Soyaux fait une belle performance en remportant ses matches (Albi, Losc, Fleury) pour se sécuriser face au maintien et lancée par la performance de la 1ère journée, se retrouver à cette troisième place anecdotique après la 4è journée mais bien réelle.

Il est intéressant de voir comment un projet peut prendre de manière positive. A cet effet, je remonte l’interview de Tandia Siga, sa capitaine qui m’avait surpris lors de la présentation de la D1F, avec un franc-parler plein de sa vérité.

Quatre journées plus tard, la voilà meilleure buteuse de son club avec trois réalisations. Confinée dans un rôle de milieu de terrain défensif, c’est plutôt assez rare. Début Septembre, elle nous livre son sentiment sur la préparation, ce nouveau challenge « en s’investissant dans le football » et son regard sur le monde du « double projet ».

Soyaux, seul club féminin de l’élite, amateur obtient le match nul face au vice-champion d’Europe, le PSG. Tandia Siga (30 ans, 10è saison à Soyaux), comment s’est passé ce but égalisateur à la 93′ pour l’ex-club de Corinne Diacre ?

A Soyaux, on a deux pieds et deux mains et c’est d’abord ce qu’il faut sur un terrain !

TANDIA SIGA. Et bien, déjà dans le jeu on avait vu et compris qu’elles n’allaient pas bien. Elles se parlaient plus sur le même ton au fil des minutes et nous, on était de mieux en mieux. En fait, sur le coup franc c’est Anaïs Dumont qui vient se mettre à côté de moi et qui me dit : « Je suis petite (1m50), il ne me marque jamais. Tente ta chance ! » Ce qui fait que leur capitaine en a deux à marquer et qu’elle ne sait pas laquelle prendre.

On parle de Formiga, 39 ans, la seule au monde à avoir 6 Jeux Olympiques et 6 Coupes du Monde au compteur. Partenaire de sélection de Marta et de Cristiane. Une star internationale du football féminin. Et Tandia Siga, 30 ans, 10 ans à Soyaux, aide-soignante dans un EPAHD jusqu’au 1er septembre 2017, une des seules joueuses de D1F à avoir donné naissance à des enfants (Des jumeaux de 18 mois) et qui soit en activité, sent bien ce coup franc long qui lui arrive.

Elle s’infiltre, met sa tête, se retourne. Croit qu’elle va faire poteau extérieur pour finir par poteau intérieur ! C’est l’égalisation (1-1) de la petite ville de Soyaux, en Charente face au Paris Saint Germain, finaliste de la Coupe de France et deux fois finalistes de la Women’s Champions League (2015 et 2017), de sa capitaine qui avait répondu à l’animatrice trois jours avant au siège de la fédération, avec une fraîcheur réelle, « Qu’est-ce qui vous manque ? ». La réponse avait fusé, de celle qui, il n’y a pas longtemps, travaillait encore comme aide-soignante dans un EPAHD. Jeune mère de famille avec des jumeaux, revenue au sport de haut niveau. Les pieds sur terre : »Ecoutez, on a tout ! Sauf l’argent. »

Trois jours plus, elle a juste donné une définition précise à l’expression : « On a Tout ! ».

Revenons avec la capitaine sur ce qui a permis cette performance ! Avec le sourire quand on a en mémoire la phrase de Bernadette Constantin qui clôturait la séance de présentation. « A Soyaux, on a pas d’argent mais on a deux pieds et deux mains et c’est ce qu’il faut d’abord, sur un terrain ! »

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La ville de Soyaux fait baigner ses joueuses dans un environnement porteurs d’identité

Bonjour Tandia Siga. Venir à la fédération présenter son club, cela fait quoi ? 

« Je suis originaire de la région parisienne mais venir à la fff c’est un évènement exceptionnel pour des charentaises. Ce n’est pas comme aller à la boulangerie. Pour nous, la fédération c’est un gros symbole. C’est un moment particulier avec tous ces trophées quand on entre. Cela nous met dans l’ambiance. Tout le monde est bien habillée. C’est très solennel quand même.

J’ai particulèrement apprécié votre réponse : « On a tout, sauf l’argent ! »

Cela coulait de source avec cette réponse spontanée. C’est vraiment la réalité. Le club, les bénévoles. Tout le monde se démène mais à un moment donné, on est bloqué par quelque chose de fondamentale. C’est l’argent. Sans l’argent on bloque. On essaie de bloquer les manques autrement, en travaillant deux fois plus, en ayant deux fois plus de bénévoles, en démarchant encore plus les gens mais à un moment donné, on est face à un mur.

Quelle est votre motivation pour faire autant d’efforts ?  

