Gilles Eyquem, sélectionneur des Bleuettes, jette un regard d’ensemble sur le Mondial 2018 et la future performance de l’Equipe de France qui va évoluer dans un tout autre environnement que lors du Mondial 2014 et de celui 2016 à l’autre bout du monde en Papouasie. Parmi les favoris du Mondial qu’elles vont travailler pour le remporter, l’encadrement des Bleuettes a travaillé tous les nouveaux aspects du football féminin pour les maitriser. Tour du propriétaire qui préfère être Champion du Monde le 24 Août au soir (finale), et pas avant.

Lesfeminines.fr Bonjour Gilles, quelles sont les sensations à 50 jours (5 Août) du Mondial U20 en Bretagne.

Gilles Eyquem. Serein et tranquille. Un peu comme les filles, en vacances. Même si j’ai donné ma liste des 21 qui sera officialisée prochainement. Mon amie Gaëlle Dumas va sortir la sienne qui était dépendante de mes choix, comme il a été convenu entre nous. Priorité est donnée à la Coupe du Monde U20 à la maison.

Lesfeminines.fr Comme toute liste, les choix n’ont pas dû être facile ? 

Gilles Eyquem. J’aurais pu en amener 23 ou 24. On a fait le choix d’une liste à 21 joueuses avec une liste complémentaire de joueuses nées en 98. On se donne aussi la possibilité de rappeler une ou deux joueuses prises en U19 au championnat d’Europe (18 – 30 Juillet) en Suisse. C’est une liste équilibrée entre les anciennes et les nouvelles, qui sera communiquée dans la foulée de celle de Gaëlle Dumas.

Lesfeminines.fr Justement, ce doublon avec l’Euro des U19 (18 – 30 Juillet) n’a-t-il pas eu une conséquence sur la liste des U20 ? 

Gilles Eyquem. Il y a quelques filles qui ont joué le Tour Elite U19 et qui seront avec nous en U20. Comme la priorité a été faite sur les U20, mes choix ont une conséquence sur la liste des U19 mais pas le contraire.

Lesfeminines.fr Le fait que la compétition se passe en dehors de tout championnat ne va-t-il pas poser des soucis de niveau ?

Gilles Eyquem. Ce n’est pas une difficulté car nous l’avons anticipé. On a évoqué ce point avec les joueuses lors de notre rassemblement en Avril. Elles savent exactement ce qu’on attend d’elles. On s’est bien calé avec les clubs pour savoir « qui fait quoi » afin que les filles n’aient pas le sentiment d’en entendre de partout sans savoir à quel saint se vouer.

L’apport de Jeremy (Préparateur athlétique) est essentiel à cet égard. Il communique régulièrement avec tous les clubs et fait des bilans à chaque stage, tout en suivant chaque joueuse en club. Je pense qu’il est un vrai atout pour nous.

Les joueuses sont soit en vacances, soit finissent leurs examens scolaires pour certaines. Après, elles ont 15 jours à plus de repos avant de ré-attaquer une préparation individuelle fournie soit par les clubs, soit par nous. Les clubs reprennent souvent après le 14 Juillet et nous récupérons les joueuses le 23. On attaque la préparation en fonction de chacune. Tout a été planifié jusqu’au dernier match de poule face aux Pays-Bas à Saint Malo.

Lesfeminines.fr Vous avez l’habitude de faire beaucoup tourner dans vos tournois. Que va-t-il en être pour ce Mondial ? 

Gilles Eyquem. On va essayer d’être dans une autre dynamique en sachant que pour cette Coupe du Monde, les deux premiers matches seront essentiels. Il faut les gagner pour sortir alors qu’en Papouasie (2016 – vice championne du Monde), on avait fait deux matches nuls pour avoir le couteau sur la gorge lors du troisième ! On va mettre l’accent sur ces deux premières rencontres.

Je sais que pour aller loin dans le tournoi, il faut tourner. Alors on va essayer de jongler. Nous devons déjà gérer la première rencontre face au Ghana. Equipe dont nous avons un mal fou pour avoir des images. Si c’est l’image de celle de Papouasie, on va avoir affaire à une équipe difficile à gérer avec beaucoup d’engagements et pour laquelle, je ne suis pas sûr qu’il y ait un cadre bien défini. Ou s’il est défini, il n’est pas respecté. Je m’attends à tout et dans ces conditions, il faut se concentrer sur ce que l’on est capable de produire.

Lesfeminines.fr On le sait, en U20, on a souvent un problème d’efficacité. Quel est-il pour cette version 2018 de l’Equipe de France ? 

Gilles Eyquem. On a beaucoup de talents avec un potentiel offensif qu’on a jamais eu à un tel niveau auparavant mais on a toujours ce problème d’efficacité, à l’image du Tournoi de Toulon. Dans ce domaine, on est encore un peu tendre.

