Le football féminin a tout du keyboard d’un piano quand il se joue vraiment au féminin. A l’opposé du son monocorde du football masculin qui cherche, comme dans le rap, l’habitude des gestes et des sons pour s’imposer aux autres ; le « women soccer » doit se regarder comme un concert d’Alicia Keys, dans un « home style », in a corner, fermé ou grand ouvert. Peu de gens mais beaucoup de coeurs « open » et soudain, pendant quatre vingt dix minutes, quand les actrices ont lancé leur jeu, ce sont des cris et des voix qui s’échappent, s’extasient, crient, se désespèrent, d’abord au bord d’une émotion, plus que d’un résultat.

Celle des joueuses, celle du public, celle des enfants. Celle du coeur.

Le jeu et l’enjeu veulent que maintenant les filles jouent comme des soldats. A marche militaire vers le but adverse. Les yeux fermés sur leur action dans l’espoir de voir la teammate reprendre cette balle pour la faire dépasser une ligne blanche continue, qui comme toute les lignes blanches continues ne doit jamais être dépassées. Permis de défendre en poche.

Dans ces concerts de matches masculin-féminin « top market », on ne sait plus si le fait que le producteur, fédération-club, soit aussi content que les actrices ne devrait pas être la pire des commandes. Assis sur son fauteuil marqué et identifié, le fédéral-propriétaire prend du poids et donne du poids au jeu. Quelques fois excessif. Les lieutenants du jeu, maintenant payés, obéissent à cette règle de l’obéissance, mère de l’Ordre et explication adorée de la règle à suivre, à respecter pour tout expliquer. « On a les trois points ».

Puis des fois, loin de tout cela, comme une surprise inattendue. Vient le désordre. La voix, celle d’une autre voie.

Il tape à la porte du jeu. Demande de la place. Orgueilleux, féminin dans l’âme, il vient avec l’espoir rêvé ou le rêve espéré suivant sa force, de faire vivre et vibrer le corps humain pour créer l’incroyable, l’impossible. Les filles savent qu’elles jouent pour de l’émotion. Et dans ce monde qu’elles ont cloitrées et cloisonnées, de Mère(s) supérieure(s) à Nonnes, elles se retrouvent dans l’expression de ce jeu. L’émotion, d’abord de l’émotion. Toujours de l’émotion.

Et, sous les yeux de la raison, obligée et contrainte, frappé du tampon administratif « Exact » ; voilà le jeu féminin qui gagne. Une incroyable victoire que la raison n’accepte d’avaliser qu’à la lecture des faits, pour conserver quand même une raison d’être raisonnable.

Personne n’est dupe, l’exploit s’est imposé au monde du raisonnable et les filles deviennent déraisonnables. Insérant le mot « Emotion » dans celui de la raison.

Albi Asptt, village de France, football féminin aimé de l’Asptt, regardé par la fff vient de se coller à la 7e place du classement de la D1F. Plus petit budget de la division d’élite, voilà les jaunes et rouges en plein coeur de l’exploit. Vivant et vivantes d’une émotion incroyable qui a la couleur de l’exploit. A voir les mains de Theodore Genoux sur la vidéo du chant de victoire. Lui ce jeune au coeur fougueux, vient de voir l’incroyable. L’émotion est là. Elle restera longtemps dans son coeur.

Fleury qui porte un nom champêtre qui peut faire croire que l’Essonne est encore une terre agricole. Coincées entre ses bras d’autoroutes qui se croisent et se décroisent, des filles en rouges en noires n’ont jamais cru à ce que le comptable du classement leur imposait. Cette dernière place qui n’était pas celle de leur vérité. Leur jeu valait un concert. Il y a chez ces filles, la volonté d’aller loin devant, toujours plus loin. Elles sont plus unies que les doigts d’une main. Elles vivent une aventure unique et incroyable. Sortir de la ligne rouge, pour comme des Artistes, crier enfin leur joie d’avoir montré qu’elles ont réalisé leur exploit.

Le football féminin ne vaut que s’il est émotion. Tous ceux qui voudront le transformer en masculin l’enterreront.

Peut-être que ces filles le savent et comme des « Girls on Fire », elles mettent le feu au raisonnable pour juste dire que le football féminin, Messieurs, Mesdames, c’est tout simplement déraisonnable.

William Commegrain lesfeminines.fr

  • FC Fleury 91 (2-0) Rodez Aveyron
  • ASPTT Albi (2-0) EA Guingamp
  • ASJ Soyaux (1-5) Montpellier Hsc