L’arrêt incroyable de Katarzyna Kriedzynek face à Martina Muller dès la 2′ en Ligue des Champions, la série de Solène Durand en finale de la Coupe de France face à l’Olympique Lyonnais m’ont donné envie de mettre en valeur le poste de gardienne ; souvent, ignoré de chacun d’entre nous.

Au début, on peut penser que c’est le poste qui, dans un match improvisé, a été attribué de force à la jeune fille courageuse qui s’est amusée à s’essayer de jouer avec les garçons. Si c’est le cas, les gamins ont dû s’apercevoir vite de leurs erreurs ; car qui se souvient de ces matches de jeunes, sait à quel point il est courant de voir des duels entre les attaquants et le goal, face à un style de jeu qui souvent, amène le dribble et la situation d’un « mano à mano » avec lui. Un bon gardien et le score est assuré ; un mauvais gardien et la trempe est assurée.

Une fille qui commence le foot n’est donc pas nécessairement gardienne. Loin s’en faut.

En fait, après réflexion et une lecture attentive d’un article de la FIFA à ce sujet, on est gardien que l’on soit garçon ou fille, souvent pour les même raisons.

Gardiennes de but : Une tête particulière. 

Déjà il faut un tempérament particulier. Réservé aux Crazies Girls. Il faut avoir un sacré caractère et beaucoup d’audace pour s’opposer, alors que l’on est quasiment arrêtée face à une joueuse qui vient, elle, en pleine vitesse, pour envoyer une mine qui fera trembler au mieux les filets, au pire le poteau droit ou gauche. Cela ressemble presque à une tentative impossible d’aller à l’encontre du taureau en tauromachie. Deux actions totalement opposées.

 

C’est le domaine du 100% sans erreur. La moindre erreur du gardien se voit immédiatement. La moindre passe ratée d’un joueur s’oublie très rapidement.
Katarzyna Kriedzynek s’est confiée disant qu’elle venait du hand-ball. La sortie qu’elle fait face à Martina Muller, dès la 2′, au match aller à Wolfsburg, à tout d’une sortie « kamikaze » que l’on voit de ses gardiennes et gardiens qui à 1 mètre de distance s’oppose à un tir aussi violent. Il en faut du tempérament et de l’audace pour faire cela. D’ailleurs, précise la FIFA, les handballeurs suisses masculins ne s’y trompent pas et travaillent leurs compétences dans ce domaine en discutant avec les alpinistes de l’extrême sur la notion de peur et de courage.

Ce sont donc des Crazies Girls mais avec un calme impérial. La concentration est absolument nécessaire. Chez les garçons, par exemple,  le nombre moyens de ballons touchés par un gardien est de 40 (source FIFA) mais personne ne retiendra les 39 touchés pour ne se souvenir que de celui encaissé. La concentration est telle que pour Tim Howard, gardien de l’équipe américaine qui avait enflammé les États-Unis au Brésil 2014, sujet à la maladie Gilles de La Tourette qui se manifeste par des spasmes des bras et qui disparait totalement quand il est dans un match, à la grande surprise des médecins, grâce à une très forte concentration. Il le dit lui-même : « Ma concentration est plus forte que la maladie ». Elle faisait même perdre 3 kgs en moyenne à Oliver Kahn (Bayern de Munich) par match.

Un gardien qui arrête tout devient une icône. La statistique est imparable. Dix tirs arrêtés et vous êtes le Nouveau Zidane. Car, quoi de plus dur que d’arrêter un tir quand vous devez deviner où il va aller. Allez dans les buts, et vous verrez à quel point ils sont grands. Qui ne se souvient pas d’avoir eu un gardien qui bloquait tout en face de lui avec cette amère impression de ne voir que lui. Il a pris un tel ascendant qu’il ne reste plus que le pointu pour déjouer « le sortilège » qu’il a mis autour de ses buts et dans notre tête.

Les gardiens et les gardiennes vivent le match autrement.

