sélections) bien remise de son csc à la 92′, comme de la capitaine Steph Houghton (27 ans, 60 sélections).

Inutile de chercher les occasions de Célia Sasic en première mi-temps, elles n’ont quasiment pas existé à part un duel perdu face à Karen Bardsley (30 ans, 50 sélections) alors qu’idéalement servie par la jeune Lena Petermann (21 ans, 4 sélections), et sa présence en 9 1/2 n’a donné aucune solution réelle, si ce n’est une domination allemande stérile.

Pourtant, comme on commence à en avoir l’habitude dans ce mondial, ce sont les dix premières minutes qui auraient pu permettre d’ouvrir le score avec une tête cadrée de Petermann (1′) et un sauvetage sur la ligne de la capitaine anglaise Houghton (8′), le but grand ouvert. Sinon, l’excellente Dabritz (20 ans, 20 sélections) a apportée beaucoup sur les côtés et sa tentative contrôle poitrine, demi-volée aurait pu connaître un meilleur sort (18′).

Ce football-rugby se transforme en attaque percutante en partant de la défense pour trouver un appui qui ensuite libère les côtés qui s’engagent comme des trois-quarts pour aller chercher la ligne d’essai et centrer. A ce jeu, Lucy Bronze a été impériale sur le côté droit et le combat avec l’allemande Tabea Kemme (23 ans, 18 sélections) fut à lui tout seul une histoire. Peut-être l’histoire de ce match.

Ainsi à la 12′, et pendant les 10 minutes qui suivirent, l’Angleterre nous montra qu’elle savait passer d’une longue période défensive à une phase offensive percutante avec un déboulé sur la droite de Lucy Bronze qui trouve dans un plat du pied, pleine surface, sa capitaine Houghton, montée pour un tir contré qui aurait mérité un meilleure sort.

Une première mi-temps allemande où l’Allemagne comprend que les anglaises ont une culture anglaise des années 80. Kick and Rush. Tout le monde en mouvement vers l’avant. avec une balle en défense qui « Kick » très rapidement.
C’est sur ce côté gauche allemand et droit anglais que l’on verra des oppositions de caractère « très saillantes » et quand Tabea Kemme monte, elle se « frotte » à Lucy Bronze, les deux se rendant la pareille pour voir même, la grande Jill Scott, auteur d’une infatigable performance, suivra en vitesse, ce qui n’est pas rien comme performance, Simone Laudehr, pour s’écrouler toutes les deux à 25 mètres des buts anglais.

L’Angleterre défend. L’Allemagne attaque. Puisque rien n’est marqué, on dira que l’Angleterre défend bien quand l’Allemagne attaque mal. C’est avec ce sentiment que les anglaises ont repris la partie et, c’est avec surprise que l’on a pu voir, sur la ligne du milieu de terrain non pas quatre anglaises … mais sept, pas moins, prête à partir à l’attaque, avec cet esprit très anglais « COME ONNNN! ».

Ce fut le contenu de toute la seconde mi-temps et des prolongations ! D’un côté comme de l’autre.

Tout d’abord, on a eu droit à une forte présence allemande avec une très belle occasion de Dabritz (53′), servie par Sasic qui reprend de volée le centre, s’imposant à Lucy Bronze, pour voir la gardienne anglaise faire le deuxième grand arrêt du match quand Nadine Angerer en était à jouer un rôle de libéro, typique du football féminin quand son équipe domine. Puis, à la 60′, c’est une tête de Simone Laudehr qui oblige la gardienne à s’employer. Enfin, à la 69′, c’est l’intenable Kemme, latérale qui pique à l’intérieur pour placer une droite qui finira à un souffle du poteau anglais. Les 1m82 de la portière anglaise n’étant que spectatrice d’un but ouvert.

Cela semble tourner en faveur des allemandes qui ne savent pas encore ce qu’est le « football-rugby ». un total engagement.

Lucy Bronze fait un déboulé sur les côtés pour piquer intérieur, sa spécialité. Elle trouve la petite Eniola ALUKO (93 sélections) tout juste entrée, qui fort de son expérience glisse une balle magnifique à Jill Scott, encore montée et présente, pour la voir refuser ce que les anglais savent faire le mieux, rouler à gauche !

La voilà qui veut se mettre sur son pied droit, peut-être un futur contrat en Europe, pour voir l’essaim allemand fondre sur elle, et lui retirer le sucre d’une telle action : la balle et l’occasion de but. Nous sommes à la 76′ et nous sommes pas loin d’avoir vu la plus belle occasion du match. Elle est anglaise.

