Par un temps ensoleillé, après une visite au Salon du Golf, je suis allé voir la rencontre entre Issy FF et Arras, deux clubs de D1 qui se bien battus pour une dernière chance et qui vont se retrouver, de concert, en D2 l’année prochaine. Après avoir vu la veille Juvisy-Essonne face à Guingamp (1-2), j’avais envie de traiter le sujet de l’argent en l’associant à celui de la performance, dans l’environnement spécifique des associations sportives.

Soyons clair. On vient faire un sport de haut niveau. On vient le regarder. On adhère à un club. Les médias s’y intéressent, notamment la TV, pour une seule et bonne raison : sa performance. Cette performance apporte des ressources qui ensuite sont redistribués par le Club aux adhérents, joueuses, sous la forme de confort, d’avantages ou de rémunération.

Si chacun sait que l’argent ou le confort qu’il reçoit vient de son club ; quelle joueuse connait précisément les raisons de cette manne financière ?

L’argent vient des collectivités qui paient les associations sportives en fonction de la performance des joueuses.

Rien n’est plus fragile qu’une association sportive qui souvent, est amenée à reverser l’intégralité des ressources qu’elle reçoit pour ensuite, être dépendante des engagements qu’elle a pris, sans avoir d’autres moyens que de dépendre de la performance de ses joueuses pour, l’année suivante, espérer avoir autant voire plus.

Ne soyons pas dupe. Les collectivités paient de plus en plus en fonction de la performance des joueuses. Si la performance est moindre, elles paient moins. Les joueuses deviennent alors, sans le savoir, les responsables des sommes reçues par les clubs. Soit des collectivités, soit des partenaires, soit en bien moindre importance, des billets d’entrées.

Nicolas Gonfalone, coach d’Issy : « une D1, et la fédération nous le confirme, c’est fait de plein de choses : d’une organisation, d’une structure, des moyens humains, des moyens financiers, toute une vie de club qu’il faut arriver à gérer, coordonner, optimiser pour rester en haut. Cela nous a encore manqué je pense, et notamment pour nous dans la région parisienne, où c’est la bagarre pour avoir des créneaux : on a passé une année sur une Plaine et cela a été difficile. On fait avec nos petits moyens mais il n’y a pas de fumée sans feu.

Il nous a pas manqué grand chose, mais il faut reconnaître que la marche est haute. On est bien placé pour le dire en faisant le double ascenseur en l’espace de deux ans et demi. La marche n’est pas inaccessible mais elle est haute. »

La collectivité et les partenaires n’ont pas vocation à verser des sommes pour payer des joueuses. Cela dépend de la performance sportive du club. 

Il ne faut pas jouer avec la performance. Les collectivités n’ont pas vocation à financer les joueuses et à être les « associés des clubs ». Elles ne le font que dans des cas rares dès lors qu’il y a une performance et sous la forme de partenariats. A défaut, elles se désengagent et donnent le minimum social.
La collectivité est le partenaire de base de tous les clubs de France. Aujourd’hui, la collectivité a le regard porté sur la métamorphose des régions comme les élections départementales et sa priorité est loin d’être l’associé des activités sportives. Chaque fois qu’elle s’y est frottée de trop près, elle a souvent connu l’échec. Elle agit en tant  que partenaire, quelques fois privilégiée, et son implication varie souvent selon un curseur qui se promène entre une valeur minimale qui est celle de l’obligation à aider le sport dans sa commune, ou son département voire sa région c’est à dire peu de choses et une valeur maximale qui peut être très forte selon la performance du club dans son sport.

Pour avoir un partenariat conséquent de sa collectivité ou trouver des partenaires, il faut que le club ait une performance et un rayonnement. Souvent les clubs varient dans leur performance et l’actualité est assez dense pour rappeler à chacun d’entre nous l’histoire d’un club connu à tel niveau pour le retrouver à un moment bien plus bas comme récemment Muret qui était monté en D1, pour descendre en D2 dans des conditions difficiles -départ de joueuses- puis maintenant dernier de D2, postulant à la DH ; le tout en l’espace de trois saisons. D’une montée dynamique vers une descente dramatique.

C’est au moment de la perte de performance que la descente commence à se réaliser. Les collectivités, adeptes d’une gestion saine, ne trouve plus, légitimement le même intérêt à donner une somme forte qui n’enclenche plus la même valeur ajoutée. Alors, le renouvellement ne se fait plus, la structure est obligée de réduire la voilure, elle perd de la compétitivité, les joueuses partent de plus en plus, jusqu’à redevenir une simple association car les collectivités n’ont aucune raison de donner plus que les frais de structure, soit très peu en théorie.

Avec la perte de performance, la valeur ajoutée a disparu. Le club avec.

