Philippe Bergerôo a réussi à imposer son style, par la réussite.

Le professionnalisme. Par exemple, on a travaillé tactiquement avant d’affronter le Brésil, sur la récupération du ballon, l’idée d’aller les chercher haut. On a travaillé ça sur des oppositions, et en quelques minutes c’était compris.
Pas facile pour un nouveau coach d’intégrer le groupe France quand il sait, à l’opposé des hommes, que les capacités à changer des joueuses est minime compte tenu que la masse de joueuses de très haut niveau n’est pas assez conséquente. Or, le changement de sélectionneur avec Bruno Bini a été brutal à qui on n’a pas pardonné l’élimination en quart de finale du championnat d’Europe face au Danemark (1-1) alors que sa gestion de groupe antérieure a apporté deux 4ème places aux compétitions les plus prestigieuses, soit la Coupe du monde 2011 et les Jeux Olympiques 2012.

Philippe Bergerôo l’a réussi. Si ce n’est pas sa plus grande performance ; c’est certainement une performance.

Il l’a réussi en ouvrant les portes d’une sélection à des joueuses nouvelles qui, d’occasionnelles sont devenues titulaires, et ce, pour des performances réalisées mais plus encore pour des profils de jeu nécessaires à sa vision du sport de haut niveau. C’est avec un regard de formateur au BEPF, d’entraîneur au PSG à Rennes, de sélectionneurs des équipes de jeunes, de membres du staff de l’équipe Championne du Monde 1998 qu’il a fait ses choix et qui les a appliqué.

Est-ce cela, est-ce tout cela ? C’est le fruit d’une longue expérience et l’équipe de France joue comme il le souhaite car les filles ont une confiance dans ses choix. D’autant plus que la malice des gens qui ont « la tête sur les épaules » pointe derrière la sérénité : « oubliant » de citer un objectif précis pour la Coupe du Monde, le situant de manière globale pour les Jo de Rio en 2016, dans une qualification à obtenir parmi les trois meilleures équipes européennes.

Réussir dans cet ensemble, dans un milieu où les coachs de football féminin ne s’imposent qu’avec le temps, c’est une performance. Un signe, avec son entrée dans la sélection des dix meilleurs coachs FIFA de football féminin sur la maitrise du changement et du parcours de la France dans la qualification au Mondial et le gain renouvelé du Tournoi de Chypre.

L’équipe de France est pragmatique

Bergeroô : « Les filles ont pris les clés »
Autant auparavant son jeu était enlevé, étonnant et surpenant ; autant aujourd’hui, le jeu de l’équipe de France est pragmatique dans un 4-4-2 bien installé. On le voit, on le devine, on sait d’où vont partir les déstabilisations. Chaque joueuse sait potentiellement quelle part d’erreurs elle peut s’autoriser, mais surtout quelle part d’erreurs lui est interdite. Chaque joueuse sait de plus ce que l’on attend d’elle, et elle le fait.

Mais le niveau individuel des joueuses est tel, tant sur le plan physique, mental, technique et tactique que la maitrise du pragmatisme de la tactique française en fait une machine redoutable dont on peut considérer que l’équipe de France, potentiellement, ne peut quasiment plus perdre en faisant un match contre un adversaire plus faible. Cela ne peut que relever de l’exploit de l’équipe adverse. Pour une équipe devenue 3ème mondial, c’est, potentiellement, une belle certitude.

Certitude qui reste soumise, néanmoins à l’incertitude ; notamment dans le cadre d’une série de matches de haut niveau, face à un adversaire qui lui, sur un match, décidera de renverser une montagne, cette montagne française.

La montagne française.

La France fait partie des équipes qui ont avancé au classement mondial (3ème mondial), au même titre que l’Angleterre, revenu à la 6ème place, sortie du Top Ten après son élimination de l’Euro au premier tour ; que la République Démocratique de Corée (7ème) qui ne sera pas au Mondial pour cause de sanctions de la FIFA (dopage) ; que l’Allemagne devenue 1ère mondial.

