Bernd Schröder. 44 ans dans le football féminin. Coach du FFC Turbine Potsdam. Interview lesfeminines.fr

Bernd Schröder. 44 ans dans le football féminin. Coach du FFC Turbine Potsdam. Interview lesfeminines.fr

Interview exclusif de Bernd Schröder, coach du FFC Turbine Potsdam depuis 1971 .. et qui a 72 ans, prépare sa dernière saison à la tête du club de l’ex-Allemagne de l’Est, qui a gagné une Champions League en 2005, finaliste en 2006 et à nouveau vainqueur en 2010 face à l’Olympique Lyonnais, pour redevenir finaliste en 2011 face au même adversaire, et voir l’olympique Lyonnais remporter son premier titre européen.

Comparé à Uli Hoeness (ancien grand joueur, Président du Bayern de Munich) et sa verve directe, appelé Outre-Rhin le « Bud Spencer » du football féminin pour son physique, l’Ours allemand, ancien gardien de but, épisodiquement sélectionneur de l’ancienne Allemagne de l’Est, berceau allemand du football féminin, possède dans les yeux et le visage, le livre de la Vie, la sienne, celle des Autres, de toutes les féminines qui sont passées à Potsdam, souvent des connues, voire des très connues.

Cet homme sait des choses. Dans le football féminin, ils sont rares et se respectent.

Gerd pour les féminines. En Ligue des champions, Turbine Potsdam a plusieurs fois joué contre des équipes françaises. Quelles ont été vos impressions ? 

Bernd Schröder : Nous avons joué des matches de qualités différentes portés par nos succès contre Lyon et contre Juvisy. On a remarqué qu’il y a deux philosophies bien différentes au sein de ces clubs.

Juvisy étant plus proche de nos idées, tandis que Lyon était déjà porté par le grand club masculin de l’Olympique Lyonnais qui a développé une toute autre philosophie.

Avec Lyon et Juvisy, on a vu que les équipes françaises étaient capables de tenir le coup face aux équipes allemandes.
Je crois que sur le plan de la performance, nous avions eu une situation plus facile avec  Juvisy. Elles ont fait un bon match et elles avaient quelques internationales. Naturellement elles étaient très ambitieuses, et selon leur philosophie elles ont joué avec « cœur et passion » pour leur club. Avec Lyon on avait plutôt l’impression qu’elles se sont plus dirigées vers le professionnalisme, avec des joueuses d’autres pays.

Lyon a vécu ces grands événements de la Finale de la Ligue des Champions en 2010 comme en 2011. A ce moment là,  on a vu que les équipes de pointe en France étaient capables de tenir le coup contre chaque équipe allemande, bien que cela différait selon la saison, la forme du moment, mais je pense qu’avant, on n’avait pratiquement rien entendu des clubs français en ce qui concerne le foot féminin.

Cela a changé avec les matchs de Turbine Potsdam contre Juvisy et contre Lyon.

Q. : Les féminines. L’été dernier a eu lieu à Potsdam un match amical contre le FCF Juvisy, avec un match nul. Est-ce que vous préférez jouer contre des équipes françaises? 

Turbine a déjà joué contre Malmö et Rosengard, comme contre beaucoup d’autres équipes européennes, notamment aussi contre des équipes de l’Europe de l’Est et je crois que l’on peut dire qu’en France, porté par les succès du foot masculin, on a développé pendant des années une certaine façon de jouer qui est intéressante pour nous.

En plus il est important de voir où nous sommes, où nous devons encore nous développer et pour cela actuellement ce sont les équipes françaises à qui on doit se mesurer.

Q. : En France il y a beaucoup de gens qui attendent qu’après la Coupe du Monde en 2011, les Jo en 2012 et l’Euro en 2013, l’équipe tricolore va enfin devenir championne du monde. Comment voyez-vous les chances de l’équipe de France au Canada ? 

Je pense que pendant ces dernières années et notamment pendant les deux dernières années, l’équipe de France s’est bien développé et s’est approché des meilleures équipes du monde.

