Qui ne connait pas le football féminin et sa hiérarchie ne peut pas comprendre, après coup, pour quelles raisons la victoire de la France face au Canada (1-0) à un goût, à tort, d’inachevé pour les français et celui d’une performance, à juste titre, pour les canadiennes, qui sont parties, avec bien plus d’espoir qu’elles n’étaient arrivées.

En effet, la France fait figure d’épouvantail dans cette saison 2014-2015 avec ses victoires face à l’Allemagne, les USA et le Japon quand pour les canadiennes, aucune de ses équipes n’a baissé la tête devant les futures hôtes de la Coupe du Monde 2019, pour qui, ces résultats obligent à une ambition des quarts ou des demi mondiales seulement.

Football féminin. Pourtant, c’est une victoire française, sans occasion pour les canadiennes. 

Quand vous jouez la France, vous ne pouvez pas espérer bien défendre et bien attaquer. C’est un premier fait, souvent oublié et qui est spécifique au football féminin, quand il est de haut niveau. Pour l’espérer, il faut être l’équipe numéro 1 mondial ou numéro deux. En deçà, vous n’avez qu’une solution, bien défendre et contrer ou bien attaquer et prendre le ballon en possession avec le risque d’être puni rapidement. Le fameux : « verre à demi vide ou verre à demi plein ».

Le Canada a bien défendu.

Dans un 4-1-3-2 original où le rôle de sentinelle a été attribuée à la plus petite des canadiennes, Désirée Scott (28 ans, 88 sélections, Notts County Ladies, Eng) alors qu’elles ont la réputation d’être physiquement « taillée » les canadiennes ont su répondre aux balles glissées en profondeur de Gaetane Thiney (4′, 14′), Camille Abily (20′, 32′) avec une défense où la jeune Kadeisha Buchanan (19 ans, 33 sélection, West Virginia University) a su prendre en charge la commande de l’arrière garde canadienne pour compenser le retour de l’expérimentée Lauren Sesselman (31 ans, 40 sélections, Houston Dash, USA) qui revenait sur blessure.

Le Canada a bien suivi les actions françaises et seule une défaillance individuelle permettra à la France d’ouvrir le score.

La France a bien attaqué dans les vingt premières minutes.

C’est dans ce temps fort français que les joueuses se sont retrouvées dans la surface de réparation canadienne avec de vraies possibilités de scorer, notamment par Thomis (4′, 28 ans, 115 sél., OL), qui reçoit un centre d’Amel Majri, décalée par Gaetane Thiney (29 ans, 121 sel., Juvisy), déviée par Eugénie Le Sommer et qui voit la balle s’envoler au-dessus de la transversale.

C’est encore Elodie Thomis lancée en profondeur qui cherche le trou de souris qu’Erin Mc Leod (32 ans, 103 sel., Houston Dash) a nécessairement ouvert en venant à sa rencontre, mais qui ne peut le trouver ; la gardienne canadienne ayant été plus prompte en l’obligeant à la réflexion (12′). Enfin, c’est Gaetane Thiney, qui dans la surface fait voir toutes ses qualités de protection de balle pour servir Eugénie le Sommer (25 ans, 103 sel., Ol), prompte à tirer quand l’assistant signale un hors jeu (14′).

Pour finir, ce sera Amel Majri (21 ans, 7 sélections, OL), pour une première « milieu excentré gauche » en équipe de France A quand elle a été attaquante en U19, qui repique sur son « mauvais pied » pour placer un tir imparable de puissance, qui sort détourné par la défense canadienne.

33′, Le Canada ne sort qu’une seule fois.

C’est à la 33′ que le Canada fait sa première sortie offensive et montre que les joueuses d’Outre-Atlantique vont immédiatement dans l’espace du terrain laissé libre pour que le contre arrive dans les 20 mètres adverses. C’est sur le côté gauche que Adriana Léon (22 ans, 32 sélections, Chicago red Stars) demande et reçoit le ballon pour le donner très proprement, balle à terre, à Sophie Schmidt (26 ans, 130 sélections, sans club) qui tente un gauche cadré qui sera sauvé par Laure Boulleau (28 ans, 52 sel, PSG) d’un tacle glissé qui vaut, à ce moment son pesant d’Or.

A la manière dont le coup est parfaitement joué. Chaque geste de ce contre est fait sans aucun doute ni excès. J’écris : « le Canada est très dangereux ».