. Claude Rioust, coach d’Arras FF. « A Arras, on ne peut pas se structurer car on n’a pas les moyens. On vient à quatorze pour ce match c’est que l’on ne peut pas venir à plus. On a même occulté les U19 car notre club veut que les U19 soient prioritaires. On a pas d’école de football, il y a donc beaucoup de choses à faire. Est-ce que c’est vraiment l’ambition de la Ville et du Club d’Arras d’être aujourd’hui en D1, je n’en suis pas sûr. Il faut beaucoup de moyens et trouver de gros sponsors. Arras est une Ville sportive : BasKet N1, les garçons en CFA, le water polo, le rugby .. on vient à plusieurs taper à la porte de la Mairie, elle ne peut pas répondre à tout le monde ; le Conseil général non plus. Le Régional encore moins et on sait que les subventions vont baisser.  Le nerf de la vie, c’est l’argent et on en a pas. Très compliqué pour conforter notre place en D1, cela c’est sûr et surtout pour structurer notre club. »

Alors, il faut redémarrer l’Histoire en créant une nouvelle. C’est loin d’être facile et cela prend un temps très conséquent, autant que celui d’élever un enfant (Voyez Saint Maur qui devrait venir en D1 quatorze ans après l’avoir quitté).

. Claude Rioust, coach d’Arras FF. « Gravelines est descendu de D2 en DH. Moi, cela fait 24 ans que j’entends parler de Gravelines en D2. Les filles sont parties. Cela va très vite en football féminin. On ne peut pas reconstruire du jour au lendemain. On atteint très vite l’élite mais on dégringole très vite. Dans le Nord, il peut y avoir Boulogne qui s’installe dans l’élite voire Calais, cela peut l’être pour Arras car aujourd’hui le club a les joueuses pour ; ce qui est un avantage par rapport aux autres clubs. Malheureusement, ils ne font pas le travail comme il devrait être fait. le Président préside, l’entraîneur entraine, le Comité Directeur va chercher l’argent. »

La concurrence entre associations sportives de tous sports.

En plus, les joueuses, sans le savoir, sont concurrencées par d’autres sports qui ont aussi leurs raisons de demander des subventions ou de trouver des partenaires. La règle est alors claire : c’est le meilleur sport qui remporte la mise. Au final, la collectivité, le partenaire aura donné les même sommes ; seuls les bénéficiaires auront changé. Pour plusieurs années, tout va aller pour l’un ; pour d’autres années, tout va aller pour l’autre.

Faut-il une autre forme de financement : les associés ou les clubs professionnels sont-ils la solution ? 

En D1 féminine, il y a deux mondes qui se concurrencent : celui de l’associé qui prend en charge le fonctionnement de l’association, avec des clubs comme le Paris Saint Germain, l’Olympique Lyonnais, Montpellier Hsc, Saint-Etienne, Guingamp EA, FC Metz où la question du financement est dépendante des moyens d’un club professionnel et l’autre monde, avec Juvisy-Essonne, Rodez Aveyron, Soyaux-Charentes, Albi Asptt, Issy FF et Arras FF qui dépendent des collectivités et des partenaires.

Etre « accolé » à un club professionnel ne donne pas plus de garanties de pérennité. Certains ont été à deux doigts de disparaître car confrontés à d’autres priorités, bien plus exigeantes. Le football masculin et sa dimension.
Si on prend le parcours de l’Olympique Lyonnais comme celui du Paris Saint Germain comme critère de réussite, alors on peut penser que l’idéal est dans la structure avec un associé « club professionnel ».

Si on prend le même indicateur mais que l’on porte son regard vers des clubs qui ont été en difficulté comme Saint-Etienne qui a failli descendre l’an dernier et a attendu longtemps ses premiers renforts ou Toulouse, ancien champion de France en 2001 qui est actuellement en D2 car peu intéressé par le développement du football féminin, voire le FC Metz qui vient juste de monter pour risquer une descente alors on s’aperçoit qu’il est tout autant dangereux d’être associé à un club dès lors que le football féminin n’entre  pas dans une des priorités ; les clubs ayant déjà beaucoup à faire avec le football masculin.

Une seule règle : créer de la valeur ajoutée, de la performance.

La sportive, le staff, le club, sur le terrain, doivent savoir qu’ils jouent pour autre chose qu’un résultat. La victoire renforce et conforte leur avenir et celui du club, la défaite les met à mal. La défaite est un problème, la victoire, la solution.
Dans les deux cas, la question ne se pose pas dès lors que l’ensemble des parties prenantes ; joueuses, staff, clubs, mettent l’enjeu économique au même niveau que l’enjeu sportif. Il faut gagner pour d’autres raisons aussi importantes que le sportif.

L’enjeu économique doit faire partie de l’environnement de toute décision, autant que le sportif car les deux environnements sont liés, à égalité dans l’importance, différemment suivant le moment.

Il faut que le club crée une valeur ajoutée, une performance pour qu’il puisse exister avec une identité dans des compétitions qui vont interpeller les médias, notamment la télévision, ce qui va attirer ou maintenir les partenaires publics et privés et qui, finalement, reviendra aux joueuses soit en terme de confort, d’avantages ou de rémunérations.

A défaut, le système s’écroule. L’argent et le confort ne sont pas des faits acquis. C’est un enjeu important pour les clubs.

Gagner n’est pas qu’une finalité sportive, c’est un intérêt personnel et collectif. Porté par tous dans un club. Une pierre individuelle à un édifice commun.

William Commegrain les feminines.fr