La France doit être normalement dans les quatre dernières équipes au Mondial
Je crois aussi qu’il sera très important pour le foot féminin en France, si oui ou non, l’équipe ait du succès lors de la Coupe du Monde. Je suis confiant qu’elles seront parmi les quatre meilleures équipes ce qui n’a rien de particulier parce qu’ elles avaient déjà atteint cela. Pour moi, la France est un des favoris pour devenir Champion du Monde.

Q. : Quel rôle jouera le fait de jouer sur synthétique ? 

En premier lieu, cela sera un changement pour les équipes qui ne connaissent pas bien le synthétique.

Le synthétique ne posera pas de problèmes aux européennes.
Mais les équipes européennes que sont l’Allemagne, la France, et bien sûr aussi la Norvège et la Suède, sont accoutumées au synthétique. En hiver, dans les pays scandinaves on joue très souvent sur un synthétique.

Pour les autres équipes venant par exemple de l’Australie, de la Thaïlande ou de la Corée du Sud, cela pourrait leur poser des problèmes, tout simplement parce que dans leurs pays elles n’ont pas tant de possibilités de jouer sur un gazon synthétique. Je crois que le synthétique pourrait être un avantage pour les équipes européennes.

Q. : Au Canada il y a parmi les 23 joueuses allemandes, 3 joueuses qui évoluent actuellement à Potsdam. Cinq autres joueuses ont lors de leur carrière déjà joué pour Potsdam. Comment voyez-vous le fait que Potsdam ait contribué au succès du foot féminin allemand ? 

Depuis des années nous avons le fait d‘avoir un nombre important de très bonnes internationales qui jouent pour Potsdam. Si Lira Alushi (Bajramaij) ne manquait pas (maternité), cela aurait été une joueuse de plus.

Turbine Potsdam a beaucoup fait pour le développement du football féminin allemand
Je suis convaincu que nous avons fait beaucoup pour le foot féminin allemand, pas seulement pour les féminines A, mais aussi pour les jeunes joueuses.

Turbine a six ou sept joueuses qui participent à l‘Euro U17 féminin, trois joueuses qui participent à l‘Euro U19, lors de la coupe du Monde U20 au Canada en 2014, il y avait aussi trois joueuses de Potsdam. Je crois que pendant des décennies notre club a contribué énormément au développement du foot féminin.

Q. : Cinq joueuses allemandes ont évolué au Paris Saint Germain lors du dernier championnat. Est-ce que vous croyez qu’il y aura encore d’autres qui suivront ? 

Il y a des motivations très différentes pour que des joueuses quittent l’Allemagne et évoluent dans d’autres clubs. Nous savons qu’il y a, en ce qui concerne Lyon ou le PSG, des raisons différentes qui incitent les joueuses à jouer pour un des ces deux clubs. Les permières auprès du Paris Saint Germain étaient Linda Bresonik et Annike Krahn.

Au début on ne savait pas comment cela allait se développer. A un moment quand les premières joueuses vont dans des clubs qui ont du succès on ne peut pas empêcher qu’il y en ait bien d’autres qui suivront, tout comme le foot masculin.

Pourquoi prend-on la décision d’aller d’un club vers un autre ? C’est la question principale de la mobilité des joueuses.
L’important c‘est toujours: pourquoi est-ce qu’on prend cette décision d’aller d‘un club à un autre ? On ne va pas à Juvisy et on ne va pas à Montpellier ou ailleurs, on choisit les clubs de pointe. Pourquoi ? Probablement parce qu’on touche un peu plus d’argent que dans des situations comparables en Allemagne, mais nos joueuses peuvent aussi « s’acheter un menu » dans un restaurant.

On sait que les clubs français, pendant ces dernières années, étaient toujours parmi ceux qui ont joué en première position dans la Ligue des Champions, et on veut naturellement évoluer vers une équipe de pointe où il y a d’autres très bonnes joueuses.

