Par Charlotte Vincelot. Géographiquement isolée, rarement affrontée et n’ayant jamais atteint les demi-finales d’une grande compétition internationale, l’Australie reste dans l’ombre des grandes nations du football féminin tout en étant classée 7è nation FIFA.

Mais son statut pourrait changer dans deux ans, alors que l’équipe enchaîne les performances dans la continuité d’un groupe encore jeune qui a grandi ensemble. Leurs performances ont permis aux Matildas de se faire un nom dans ce pays où le sport tient une place importante, le football ayant réussi à s’imposer parmi les disciplines les plus pratiquées que sont le cricket, le football australien ou encore le rugby. L’île-continent, qui dispose de la sixième superficie au monde mais se classe au-delà du top 50 en terme de population, est petit à petit en train de s’imposer comme une force avec laquelle compter pour les prochaines échéances du football féminin mondial.

Une Domination régionale

En Océanie (OFC) jusqu’en 2006 puis en Asie (AFC) depuis plus de dix ans, les Matildas sont dominantes dans leur zone FIFA. Aux prises avec la Nouvelle-Zélande, l’Australie s’était imposée comme l’équipe numéro 1 en Océanie avant de rejoindre la zone Asie en 2006 pour changer de dimension. Depuis, en quatre Coupes d’Asie disputées, les Matildas ont remporté le titre en 2010, et échoué en finale à deux reprises (2006 et 2014). Elles ont également remporté le tournoi de qualification olympique début 2016 devant une équipe de Chine de retour aux affaires, éliminant au passage les vice-championnes du monde japonaises, en reconstruction depuis et battues 2-4 en juillet lors du Tournament of Nations joué aux États-Unis, un tournoi qui a vu les Matildas également prendre le dessus sur les États-Unis et le Brésil.

Si l’édition 2018 de la Coupe d’Asie devait se tenir aujourd’hui, l’Australie en serait la grande favorite. Elle fera toujours partie des favorites dans un an, mais la Chine de Bruno Bini (qu’elle affrontera à deux reprises en novembre) ou le Japon pourraient lui contester la couronne continentale. En ce qui concerne la qualification pour la Coupe du monde, avec cinq tickets pour la France et l’élimination précoce de la Corée du Nord, il lui faudrait faire un grand faux-pas pour rater la fête.

Les résultats du Japon, champion du monde en 2011, finaliste olympique en 2012 et mondial en 2016, champion d’Asie pour la première fois lors de la dernière édition en 2014, n’ont pas permis à l’Australie de sortir de l’ombre en s’imposant comme l’équipe numéro 1 en Asie. Mais la concurrence très forte en AFC lui a permis depuis dix ans de continuer sa progression et de devenir une valeur sûre du football mondial, bien qu’il lui manque un résultat probant dans une grande compétition pour valider ce constat. Cette présence en Asie lui a également permis de se confronter à une culture footballistique différente qui ne se ressent pas complètement dans son jeu, même si des joueuses telles que Katrina Gorry (qui évolue au Japon) ajoutent une touche technique à la sélection.

Australie, USA, Europe, France, rapports forts ou lointains.

Entre les États-Unis et l’Australie, la relation est forte. Entre similitudes et complémentarité, les deux nations sont faites pour s’entendre au niveau footballistique. Un langage commun, un style de jeu similaire, et deux ligues d’été auxquelles les hémisphères opposés permettent de prendre part dans leur intégralité. Nombreuses sont les Australiennes à avoir évolué, ou à évoluer en NWSL, et le contingent de joueuses états-uniennes grandit d’année en année quand vient l’heure de la W-League.

Mais récemment, plusieurs Australiennes ont fait le choix d’évoluer en Europe, cette année en Norvège et en Allemagne plus précisément, où l’on retrouve deux incontournables du milieu de terrain des Matildas (Kellond-Knight à Potsdam, van Egmond à Wolfsburg). Une tendance qui pourrait s’intensifier, même si évoluer en Europe signifie mettre une croix sur le championnat national qui a tout de même besoin de ses stars. Voir une internationale australienne évoluer en France dans le futur ne serait pas incongru, et ce ne serait d’ailleurs passé pas loin cet hiver pour la star de la sélection Sam Kerr, qui s’est imposée en 2017 comme une des toutes meilleures joueuses du monde après une année sans blessure.