Elles s’entraînent à part. Vivent le match différemment. Et peuvent, à elle seule, faire gagner ou perdre un match.
Jean-Marie Pfaff (international belge, Bayern de Munich) disait qu’il fallait se créer « une carapace », pour ne pas s’énerver car de base « le goal intervient pour réparer les erreurs de ses coéquipiers », alors que la responsabilité d’un but lui revient exclusivement : « il est le dernier rempart et s’il n’arrive pas à arrêter un tir, alors il devient la cible des critiques des supporters, des journalistes et des anciens ». Rajoutant même « qu’il n’y a pas rôle plus ingrat à part celui de l’arbitre ».

C’est vraiment un poste à « quitte ou double ». On le devient pour de multiples raisons et Tim Howard rappelait qu’il l’avait été « car il était le plus grand de l’équipe ». Philippe Bergerôo (international, sélectionneur de plusieurs EDF avant d’être celui des féminines) se confiait en rappelant qu’il est entré dans la famille du football par hasard, à 15 ans, en allant dans les buts pour une partie ponctuelle, alors que son monde était le rugby.

Pour autant, c’est un poste que l’on quitte rarement. Quand on le connaît, on le garde. Peut-être par manque de concurrence, mais aussi car c’est un poste où on évolue très rapidement. Dans une équipe, c’est le premier travail qui est fait par atelier spécifique. Alors, on voit vite les défauts à gommer et le travail individuel paye très rapidement. En plus, il y a comme une forme de complicité qui se crée entre les gardiens concurrents d’un même club. Il ou elles jouent une musique qu’elles savent différentes des autres.

J’ai l’impression d’une différence entre les hommes et les femmes. 

Je terminerais en relevant une seule différence entre les gardiens et les gardiennes de football. Chez les hommes, les gardiens sont souvent capitaine de l’équipe car ils voient, sans faire, le jeu se dérouler devant eux. Chez les filles, elles sont rarement capitaine de l’équipe. Peut-être que les filles ont besoin d’être au cœur de l’action pour mieux le comprendre, le ressentir et trouver les messages qui conviennent.

Chez les garçons, le goal est assez souvent capitaine. Chez les filles, c’est bien plus rare.
Enfin, on dit que, dans le football féminin, le point faible sont les gardiennes. On peut l’accorder mais il ne faudrait pas oublier de relativiser : un but, c’est tout un système défensif qui en est responsable. Et les scores lourds montrent souvent des différences défensives plus que des erreurs de gardiennes.

Je me souviens de France Pologne du 25 Octobre 2013 ou  Katarzyna Kriedzynek (PSG) était la gardienne polonaise. Elle en avait pris 4 en 47′ (avec certaines erreurs) et était sorti à la 66′. Aujourd’hui, après un travail spécifique, elle peut être considérée comme la meilleure gardienne de la D1 avec Sarah Bouhaddi (pénalty arrêté face à Wambach), et a permis au PSG d’être européen cette saison en sortant, la saison dernière pour l’avant dernier match, une balle impossible face à Juvisy (2-2) à la 92′ comme, pour cette saison, avoir permis au PSG d’être quasiment qualifié en finale de la Ligue des Champions en faisant un arrêt impossible face à Martina Muller au match aller.

Gardienne, c’est sûr. Ce sont des filles à part : « Crazies Girls ». D’ailleurs les attaquantes ne s’y trompent pas. voyez la photo de Giovani Pablo qui montre Abby Wambach allant serrer la main de Sarah Bouhaddi à la fin du match, pour lui avoir arrêté son pénalty cadré (2-0) malgré la défaite américaine. « Bravo et bien joué ».  Gardienne, des filles à part.

William Commegrain  lesféminines.fr

Abby Wambach, star américaine, félicite Sarah Bouhaddi pour son pénalty arrêté. Crédit Giovanni Pablo. Lesfeminines.fr

Abby Wambach, star américaine, félicite Sarah Bouhaddi pour son pénalty arrêté. Crédit Giovanni Pablo. Lesfeminines.fr