Mais je crois que cela va se régler d’une façon d’une autre, parce qu’il y aura aussi des joueuses qui reviendront et qui diront : « Ce n’était pas comme je l’avais imaginé ». Cela va se régler, il y aura une sorte d’équilibre, comme dans le foot masculin. Ce qui m’étonne un peu, c’est que c’est seulement maintenant qu’il y a des joueuses qui viennent de la ligue française pour jouer en Bundesliga, car à mon avis la Bundesliga est en somme plus forte que la ligue française.

En France on a deux ou trois équipes, en Allemagne il y a un nombre plus élevé d’équipes de qualité. Lara Dickenmann qui évoluera à Wolfsburg n’est pas une joueuse de nationalité française. Le problème : « Où sont les joueuses françaises qui décideront de jouer en Bundesliga ». Nous ici, on aimerait bien d’en avoir quelques-unes.

En 2005 ou 2004 nous avions ici à Potsdam un tournoi de l’UEFA, j’ai vu Sonia Bompastor jouer. Depuis, j’ai beaucoup apprécié son jeu, son club était Montpellier, c’était peu avant qu’elle ne soit allée aux États-Unis. Lors de ce tournoi elle a attiré mon attention et depuis j’ai attentivement suivi sa carrière mais je crois qu’elle ne voulait pas venir en Allemagne. Quelles étaient les raisons ?

Q. : Avant la Coupe du Monde de 2011, en Allemagne vous avez dit que le Japon était favori et vous avez eu raison? Qui est maintenant votre favori ? 

En ce qui conçerne le Japon, on a vu leur développement avant la Coupe du Monde en 2011. Nous avions ici à Potsdam une joueuse japonaise (Nagasato, maintenant Ogimi), qui nous a montré comment on jouait le foot au Japon.

Les favoris : Allemagne, Etats-Unis car c’est une équipe de Tournoi et la France qui a beaucoup progressé. Les autres sont trop inconstantes.
Personnellement je pense que la France est un des grands favoris. Parce qu’il s’agit d’une équipe qui a beaucoup d’expérience, parce que la France s‘est beaucoup améliorée. Si on regarde les joueuses allemandes on peut aussi être sûr que l’Allemagne se trouve dans une situation très favorable. Je crois que la France et l’Allemagne ce sont les favoris. Les Japonaises – là il y a des changements profonds et de grands problèmes. Il ne faut jamais oublier les Américaines, tout simplement parce que c’est une équipe de tournoi.

Entre ces trois se décidera la Coupe du Monde, je ne crois pas que cela sera une autre équipe, le Canada ou d’autres qui remportera la Coupe. Elles sont trop loin de la situation. Il n’y aura pas d’équipes surprise, comme on aurait pu voir cela ces dernières années.

Pour moi l’Allemagne, la France et les États-Unis sont les favoris absolus, les autres équipes comme la Suède, la Norvège actuellement étant trop inconstante.

Q. : Comment allez-vous passer les semaines de la Coupe du Monde? Allez-vous regarder tous les matchs? 

Mmh, c’est difficile. On aurait pu voyager au Canada, mais je préfère regarder les matches en tranquillité à la télé, il y a moins de bavardages, il n’y a personne qui coupe la parole et on peut aussi prendre un verre de vin rouge, de vin français peut-être. On peut regarder avec beaucoup plus d’intensité et d‘attention.

Voir les matches pour trouver de nouvelles manières de jouer. C’est profitable.
Je vais essayer de voir tous les matchs importants de l’équipe allemande, des équipes de la Suède, de la Norvège, des États-Unis et bien sûr de la France. Pour les autres matchs, on n‘aura même pas le temps de s’occuper de tous les matchs. J’ai souvent dit qu’on a toujours une certaine motivation pourquoi on regarde un match et pour moi il est important de voir les équipes de pointe, de voir comment elles jouent et si on peut découvrir des tendances dont on peut profiter pour son propre jeu.

Lors de la Coupe du Monde il y aura aussi des résultats contre des équipes outsiders comme on l’a connu au cours de la Ligue des Champions, où on se demande, si c’est vraiment nécessaire.

Monsieur Schröder, Merci beaucoup pour l‘interview

Gerd et William Commegrain pour lesfeminines.fr