Le football allemand sort de la Coupe du Monde 2018. L’info nous explose au visage. Pourtant, dès demain et l’extraordinaire France-Argentine, la déconfiture allemande tombera dans l’oubli, juste ressortie pour expliquer la défaite de l’une ou de l’autre, et ainsi de suite.

La Coupe du Monde a le principe révolutionnaire qui plaît. Elle coupe des têtes à chaque tour. On oublie vite les têtes tombées, pour se focaliser sur les suivantes.

Une des questions est de savoir si cette mésaventure est conjoncturelle ou structurelle ?

La tête d’Hummels qui se transforme en coup d’épaule dans les prolongations pour finir hors cadre est-elle une maladresse du moment ou le signe d’une déficience continue mais récente des joueurs et joueuses allemandes à être au niveau de l’enjeu d’un tel match ?

Difficile d’y répondre de manière précise. En jetant un regard sur la performance récente de tout le football de nos voisins d’Outre Rhin, hommes et femmes confondus, et en descendant au niveau des U20 sans oublier de passer par les clubs, vecteurs de motivation et d’identité fortes, on s’aperçoit d’une pente descendante forte en quatre ans.

Si on doit comparer avec des systèmes qui vivent du mouvement. En bourse, dès lors qu’un cours descend, il finit par rebondir à un moment. Si l’information est ponctuelle, alors il repart rapidement dans une phase ascendante. Dans le cas contraire, il faudra subir deux rebonds mais deux autres descentes puis une stabilisation avant que la courbe ne reprenne une forme ascendante à long terme.

Quelle a été la situation de l’Allemagne dans ces quatre dernières années ?

2013-2014. L’Allemagne au Paradis du football. Une pluie de trophées, hommes et femmes confondus.

En 2014, l’Allemagne est championne du monde de football masculine en ayant réalisé une demi-finale historique face au Brésil sur ses terres (7-1). Comme les U20 féminines le feront au Canada moins d’un mois plus tard. Le Bayern de Munich laisse la Ligue des Champions au Réal Madrid après l’avoir gagné en 2013. La seule compétition féminine d’ordre international est la Women Champions League, remportée pour la seconde fois par le Vfl Wolfsburg (2013, 2014) qui s’installe comme le concurrent redouté de l’Olympique Lyonnais.

L'Allemagne, championne du monde. Une nation qui gagne tout en 2013 et 2014.

L’Allemagne, championne du monde. Une nation qui gagne tout en 2013 et 2014.

Nadine Kessler est élue meilleure joueuse UEFA et FIFA, dans la continuité de 2013 avec Nadine Angerer et le gain de l’Euro 2013. Première gardienne à gagner ce trophée qui échappera à Manuel Neuer (3e en 2014), terminant à la même place de Franck Ribery (2013), joueur du Bayern de Munich.

Jupp Heynckes (Bayern, 2013) et Joachim Löw (2014) gagnent le trophée du meilleur coach FIFA suivis de Silvia Neid (2013) et Ralf Kellermann (2014) pour le football féminin.

L’aigle allemand brille dans le monde du football. Seule ombre au tableau, les U20 masculin ne se sont pas qualifiés pour le Mondial 2013 organisé en Turquie que la France remportera avec la génération Pogba.

Mais pour reprendre l’analogie boursière, les traders savent « que les arbres ne montent pas jusqu’au Ciel ». Le Bitcoin en est le meilleur exemple, mais l’Or n’en est pas loin de même.

En 2015-2016. Les médailles des JO ont-ils été l’arbre qui cache la forêt ? 

La grande Mannschaft se maintient avec l’Euro 2016, les supporters des Bleues suivront avec passion la victoire française (2-0) lors de son Euro 2016 contre la Mannschaft en demi-finale.