Lesfeminines.fr Vous avez rencontré en amical l’Allemagne, les USA, le Japon. A part la Corée du Nord, tous les favoris. Quel est votre sentiment ? 

Gilles Eyquem. On est pas loin de ces équipes là, mais on doit gagner en régularité notamment sur le plan défensif. Auparavant, notre force était défensive mais dans cette génération, on est capable d’absence comme lors du dernier match face aux USA où on leur donne deux buts. A ce niveau, ce n’est pas jouable car on le paie cash ensuite. Ce sera difficile d’espérer mieux si on est pas capable d’être plus serein derrière.

Lesfeminines.fr Des adversaires américaines de qualité ?

Gilles Eyquem. Je les ai trouvé en très gros progrès sur la qualité du jeu fourni. Elles ont des individualités devant de très haut niveau. Smith, c’est énorme. C’est une fille qui va faire mal dans cette Coupe du Monde. Sanchez, qu’on connaissait déjà a gagné en maturité. Elle était jeune en Papouasie et sortait du tournoi des U17. A Salon de Provence, c’est une autre jeune fille qui a joué avec de bons arguments.

Avec ces deux joueuses devant, c’est très solide et leu jeu est bien plus cohérent que celui qu’on connaissait avec de grandes balles devant. Cela court et cela joue.

Lesfeminines.fr La proximité de 2019 est certainement un élément à prendre en compte avec l’espoir des joueuses d’appartenir à la liste de Corinne Diacre ? C’est une nouveauté par rapport à la Papouasie.

Gilles Eyquem. Par rapport à 2016 il y a beaucoup de choses qui vont entrer en ligne de compte et qui vont faire que cela va être plus compliqué. Le fait de jouer en France, devant la famille qui va donner une pression supplémentaire. La presse, avec certainement plus de sollicitations et d’attente qu’au Canada (2014) ou lors de la Coupe du Monde 2016 (Papouasie).

Ensuite 2019 qui est très proche ne sera envisageable que si elles font une bonne coupe du Monde 2018. C’est certes une étape pour se montrer mais comme je leur ai dit, elles peuvent être les meilleures su monde, si elles ne sont pas capables de s’intégrer dans un groupe, ce sera difficile pour Elles. C’est le groupe qui les feront émerger. On travaille beaucoup sur cela, leur faire entendre.

Enfin, chez les U20 certaines choses ont changé avec le rôle des agents qui donnent des conseils avec des objectifs autres que les nôtres. Et il va falloir apprendre à faire avec. Car aujourd’hui, cela joue sur les filles. On a réalisé beaucoup d’entretiens individuels, on constate avec les filles que certaines choses sont positives mais elles se rendent aussi compte de certaines déceptions.

Lesfeminines.fr Vous pensez à des joueuses qui ont choisi de tenter leur chance à l’étranger ? 

J’aurais aimé que cela apporte plus. Je pense à Sana Daoudi qui aurait trouvée une place de titulaire dans n’importe quel club de D1F en dehors des trois premiers et dont l’expérience à l’Atletico de Madrid ne nous a pas apporté autant, ni à elle, dans la mesure où elle n’a pas été souvent titulaire.

On a toujours ce problème d’U19-U20 qui ont du mal à trouver leur place dans une équipe française au niveau d’une équipe qui leur permette d’être sélectionnée quand déjà, les coachs sont débordés de proposition de joueuses étrangères. Prêtes à venir, souvent à des conditions salariales inférieures aux françaises.

Pour le cas de la jeune française qui joue en Suède (Annahita Zamanian/Göteborg) et qui y habite depuis l’âge de 5 ans, c’est elle qui est venue me voir dans un tournoi à l’étranger avec sa mère, pour me dire qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle n’était plus convoquée après les U16. En fait, elle était passée à travers les mailles du filet et comme elle avait l’âge des U20, je l’ai prise dans un stage et elle m’a convenu.

Lesfeminines.fr Au final, le football change car il évolue. Quel est votre regard sur cette période avec les filles commencée depuis 2012 ?

Gilles Eyquem. Beaucoup de plaisirs. Cela vaut tous les résultats (Champion d’Europe U19 2013 et 2016, bronze mondial 2014, Argent Mondial 2016. Argent Euro 2017). Ce sont des moments passionnants et j’espère que cet état d’esprit va rester le plus longtemps possible mais, il faut être très attentif.

Le football féminin était un football où on ne calculait pas. On commence à faire le contraire. C’est aussi cela le professionnalisme. Cela a bousculé tout cela et il faudra s’adapter car forcément, cela risque de ne pas être tout à fait le même état d’esprit.

William Commegrain lesfeminines.fr

Le groupe de la France est fait du Ghana (Vannes, 5 Août, 19h30), de la Nouvelle-Zélande (Vannes, 8 Août, 19h30) et des Pays-Bas (Saint Malo, 12 Août, 16h30). Les deux premiers sont qualifiés pour un quart de finale.