On ne se rend pas compte du séisme généré par les déconvenues du football allemand sur la scène internationale. Le coeur et l’esprit « Champion du Monde » de la France devrait regarder le ressenti des sportives de haut niveau allemandes, habituées à dominer l’Europe.

Tabea Kemme, 26 ans, internationale allemande, joueuse du Turbine Potsdam pendant 12 ans, regarde avec lucidité le parcours de la Mannschaft féminine (seconde), bousculée par l’Islande (première) dans sa qualification pour la Coupe du Monde 2019. Après avoir subi une défaite à la maison en octobre 2017 (2-3), les obligeant à gagner en Islande (1er septembre 2018) si elles ne veulent pas passer par les play-off européens.

Un seïsme pour une équipe qui n’avait plus perdu de matches de qualifications depuis vingt ans !

Une Alerte rouge précédée par une élimination en quart de finale de l’Euro 2017 après huit titres consécutifs dans la besace allemande. Malheur qui pourrait s’être terminé avec l’incroyable défaite face à la France lors de la SheBelievesCup (3-0) qui avait couté sa place à Steffi Jones en mars 2018.

Une place bien branlante, elle à qui le Président de la Fédération avait fixé un ultimatum quelques mois plus tôt, lors du match amical de Novembre 2017 contre la France. La gagne ou la porte. Les allemandes l’avaient emporté (4-0).

Et cela avait donné le courroux bien connu des sélectionnées françaises de Corinne Diacre.

La joueuse, encore blessée, et qui vient de s’engager avec Arsenal Ladies se confie à nous. Une bonne manière de comprendre nos cousins d’outre-rhin, dont on ne sait pas s’ils vont revenir ou descendre un peu plus, à l’image de la Norvège, Suède et Danemark, dominatrices des années 90-2000.

Lesféminines.fr L’équipe nationale est devenue plus faible ou les autres sont devenues plus fortes ?

Tabea Kemme. Ce n’est pas que nous sommes devenus plus faibles, mais les autres nations nous ont rattrapés. Beaucoup de joueuses (Suédoises, Danoises, Néerlandaises) vont jouer dans d’autres championnats, soit le championnat anglais, soit le championnat allemand, ces joueuses en ont tiré beaucoup

Mais en général on peut dire que les joueuses en ce qui conçerne le fitness et les possibilités de s’entraîner ont rattrapé énormément l’Allemagne. Je suis de l’avis aussi que nous ici, en Allemagne, on a stagné un peu.

C’est naturel qu’on se repose sur ce qu’on a gagné et alors vient le jour X, où cela ne va plus comme avant. C’est exactement où nous en sommes maintenant. Et on est étonné et on se demande pourquoi nous avons perdu, pourquoi on ne gagne plus avec des résultats comme (7 : 0) mais juste au résultat (2 : 1).

Cela a commencé avec les Jeux Olympiques. Nous avons eu du succès en gagnant la médaille d’OR, mais déjà sans briller. Il y a eu l’Euro l’année passée, puis le SheBelievesCup et nous sommes arrivé à ce point que nous n‘avons pas non plus joué avec succès.

Je suis de l’avis que quelque chose doit se passer, mais pas seulement au moment où nous perdons un tournoi ou un match. Ce que j’ai dit à propos de Turbine Potsdam est aussi vrai pour la sélection, ce niveau de fitness, de supériorité, que nous avions aussi en équipe nationale, nous ne l’avons pas non plus aujourd’hui.

Lesfeminines.fr L’avantage tactique est devenu plus important que le physique. 

Tabea Kemme. Ce que je peux dire en tout cas, c’est qu’aujourd’hui nous n’avons plus cet avantage que nous avions avant. La science de l’entraînement et le diagnostic de la performance jouent un grand rôle, à condition qu’il y ait le soutien financier de la part des clubs. Maintenant il s’agit réellement de la pratique du foot, la tactique est au centre de l‘intérêt.

Lesfeminines.fr Cela ne nuit-il pas à l’intérêt du championnat avec les mêmes vainqueurs ? 

Tabea Kemme. En me rappelant ma première et deuxième saison, je peux dire que nous sommes allés à nos matches à l’extérieur en étant sûr d’avoir nos trois points. C’était : « D’accord on joue à Sand et les trois points seront les nôtres ». Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Cela peut être Sand, ou d’autres clubs aussi. Par exemple à Duisburg (qui a failli descendre en Bundesliga 2), chaque équipe visiteuse a eu des problèmes. Pas seulement nous, de Potsdam, même Wolfsburg et Bayern ont seulement fait des matchs nuls à Duisburg.

Ce sont des adversaires où tu comptes déjà sur ces trois points mais les joueuses et les clubs ont naturellement aussi une autre orientation tactique. Il ne s’agit plus de jouer avec les autres équipes. On joue très défensivement et on mise sur les contres. C’est devenu une prédilection de certains clubs, surtout de ces clubs qui croient ne pas être compétitifs contre certaines équipes fortes.

Ainsi il n’est pas facile de jouer contre de telles équipes. Il ne s’agit pas seulement d’une orientation spécifique pour le championnat du foot féminin, cela existe aussi dans le championnat hommes. Le foot classique offensif joué par deux équipes, je ne le vois pas souvent en Allemagne.

Lesfeminines.fr Si on vous dit « la France », quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit ? 

Tabea Kemme. C’était toujours des matches âprement disputés. J’aime beaucoup jouer contre elles, parce que, à mon avis, elles sont les meilleures en matière de passes courtes. Ce sont exactement de tels adversaires, ces joueuses fortes contre qui j’aime jouer. Mettre la pression sur une telle équipe pour ne pas leur permettre de faire leur jeu. Quand mon équipe doit se battre et s’efforcer, pour lentement prendre le contrôle du match !

Lesféminines.fr Est-ce que l’équipe nationale de l’Allemagne va se qualifier pour la Coupe du Monde en France ?

Tabea Kemme. Elle y sera sans aucun doute. Ce match perdu a tellement été mis au premier plan, tout simplement parce que dans le passé lors de tous les matches de qualification pour une Coupe du Monde nous n’avions jamais perdu. C’est un belle histoire pour les médias.

Gerd Weidemann pour lesfeminines.fr