Le mec participe à un événement quasi-mondial. Qu’est-ce qu’il y a de plus fort que le Ballon d’Or en matière de football ? Une institution. Du top mondial fait par une organisation privée, un sanctuaire du football, l’Arc de Triomphe du Ballon rond, « Le Ballon d’Or France Football ».

En 2018, pour le centenaire de la guerre de 14-18, en France sur la terre du vainqueur de la Coupe du Monde, au Grand Palais, devant un parterre de généraux et maréchaux du football, Martin Solveig se prend une gamelle royale quand le défilé mondial du football envoie la musique et les lumières de la mondialisation !

Martin Solveig a été choisi pour intervenir chez les Grands. On l’imagine lancé comme en 1914, prêt à zigzaguer à travers les barbelés des aficionados de tels joueurs plutôt que tels autres.  Le voilà au beau milieu d’une cérémonie, en France, au Grand Palais, en direct à la TV dans la guerre médiatique des « buzz » de l’année, prêt à honorer les joueurs français du Mondial 2018, revenus de leur campagne de Russie. Vainqueur ! pour seulement la seconde fois de leur Histoire d’une campagne inattendue. Le Maréchal de France, Didier Deschamps est là. Le Président Noël Le Graet prêt à l’adouber comme un futur roi du football français. Les généraux, vainqueurs de la bataille, sont tous là. Griezmann, M’Bappé. Seul Varane, n’a pas voulu venir. Lui le diplomate vient d’apprendre le coût de la diplomatie (Réal Madrid, 7e). Modric, Réal Madrid, futur vainqueur.

On est sur du « haut » en pression « médiatique ». Pour une fois, personne ne sait réellement qui va être Ballon d’Or masculin, même si les fuites et autres informations ont fuitées, comme dans les grands conflits. Le public veut savoir, avant de savoir. On sait juste que les empereurs de la balle rondes, Messi et Ronaldo, ont laissé le trophée.

Le même jour, France Football lance le Ballon d’Or qui devient aussi féminin.

France Football, auxiliaire indépendant de l’Equipe s’ouvre à la réalité d’aujourd’hui en créant un Ballon d’Or féminin. Cela méritait un tapis rouge avec des femmes qui ne sont plus les compagnes des joueurs, en retrait, mais des actrices de jeu « spectacle » comme on en voit à Cannes. Toutes contentes et heureuses d’être là. Avec la pointe de rancoeur à avaler après avoir su qu’elles n’étaient pas élues. Il faut dire qu’elles étaient quinze. Il ne fallait qu’un vainqueur.

Tout allait pour le mieux pour lancer cette histoire !

Et Martin Solveig arrive. Le voilà qui se transforme en Benny Hill de la soirée. Un mélange Gainsbourg frondeur et Benny Hill, sauteur. Il veut faire rire. Un gars qui n’a certainement jamais été voir un match féminin. Pourquoi pas ? Comme d’autres. Il veut juste faire rire.

Martin Solveig balance la connerie du siècle, en direct.

Le gars balance « la connerie du siècle ». Il s’écrase comme une merde, la caricature du machiste le plus populaire. Devant une athlète qui se bat tous les jours pour s’améliorer, pour devenir meilleur, pour être plus performante, il ne voit qu’un objet habituel d’un clip de rap, à Twerker sur scène (remuer du popotin) ! Fesses en arrière, mouvement de déhanchement. Un truc qui a été inventé pour remplacer le thermomètre quand vous avez un mec en face. Un truc dans l’intimité.

Il n’est pas border line là, il serait comme un pilote d’avion qui aurait décidé de faire plonger son bimoteur en pleine mer pour en faire un sous-marin ! Il se croit en soirée, deux heures du mat. Quelques verres sont passées par là. Il a vu une nana, il se remonte les couilles et plein de courage, balance la phrase que les filles ont l’habitude d’entendre d’un jeune mâle en rut. Amusées. Il a confondu le code des soirées avec celui de la soirée mondialisée. « Puisque la gonzesse est sur scène, elle ne peut qu’être intéressée à nous montrer qu’elle connait son job de gonzesse ! » Cela fait un peu cela, au final.

Il démarre dans le rire et il plonge dans la déprime. 10 millions de vues dès le lendemain. Ca va pas passer inaperçue.

Le four total. Les quatre mots qui vont faire le tour de la planète à une vitesse d’éclair. Le truc qui vous condamne, tranquille. Le genre de chose où vous ne voulez pas vous retourner. Pour voir la salle. Petit rire nerveux du gars. C’était pour rire. Silence de l’Antarctique en face. Pour le coup, le réchauffement de la planète Terre est passé en mode congélateur, façon cryothérapie. Durée illimitée.

Martin se confond en excuses. 10 millions de vues au lendemain de la cérémonie. 

Depuis, le mec, DJ reconnu sur la planète des DJ se confond en excuses. Pire, payé par France Football qui est en train de lui envoyer un recommandé pour l’indemniser du préjudice subi. Prêt à lancer la plaidoirie de leur avocat « Le jour de la remise du premier Ballon d’Or féminin, il confond le cerveau et l’émotion d’une fille avec son popotin » !

Il se fait assassiner sur les réseaux sociaux. Adeptes de la tête qu’on coupe en 240 mots. Et là, sérieux, la condamnation a tout de la raison. J’espère même que sa copine et sa mère lui en font voir de toutes les couleurs. Sérieux, ce gars, il a planté tous les gars dans le regard de ces filles, qui déjà, ne les apprécient pas plus que cela.

Depuis, il doit s’être rendu compte que les sportives de haut niveau ont un cerveau. Ada Hegerberg n’a pas bougé. Qu’elles savent ce qu’elles font et qui nous pouvons être. Qu’elles ont autant l’habitude de vivre des grands moments que Lui et qu’elles n’ont aucune envie de remuer leur popotin ou de parler de leurs vies intimes pour montrer qu’elles sont grandes et intéressantes dès lors qu’elles reçoivent une récompense.

Martin Solveig ne sait plus comment s’excuser ! Ada Hegerberg, mariée, femme de caractère, lui aurait même pardonné. La question inutile. La question nulle. C’est leur affaire.

Ce qui est dommage dans cette histoire, c’est qu’il a touché à l’émotion d’une fille qui mérite, comme d’autres qui auraient pu l’avoir, cette récompense mondiale, unique. Elle, qui a décidé de plus jouer en équipe nationale, avait pas mal de risques de ne pas l’avoir. D’être oubliée. Comme l’UEFA et la FIFA l’ont fait. Elle l’a eu. Super ! Respect pour son travail. Respect pour sa performance.

Et pour Martin Solveig (42 ans), je voudrais juste que lorsque il aura des enfants, il leur montre la connerie qu’il a dite. Juste pour qu’ils comprennent et qu’il discute avec eux, de ce qu’est un homme et une femme. D’abord un être humain. Equivalents et d’accepter que si dans le sport, ils ne sont pas équitables, à charge pour chacun d’entre nous d’apprendre à les regarder comme équivalents.

En attendant, la plus belle photo de la cérémonie est là. Les lyonnaises ont fêté Ada Hegerberg. Un beau moment de partage.

William Commegrain lesfeminines.fr

Ada avec les lyonnaises.