Au niveau des clubs, La Ligue des Champions masculine bascule définitivement vers l’Espagne, remportée par le FC Barcelone (2015) de Messi et le Réal Madrid (2016). Le Bayern de Munich butera deux fois en 1/2 finale (2015 et 2016) quand Dortmund aura lâché l’affaire bien plus tôt en 1/8 (2015), face à la Juventus. (5-1 sur les deux rencontres). Le Vfl Wolfsburg n’aura tenu qu’au niveau des quarts (2-3, 2016)

Les JO de Rio en 2016 ont-ils été l’arbre qui cache la forêt en donnant l’Or aux féminines face à la Suède et l’Argent aux hommes (joueurs de -23 ans), battu par le Brésil à la maison (1-1, 5 tab à 4). Dans une revanche du Mondial 2014, sur un score serré, acceptée et acceptable par la Mannschaft.

Chez les plus jeunes U20, qualifiés cette fois pour cette nouvelle édition du mondial des U20 masculin en Nouvelle-Zélande (2015), l’Allemagne est battue de manière surprenante par l’inattendu Mali, futur 3e de la compétition, aux tirs au buts lors des quarts de finale (1-1, 4 à 3).

Pour les féminines, La section féminine du club de Volkswagen, le Vfl Wolfsburg sera éliminée par le Paris Saint Germain (demi-finale en 2015) mais ne subira la loi de l’Olympique Lyonnais en 2016 qu’au stade de la finale.

De son côté, le Bayern, ne dépassera pas les deux premiers tours en 2015 et 2016. Au niveau des U20, les allemandes laisseront leur titre 2014 au stade des quarts de finale (1-0) face à la France de Delphine Cascarino, future vice-championne du Monde.

L’Allemagne se maintient, en mangeant moins. Certains la voient en phase de digestion. L’actualité pourrait nous  faire dire qu’elle a moins faim.

2017-2018. Le plongeon du football allemand. 

La catastrophe chez les filles. Les féminines perdent l’Euro 2017 en quart de finale face au Danemark. Une tragédie pour la deuxième nation mondiale qui avait remportée les huit dernières éditions !

En 2018, pour la première fois de son histoire, l’Allemagne descend à la troisième place du classement FIFA et laisse sa place à l’Angleterre. Steffi Jones, à la tête de la Mannschaft est critiquée puis remerciée après une lourde défaite face à la France à la SheBelievesCup 2018. La décision n’empêche pas les 5 millions de licenciés allemands de s’interroger sur l’élimination possible de leur équipe à la Coupe du Monde 2019 après une défaite à domicile contre l’Islande. Horst Hrubesch, est appelé en pompier de service.

Le Vfl Wolfsburg et le Bayern de Munich regardent la première finale 100% française en 2017 et ne peuvent que constater la victoire écrasante de l’OL (4-1) aux prolongations face à Wolfsburg en 2018.

Chez les U20 masculin, l’Allemagne se fait sortir en 1/8 de finale par la Zambie (4-3 après prolongations). En Ligue des Champions, le Bayern et Dortmund laissent leurs rêves au stade des quarts de finale de la Ligue des Champions (2017) quand Dortmund ne sort même pas de son groupe en 2018 !

Les récompenses individuelles, tant chez les hommes que pour les femmes, font partie du passé.

L’élimination de l’Allemagne dans cette phase de groupe du Mondial 2018 est la conséquence d’une série négative qui n’a pas été prise au sérieux par la fédération qui possède le plus de licenciés au monde.

L’Allemagne pourra-t-elle rebondir ? 

L’Allemagne est auto-suffisante en terme de football. Son financement est assuré. Les stades allemands sont ceux qui sont les plus remplis en Europe. Les médias ont payé le prix. L’Allemagne pourra d’autant rebondir qu’elle n’est pas impactée structurellement.

L’analyse sera sans concession. On n’est pas sur le podium de l’exportation mondiale (1.340 milliards), soixante dix ans après avoir été détruit sans savoir « se retrousser les manches ».

L’erreur de l’Allemagne ? Une suffisance dans ces certitudes qui l’a empêché de s’adapter. Structurellement et sur le rectangle vert.

Inverser la tendance, sans connaître les « faux signes » du rebond ? Il faut juste que l’Allemagne en ait envie. Affaire d’orgueil.

L’Allemagne est-elle orgueilleuse ?

William Commegrain lesfeminines.fr

PS : A regarder de près pour le Mondial 2019 en France. Un signe à suivre chez les U20.