Les efforts, on les fait pour notre club. Il a une histoire. Cela fait beaucoup d’années que le club existe et on a cet amour du club qui fait qu’on souhaite le voir au plus haut niveau et tout le temps. En deux, il y a tellement de bénévoles qui se donnent qu’on a pas envie de les décevoir et puis pour notre région, c’est tellement jouissif d’arriver : « ASJ Soyaux-Charente fait un nul contre le Paris Saint Germain ». Notre région, notre département, notre mairie. Tout le monde est content !

Vous vivez à Soyaux. On parle de vos performances au quotidien j’imagine. 

Que ce soit au travail. On est dans un petit lieu. On est vraiment baigné dedans. Aussitôt on nous en parle.

Aide-soignante à la ville, jeune mère de deux jumeaux, buteuse face au grand PSG et capitaine de Soyaux.

Quel travail faîtes vous ? 

J’étais aide-soignante dans un EPADH et depuis le 1er Septembre, le club m’a salarié. J’ai mis mon travail en parenthèse. Ce sont des gens ayant des handicaps, je crois. C’était vraiment des gens qui avaient des pathologies plutôt psy. C’était costaud et vraiment intéressant. Il faut donner de sa personne comme dans le football.

Je travaillais un week-end sur deux. Je finissais le soir à 21h15. Je commençais le matin à 6h30. J’avais des collègues qui me prenaient le dimanche pour me permettre de joueur. Pendant deux ans, cela a été compliqué. Je n’ai pas pu faire tous les matches et tous les entraînements. Cela faisait de grosses journées. C’est sûr que l’on a pas tout son temps pour soi. 5h30, j’étais réveillée. Travail 6h30. Finir à 14h30. Enchaîner le foot derrière. La vie de famille. ET cela s’enchaîne du Lundi au dimanche. Et ca s’enchaîne… ca s’enchaîne ..

Vous êtes mariée ? 

Non mais j’ai deux petites jumelles de quatorze mois.

C’est énorme. Je ne sais pas si vous n’êtes pas la seule footeuse à avoir des enfants !

Ah, c’est possible, je pense (Sourire).

Vous avez été déjà sélectionnée ? 

Oui. J’en ai très peu (3 quand même). J’ai commencé le football tellement tard que je n’en ai pas eu en jeunes et en B. Non, c’est Bruno Bini qui m’a sélectionnée en A en 2010 pendant les éliminatoires de la Coupe du Monde.

Là vous m’apprenez quelque chose. Avoir travaillé dans un EPAHD, il faut un caractère d’enfer pour travailler dans ces endroits là. 

C’était génial. Ce sont des vraies relations humaines car ce sont des personnes qui donnent tout, qui sont entières et qui ne trichent pas. C’était difficile physiquement car cela commençait à être dur mais au moins, quand je venais au foot, je savais pourquoi je venais au foot.

Mais ils vous suivaient ? 

Bien sûr, ils suivent. On a la chance d’avoir la Charente Libre qui donne les résultats de nos matches. Le lundi matin, quand on arrivait, ils nous charriaient un peu quand on prenait de gros scores. Il y avait toujours un retour, comme auprès des collègues que des résidents.

Vous avez eu des retours sur des grosses perfs ? Je pense au match nul en CDF contre le PSG (0-0) en 2013. Perdu aux tirs aux buts.

Incroyable comme le match et l’émotion semblent encore présents à l’esprit de la capitaine de Soyaux. C’est « comme si » elle était en train de le refaire. « Honnêtement, on s’était arraché comme jamais. On a craqué sur les tirs au but car on en a pas mis beaucoup mais, cela nous a fait du bien car il reste un gros noyau de cette équipe et on s’est toujours dit : « A un moment donné, cela va finir par payer face au PSG ! Et je pense que ce match, il nous rendu encore plus faut mentalement ! » Attendez, on parle de 2013. Il y a quatre ans ! Oui, mais il y a un bon noyau. on se rappelle de ce match. On s’est dit qu’on est pas passé loin. Et là encore, on est pas passé loin et on espère, dans un futur, qu’on va les battre. C’est quand même un objectif pour nous ! ».

L'explosion de joie et la surprise des joueuses de Soyaux après cette égalisation à la 93' (1-1). Crédit patrick Vielcanet. Lesfeminines.fr

L’explosion de joie et la surprise des joueuses de Soyaux après cette égalisation à la 93′ (1-1). Crédit patrick Vielcanet. Lesfeminines.fr

Une très bonne préparation du staff et au fil du match, les parisiennes ont douté ce qui a renforcé notre confiance.

Revenons sur le match de Dimanche. Comment avez-vous fait pour réaliser cette performance ? 

