Le football féminin change. Dans toutes ses composantes, intégration des clubs professionnels masculins, athlétisation et professionnalisation des joueuses à travers le contrat fédéral, médiatisation du calendrier de la D1F, pression quant aux résultats.

Les coaches n’échappent pas à ces adaptations et même si la durée de vie d’un coach de D1F est bien plus longue que son homologue masculin – on pense à Hervé Didier l’an dernier avec ses neuf saisons à la tête de l’ASSE – que peut faire un coach après s’être baigné dans le football féminin, dès lors qu’il sait que la mission sera – de plus en plus – à court terme ?

Une mise en concurrence interne. 

Finies les parties de pétanque à la fin d’un match. Vite terminées les larmes de bonheur d’une montée pour la construction d’un nouvel avenir à l’étage supérieur. De plus en plus, les relations amicales d’une saison n’empêchent plus les décisions finales de la saison suivante.

Gregory Mleko (Rodez) en a eu l’expérience ; lui qui s’est vu être le troisième larron d’un jeu musical à deux places réservée à son adjointe et ex-internationale, Sabrina Viguier devenue coach des Rafettes pour la saison 2018-2019 et à un tout nouveau directeur sportif Franck Plenecassagne, poste crée cette année suite à l’intégration de la section féminine à la SASP, terminant à une honorable 4è place du National 2018.

Dans un domaine plus calme bien qu’illustrant le propos. Le FC Fleury met en place Jean-Claude Daix, ancien coach de son voisin le Paris FC (ex-Juvisy) en remplacement de Lionel Cure (quatre saisons) qui formait un duo avec Nicolas Carric, fils du Président Daniel Carric.

Un autre exemple flagrant avec l’histoire d’Hervé Didier (ASSE), devenu libre fin 2017 après sa fâcherie avec Saint-Etienne entraînant quasiment la descente des amazones en D2F en 2017 quand les Girondins de Bordeaux de Jérôme Dauba, équipe montante, sauvaient leurs têtes dans les dix dernières minutes de la saison en réalisant un match nul inespéré face au PSG.

Un sauvetage « in-extremis » qui avait pourtant mis sur la sellette le bordelais pour la deuxième année de son contrat qui est cependant allé jusqu’à son terme.« Bien m’en a pris, puisque Jérôme Dauba y fait un très bon travail. » Une saison terminée à la septième place finale, butant cependant pendant longtemps sur la quatrième. Un bel exploit.

L’année précédente, discutée. Cette saison, conforté mais pour une année supplémentaire seulement (2019).

Trop d’investissements et trop de pression.

Peut-être une décision venue du coach bordelais ? Personne n’oubliera son coup de fatigue de début 2018 qui l’avait éloigné des terrains pendant une bonne quinzaine de jours. D’autres coaches ont pris de la distance.

Jérémie Descamps (Losc) a décidé de se mettre en retrait après sa première saison en D1F. Auparavant Jean-Claude Barrault, en 2013, s’était aussi retiré après une excellente cinquième place avec Soyaux, tout juste revenu dans l’élite de la D1F. Sarah MBarek (EA Guingamp), tout juste diplômé du plus beau des sésames du football avec le BEPF se met aussi en retrait après cinq saisons à l’EA Guingamp et une dernière terminée en « queue de poisson ».

La D1F féminine est devenue un moteur de pression que la médiatisation par Canal du football féminin ne peut qu’augmenter avec l’image des clubs professionnels masculins comme l’OL, le PSG, Montpellier, Paris FC, Girondins de Bordeaux, EA Guingamp, Dijon, FC Metz, et le Losc mise en lumière sans pour autant que les moyens ne soient à la hauteur d’une garantie de réussite, même si elle ne se situe qu’au niveau du maintien.

Le calcul des pros n’étant pas compliqué à comprendre. Un risque de descente limité à deux clubs, pour conserver une image de D1 ou D2F. L’essentiel étant d’avoir une section féminine à l’un de ces deux étages.

Le football féminin quitte le monde des Bisounours.

Pour autant le train est lancé et les premières affaires juridiques ne vont pas manquer de pointer leur nez. Qui n’a pas en mémoire la mise à pied du PSG contre Patrice Lair pour les quinze derniers jours de son contrat ? Portant un arrêt maladie à son employeur quand les féminines sont à trois jours d’une finale de Coupe de France qu’elles remporteront face à l’Olympique Lyonnais (0-1).

Une situation ubuesque que la météo aura illustré. Un match arrêté pendant plus de 45 minutes. Entre pluie et éclairs et une victoire parisienne qui, sur le plan juridique, verra la rencontre brute du Droit face à celle de l’image.

Un dilemme courant en football masculin, rare en football féminin.

Le football féminin interpelle de plus en plus de coaches.

Bien entendu, dès lors que les salaires le permettent. Les coaches du football masculin n’ont plus d’appréhension à évoluer dans le football féminin, qui pourrait dans son élite, faire la réussite professionnelle de certains. Farid Benstiti et Patrice Lair en sont les exemples passés. Bruno Bini et Philippe Bergerôo en tant qu’anciens sélectionneurs n’ont pas à regretter leur maillot des Bleues. Gérard Prêcheur, même bousculé en Chine, réussit une belle fin de parcours. Reynald Pedros et Olivier Echouafni, maintenant coach du PSG, prennent leurs marques dans ce milieu.

Bernard Mendy n’était pas loin d’un sacre quand d’autres du PSG avaient pointé le doigt.

Que faire après le football féminin ? 

Hervé Didier, le stéphanois, vainqueur de la Coupe de France en 2011 et finaliste 2013, est toujours professeur d’EPS, membre de l’éducation nationale, intervenant en Université et observateur du football féminin pour le plaisir.

Il aurait bien aimé être contacté pour apporter ses compétences dans un projet fédéral mais il se demande, avec le temps, si le passé trop prononcé n’est pas un poids même si Ulrich Ramé l’avait sondé en 2017 pour les Girondins de Bordeaux.

Gilles Agniel (Nîmes) a fait partie pendant la saison 2017, avec Cécile Locatelli, de l’équipe d’Olivier Echouafni pour superviser les adversaires de l’Euro 2017. Maintenant sur un projet de masculin régional mais près à rebondir dans le football féminin.

Théodore Genoux, coach de Bordeaux pour la montée en 2016, responsable des U19 de Fleury en 2017, coach d’Albi en 2018 qui n’est descendu que par le contrecoup d’une place de barragiste pris seulement lors de la dernière journée à la faveur d’une défaite logique face à Montpellier alors que Fleury faisait match nul avec le Paris FC dans un derby parisien de voisin se retrouve lui aussi, maintenant, sur le marché pour un projet ambitieux en D2F.

Le football féminin s’adapte. Il mue.

Son seul défaut, comme dans le domaine sportif. Les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il faut faire beaucoup avec peu.

William Commegrain lesfeminines.fr