Malgré un destin commun lors de la dernière Coupe du monde et des derniers Jeux Olympiques avec des éliminations en quart de finale, la France et l’Australie se connaissent mal. Comme c’est le cas avec la plupart des nations asiatiques, les Bleues ont rarement affronté les Matildas, à six reprises seulement dont quatre fois en 2001 et 2002. Les deux dernières rencontres en 2013 et 2014 (une victoire de chaque côté) font office de lointains souvenirs, même si le groupe australien n’a finalement que peu changé depuis (presque toutes les joueuses ayant pris part au dernier match sont des joueuses cadres de la sélection actuelle).

Le programme complet de préparation pour la Coupe du monde n’est pas encore arrêté pour les Bleues, mais il ne fait aucun doute qu’affronter les meilleurs représentants asiatiques (Japon, Australie, Chine) d’ici à 2019 doit être dans un coin de la tête de Corinne Diacre. Cela permettrait de jauger de visu les qualités de sélections appelées à jouer les trouble-fêtes en 2019 -et peut-être plus encore en 2023 alors que la Coupe du monde a de grandes chances de se jouer chez un représentant de la zone Asie, Japon et Australie en tête.

Coupe du monde 2015. La capitaine australienne égalise face aux USA. Crédit FIFA. Lesfeminines.fr

Coupe du monde 2015. La capitaine australienne égalise face aux USA. Crédit FIFA. Lesfeminines.fr

Un groupe australien qui a grandi ensemble

Les Matildas, c’est avant tout un groupe de joueuses soudé qui a pris du galon ensemble, et qui s’est battu ensemble pour gagner le bras de fer avec la fédération suite à la Coupe du monde 2015, qui les avait vues remporter le premier match à élimination directe dans une grande compétition de l’histoire des sélections australiennes. Elles avaient obtenu une meilleure rémunération et des conditions de travail et de suivi améliorées notamment. Aujourd’hui, elles sont une des sélections phares du pays tous sports confondus et font grandir la discipline qui compte de plus en plus d’adeptes.

Encore aujourd’hui relativement jeune, avec une majorité des joueuses ayant moins de 25 ans, l’équipe ne manque pourtant pas d’expérience, et cette continuité pourrait finir par payer. Dans la sillage d’une Sam Kerr tout simplement inarrêtable en 2017, la sélection a remporté des résultats probants ces derniers mois, et a été une des causes indirectes du licenciement de la sélectionneuse brésilienne Emily Lima, défaite trois fois consécutivement en l’espace de six semaines. Solide à toutes les lignes, il lui manquait jusque-là ce « petit plus » qui lui aurait permis de continuer sa route en 2015 ou 2016, éliminée de justesse à deux reprises en quart de finale. Une Sam Kerr en pleine possession de ses moyens pourrait être ce facteur X.

L’arrivée d’Alen Stajcic à la tête de la sélection en 2014 a été positive. Adepte, un peu comme John Herdman (le sélectionneur du Canada), de l’appel en sélection de très jeunes joueuses (mais également de placer les joueuses à n’importe quel poste sur le terrain), il cherche à enrichir un noyau plutôt important et solide de Matildas pour construire un groupe plus étoffé qualitativement, qui aille au-delà d’un groupe de douze-treize joueuses enchaînant les rencontres, un fait qui a sûrement coûté de la fraicheur à la sélection lors des dernières compétitions.

Dans le sillage de sa capitaine trentenaire et âme de la sélection Lisa De Vanna, la jeunesse australienne est prête à passer un cap lors de la prochaine Coupe du monde… mais il lui faudra obtenir sa qualification au sein de la très relevée zone Asie, en 2018 lors de la Coupe d’Asie féminine de football.

Charlotte Vincelot pour les feminines.fr