Le dernier quart d’heure sonne la charge anglaise. Buckingam Palace a envoyé l’esprit des gardes. Sauvons la Reine. Tel est le combat.
A la 81′, c’est une musique allemande qui est jouée et Anjà Mittag, servie par Kemme, manque l’immanquable ! le spectateur allemand s’insurge sur son siège quand il bloque sa respiration en voyant Aluko griller la politesse à Peter, lui rappelant que les autoroutes allemandes n’ont pas de limite de vitesse, pour buter contre Nadine Angerer, capitaine courage, qui reste au sol pour souffler après cette charge anglaise (86′).

A la 90′ comme à la 92′, ce sont encore les anglaises qui sont au feu, à Edmonton en plein Canada, et on entend au loin les cris des Royaux Babies du Prince William qui apprennent le God Save the Queen que l’Angleterre a entonné depuis bien longtemps.

(0-0) à la fin du temps réglementaire. Face à l’Allemagne, 1ère mondiale, c’est un exploit. 20 ans de défaites. Cela mérite bien une pinte. Les pubs ne désemplissent pas. 

Dans cette partie où on ne compte plus les corners, dix pour l’Angleterre, onze pour l’Allemagne, rien ne se joue sur coup de pied arrêtés mais tout se joue dans l’action, au bout du pied, au bout de l’envie, au bout de l’effort.

Personne ne montre de signes de fatigue pour ce qui est un 7ème match quand même et la tête d’Houghton (95′) recoit la réponse de Leupoltz (95′). Entre les deux, il y a 100 mètres. cela va d’un but à l’autre. « Box to Box » est le terme consacré. Chez les hommes, les joueurs capables de le faire sont rares. Dans cette finale, les filles l’ont fait.

Comme prédit, la différence se fera sur ce fameux coup de sifflet. Pénalty.
Et ce qui devait arriver .. arriva ! L’arbitre désigne le point de pénalty sur une faute grossière de Kemme, totalement dans le match qui fait un mouvement d’épaule dans la surface sur l’entrante Lianne Sanderson (48 sélections) que Frédérique Jossinet ne dédaignera pas.

Penalty. Nous sommes à la 112è. Et là, Fara Williams, 146 sélections, 31 ans, 39 buts, se pose. En face d’elle, il y a Nadine Angerer qui en a arrêté quelques uns. Son pied ne tremble pas. Ras de terre, croisé, au fond. La fille courre. Elle ne s’arrête pas. Elle crie et son doigt va vers le banc, le coach. Elles sont en train de faire l’impensable. Une médaille ! Face à l’Allemagne.

L’Angleterre est debout. Les Royaux Babies marchent. Ils chantent même. De Paris, on entend distinctement les chants. 30 kms de Manche, un peu de vent. Beaucoup d’imagination. Et quelle vérité. L’Angleterre, 3ème aux mondiaux. Félicitations, tout simplement. L’aviateur Mark Sampson est dans les étoiles. Pas sûr qu’il y croyait tant que cela quand il avait dit « on vient gagner la Coupe du Monde ». Bon, une médaille, pas mal.

Il reste toujours l’occasion qui aurait pu tout faire basculer. Elle reviendra à Bianca Schmidt (116′) qui d’une tête plongeante aurait pu égaliser. Là encore, personne pour reprocher. Tout le monde sait qu’à cet instant de la partie, les gestes et les intentions ne sont jamais les mêmes. Les prolongations, les tirs au but, tout cela est quasiment en dehors du football.

D’ailleurs Corine Petit, au commentaire, joueuse en exercice, se contentera de voir l’opportunité.

Reste le coup de sifflet final et les course des anglaises ressemblent à celles qu’elles n’ont jamais vu mais qui fait partie de leur histoire Olympique. Sébastien Coe et Steve Owett. Sous la même bannière du Royaume-Uni mais différent. Une interprétation réelle des « Chariots de Feu ».

Le Gallois Mark Sampson fait gagner l’Angleterre. Ce n’est pas rien comme phrase.
Le Gallois Mark Sampson fait gagner l’Angleterre. C’est pas rien comme mots. C’est tout le charme du Royaume-Uni. Ne venez pas pour gagner la Coupe du Monde, déjà que vous l’avez prise à Jean Bouin en Rugby en 2014. On va vous interdire le voyage en vous bloquant à la frontière, pour raison de santé. Vous en avez trop.

L’Angleterre. On n’oublie pas que vous nous avez donné un coup de mains pour que l’on se qualifie pour les JO de Rio. Alors vraiment, vous avez fait une belle Coupe du Monde.

Congratulations.

William Commegrain lesfeminines.fr