Mais la force de la France aura été de remonter au classement sans compétition internationale, en battant, dans la dernière ligne droite,

La France passe 3ème en gagnant 24 points quand le Japon, 3ème mondial, n’en gagnait que trois.
l’Allemagne, le Brésil et faisant match nul avec les USA pour une courte défaite faisant ainsi une progression bien supérieure au Japon (Champion d’Asie).

Au final, de la 5ème place, la France est maintenant 3ème mondial et va jouer son classement dans la prochain tournoi de l’Algarve, début mars. Si le classement n’est pas une certitude, il reste néanmoins un indicateur et était un des trois objectifs que s’est fixé Philippe Bergerôo. (*)

Le challenge français

Depuis que la France a gagné, sur ses terres, l’Allemagne, et ce pour une première fois historique ; la France est une référence pour les autres nations. Un indicateur de mesure. L’idée est de la contrer. Ce que rencontrent la quasi-totalité des sélectionnées françaises dans leur championnat, sauf que là, l’idée est dans la tête de joueuses qui ont un sacré potentiel (les neuf meilleures nations seront au mondial) et ce sera toute la difficulté des françaises que de tenir face à ce challenge alors que les rencontres de très haut niveau ne sont pas légions en France.

« Savoir gagner quand on est dominé. Ce serait une belle qualité à acquérir pour se garantir dans un championnat du monde qui va être de haut niveau
Philippe Bergerôo désire rencontrer le plus souvent les équipes du Top five. Les mêmes équipes souhaitent rencontrer la France. J’ai le sentiment, que cet attrait pour s’opposer à la France, a démarré avec la victoire, à Amiens, de la France sur la Suède (3-0), demi-finaliste de l’Euro 2013 chez elle. Une victoire nette et claire. Les autres nations ont eu la confirmation que le changement de sélectionneur n’avait pas fait perdre sa qualité au jeu des françaises. Pourtant Bruno Bini est une référence dans ce métier. Nommé deux fois, 3ème coach mondial en 2011 et 2012.

Dans peu de temps ce sera les USA, puis peut-être le Japon et auparavant, au mois de mars, le tournoi de l’Algarve avec les meilleures nations du monde dans une grande répétition. Alors tout est possible, rien n’est impossible.

Je vois un grand challenge à l’équipe de France. Est-elle capable de gagner un match en étant dominée ? Si c’est le cas, alors ses chances sont plus conséquentes que d’être dans les trois meilleures équipes européennes, ce qui donnerait déjà, une place aux JO de Rio en 2016.

Car c’est ce qu’il a manqué face au Danemark en 2013. Face au Japon en demi-finale des JO en 2012. Face au Canada pour la médaille de bronze des JO. Face aux Usa pour 2-2 du mois de Juin 2014. Face au Brésil pour un 0-0 en juin 2014. Face aux USA pour une courte défaite 0-1. Pouvoir Être dominé et gagner. Comme l’a fait l’Allemagne aux Championnat d’Europe 2013 ; comme l’a fait la Norvège pour aller en finale de l’euro. Mais cela, ce n’est pas très français ! Alors, gagnons tous nos matches « haut la main ». Et n’en parlons plus.

Normalement le projet de l’équipe de France est une médaille

Mais le niveau est tellement haut sur cette Coupe du Monde. Les joueuses étrangères de France (suédoises et allemandes) commencent à jouer un niveau bien haut dessus de celui de la D1. Les autres équipes ont de vraies qualités. Il n’est absolument pas certain de revenir avec une médaille et personne n’ira au Canada pour le chanter. Ce ne sera que plus valorisant si cela arrive. Mais c’est clair, cette Coupe du Monde est relevée, d’autant plus relevée que nous y allons, au contraire de celle de 2011, avec un statut d’outsider. Qui nous amène à penser : que ce groupe gagne sa médaille, la France du football féminin depuis 10 ans lui doit bien.

William Commegrain lesfeminines.fr