Il faut dire que le staff nous a vraiment bien préparé. On partait sur quelque chose de nouveau. Il nous ont dit. Ne vous inquiétez pas, vous allez être dans le dur mais vous allez être prêtes le jour J. Pas facile, car on avait vraiment tout changé sur les entraînement. Matin, soir. L’entraîneur, c’est un gagnant et il est là pour que l’on gagne. Il faut aborder ce match comme un match de Ligue des Champions. On savait qu’on allait subir, et on s’est dit : « il ne faut surtout pas craquer ». Car avec ce genre d’équipes, si vous commencez à craquer, on peut s’en prendre vite cinq.

Les moments difficiles, on a essayé de les gérer et à un moment donné, plus cela avançait ; forcément, plus on prenait confiance. On voyait que cela devenait fébrile au PSG. Honnêtement, jusqu’aux dernières minutes on s’est dit : on peut MAR-QUER !

Déjà, le nombre de loupés de leur part. EN plus, en jouant, on avait l’impression que tout allait avec nous. Notre gardienne fait un match EX-CEP-TION-NEL. Elle s’est mise en confiance. Elle nous a mise en confiance. Personne n’a rien lâché. Les filles qui sont entrées sont entrées dans le même état d’esprit. Il y avait notre groupe sur le côté qui était en train de pousser. Elles, derrière, on les voyait s’agacer. Elles se parlaient d’une autre manière. On voyait qu’elles manquaient de sérénité. Elles haussaient le ton. Le coach commence à faire des changements en défense centrale, ce qui est rare (Irène Paredes remplacée par Laura Georges à la 70′). Tout cela accumulé nous a permis d’engranger de la confiance et bizarrement, on s’est beaucoup mieux senti en deuxième période. Est-ce que le mental a joué. je crois que oui.

Comme quoi, l’info on la prend sur le moment. Il arrive cette dernière minute de jeu. Que s’est-il passé ? Superwoman arrive sur terre ? 

Franchement, le ballon arrive très bien. Il y a Ainaïs Dumont qui vient à côté de moi et qui me dit : Siga, comme je suis petite (1m50) il n’y a personne qui me prend au marquage. Donc on se retrouve à deux pour une joueuse. La capitaine parisienne. On était pas marqué de près toutes les deux ce qui nous a donné plus de libertés. Le ballon arrive bien, je la reprend bien. Je la voyais sur le poteau et quand s’est rentré .. ON A EX-PLO-SE !

C’est pour cela qu’on fait du foot. C’était génial. Je crois que des émotions pareilles, il n’y a qu’en sport que cela arrive. Ce sont des joueuses du Top niveau. On s’en est vite rendu compte. Elles ont essayé d’imposer leur jeu. Elles vont vite. C’est une belle équipe. Une très belle équipe. Il y a du beau monde. On est donc deux fois plus contentes !

Surtout que vous vous êtes battues et que vous atteignez, là, l’objectif ! On peut se battre et en prendre quatre !

Cela nous est souvent arrivé. Ce qui est du bien, c’est que cela fait du bien. Du bien au staff car ils se disent qu’ils ont bien travaillé. Pour nous les joueuses, cela fait un mois et demi qu’on a travaillé dans le dur et au moins on a un nul mais comme on s’est dit, si c’est pour perdre un match ensuite. Le nul ne nous aura servi à rien.

Mais face à une telle équipe, comment partir avec l’idée de faire un tel résultat. 

C’est simple. On est parti de l’idée que l’on avait rien à craindre et rien à perdre. Si on voit les sondages, on étaient perdantes. A nous de retourner la chose avec une espèce de décontraction, même si ce n’était pas possible. Après elles, je ne sais pas comment elles ont abordé le match ? Nous, le coach nous attendait sur notre état d’esprit. Le fait de ne rien lâcher et à la fin, je pense que cela nous a aidé et permis d’atteindre ce match.

Dernière question. vous voyez qui de fort dans votre équipe ? 

Je pense que Laura Bourguoin (24 ans) est une bonne attaquante. Elle est petite (1m53) mais avec elle, la balle est dans les filets. Sa taille lui permet d’être très vive. Ensuite, notre gardienne Romane Munich qui avec le travail d’Amandine Guérin est en train de prendre une grande dimension, du même niveau de celles qui étaient dans les grands clubs mais qui ne jouent pas, et face à de grosses équipes, elle répond présente.

Et vous ? Les équipes de France.

Ecoutez, déjà jouer une saison sans blessure et porter au plus haut les couleurs de Soyaux. Ce sont de beaux objectifs.

William Commegrain lesfeminines.fr

J2 : Soyaux reçoit le Losc quand le PSG