34′, Eugénie Le Sommer, marque encore et Toujours, d’un but très « Calamity Jane » (1-0).

Pour ceux qui suivent, il n’y a pas pour moi, actuellement, de joueuse plus rapide au monde, entre décision et action. Eugénie Le Sommer demande le ballon sur une touche, joue de sa vivacité pour se démarquer en relayant avec Camille Abily (30 ans, 144 sel., OL) qui connait exactement sa partenaire de jeu (Olympique Lyonnais) pour la voir seule face à Erin Mac Leod, qui sort comme une balle de golf, rapidement mais pas assez pour ne pas être surprise de voir un gauche la fusiller avant qu’elle ait fait trois pas.

C’était la 34′. Une minute après la première offensive canadienne. John Herdman me l’avait dit lors de notre interview. « Avec la France, la moindre erreur, elle est payée cash ». Je confirme et précise maintenant : « Aucune équipe féminine ne peut défendre et attaquer avec le même brio face à la France, sauf les allemandes et les USA ». On choisit l’un ou on choisit l’autre.

La France a une défense de fer. 

John Herdman l’avait analysé : « maintenant, les quatre défenseures sont au plus haut niveau ». La seconde mi-temps mettra à l’évidence ce constat. Pendant 20 minutes, le ballon est tenu bien plus haut par les canadiennes qui continuent de jouer à terre pour éviter les deux tours centrales que sont Laura Georges (30 ans, 158 sel., PSG) et Wendie Renard (24 ans, 64 sel. cap EDF, OL).

Cette main mise des canadiennes est l’objet d’interrogations de la part des françaises. Soudain, la capacité de contres d’auparavant qui avait fait la renommée des françaises de 2011 à 2013 manquent à l’évidence. Elles ne trouvent plus la possibilité de mettre en danger l’équipe adverse et le jeu se bloque au milieu de terrain.

Chacune des deux équipes est confrontée à la même situation. Elles ont la possession mais n’arrivent pas à s’imposer devant le but adverse. Ce n’est qu’à la 78′ que je noterais une profondeur de Gaetane Thiney pour Amel Majri alors qu’il faudra attendre la 83′ pour que Rian Wilkinson (32 ans, 162 sel., Portland) serve Sophie Schmidt, omniprésente, pour une troisième tentative, extérieur.

Le bloc français a montré toute sa force. Il a maintenu le résultat et fait le travail. Idem pour celui canadien.

Cinq minutes de tout qui finit en rien. 

Il reste une poignée de secondes et le Canada pousse la France, comme un boxeur met dans les cordes son opposant, au 15ème round, pour essayer de conclure, sentant que la différence n’est pas si grande au score. Personne à Bondoufle ne pourra vous dire pourquoi cette balle dans la surface française a changé cinq fois de joueuses et trois fois de camp sans sortir, ni d’un côté ni de l’autre, chacun des deux équipes, à bout de souffle mentale, a essayé de la sauver en la ratant, a essayé de tirer en la ratant.

Plus qu’une fatigue physique qui n’a semblé ne jamais exister tant les joueuses ont une capacité bien supérieure à ce qui a été utilisé dans la rencontre ; c’est le mental qu’on a vu et l’Histoire entre les deux nations. La France ne voulait pas revivre le traumatisme des JO de Londres où elle avait encaissé ce but à la 92′ ; et les canadiennes voyaient qu’il était tout à fait possible qu’elle refasse le même coup, même si ce n’était que pour un match nul !

Seul le coup de sifflet de l’arbitre, comme le gong d’un ring, a mis les deux équipes devant la réalité du match. 1-0 pour la France. L’histoire se terminait là. Plein d’espoirs pour les canadiens qui en avaient besoin ; plein de certitudes pour la France, à mon sens. Gagner un match 1-0 en utilisant son attaque et sa défense, il en faut pas plus pour aller chercher un titre dans une compétition.

Conclusion

Les scores féminines ne seront pas du Monde du second tour de Juin 2015. Les scores seront serrés. La France est passée, elle pourra perdre ; le Canada a perdu, il pourra gagner.

Rien n’est dit, pour les équipes du Top Ten. La France n’a pas pris de but ce qui est habituellement le cas avec le Canada. Le Canada n’a pas d’actions dangereuses contre elle, ce qui est habituellement le cas face aux françaises.

1-0, un score du monde professionnel. Une victoire professionnelle.

William Commegrain lesfeminines.fr