PATRICE LAIR. Sous la pluie et le vent, à deux « miles nautiques » de Saint-Brieuc, le Paris Saint Germain version féminine a choisi pour la seconde fois le centre d’entraînement de Ploufragan pour préparer sa saison 2017-2018 après une finale de Coupe de France et de Ligue des Champions en 2017. C’est là que nous retrouvons Patrice Lair, pour sa seconde saison à la tête du PSG, avec comme leitmotiv : « Faisons table rase du passé quelque soit sa qualité ; concentrons-nous sur l’avenir en ayant un mot d’ordre : progression. »

L’homme, récent titulaire du BEPF, qualifie le centre d’entraînement de Bretagne Henri Guerin, avec ces trois qualités : « Pas de déplacement, tout sur place, on n’a qu’à penser football ».

Patrice, quel regard portes-tu sur la saison dernière ?

Patrice Lair fait une analyse en deux temps. La première concerne les performances pur atteindre les finales de la Coupe de France et de la Ligue des Champions « Une progression. Cela a été positif. On est parti de loin (beaucoup de départs vers l’Olympique Lyonnais) quand même avec un changement de méthode (à la suite de Farid Benstiti) ; une progression de joueuses qui a été intéressante avec, en cours de saison, un recrutement de bonnes joueuses qui nous ont apporté « le petit plus », surtout au niveau collectif, dans un système de jeu de 3-5-2 qui était bien adapté à notre effectif et qui nous  permis de faire des prestations intéressantes. »

Il nous a manqué un petit banc de touche costaud pour pouvoir injecter et faire tourner. On aurait pu gagner quelque chose, même si c’est passé très près. Forcément, un peu de déception quand on perd mais aussi en ayant le sentiment d’avoir réalisé un travail accompli avec des moments forts.

Puis la seconde partie de championnat avec trois défaites (Lyon, Montpellier, OM) et deux nuls (Guingamp et Bordeaux) qui ont condamné le PSG à la 3è place. C’était positif dans le travail. Positif pour le club. Pas pour moi car je reste compétiteur et je veux avoir des résultats rapidement alors peut-être une seconde partie de championnat à revoir. C’est surtout notre manque d’effectif qui nous a perturbé à ce moment là, tout en sachant que dans notre première partie, nous avons eu beaucoup de réussites.

Il y avait peut-être trop d’objectifs au même moment dans la seconde partie ?

Patrice Lair prend toutes les compétitions pour les jouer. « Oui mais c’était bien. On ne peut pas lâcher les choses. A un moment donné, tu ne peux pas lâcher la Coupe du France car c’est un état d’esprit différent. Tu ne peux pas lâcher la Ligue des Champions et on a été surpris nous-même d’aller aussi loin (finale) alors qu’on aurait pu être sorti après le premier tour.

Il y voit des sources de progression et de satisfaction. « Voir qu’ensuite on a été capable de battre des équipes qui pour moi en début de saison nous étaient supérieures : Bayern, Barcelone. On les a quand même corrigé au Parc. On a progressé par rapport à des jeunes joueuses qui ont passé un cap et sont devenues internationales.  Mon objectif est là aussi. De pouvoir faire passer à deux ou trois un cap supplémentaire. Aminata Diallo, il lui manque pas grand chose pour intégrer l’équipe de France. Marie Antoinette Katoto, elle c’est pareil. Diani qui est une bonne joueuse et dont j’espère qu’elle va passer un cap supplémentaire avec nous ».

Je vais chercher à avoir plus de verticalité cette année. De la profondeur, ce qui m’a manqué l’an dernier pour remporter une finale »
 Je suis serein et j’essaye de faire progresser au maximum mes joueuses mais j’ai besoin aussi d’étrangères pour des postes successifs  afin d’essayer à avoir plus d’équilibre avec plus de verticalité devant. Il me manquait de la profondeur l’an dernier et cette année, je pense être mieux équilibré. Il me manque deux joueuses et on va essayer de recruter intelligemment, toujours dans l’état d’esprit du groupe et de l’équilibre de l’équipe.

On a senti l’an dernier, qu’un groupe se construisait, tout en étant surpris de sa performance. Cette année, tes joueuses ont gagné en confiance et plus de certitudes dans leurs moyens ?

Patrice Lair a la particularité de ne jamais s’appuyer sur le passé pour progresser, il y recherche juste une information sécurisante quand cela est le cas. « Il ne faut pas relâcher. Il faut rester dans l’exigence et le travail car souvent les jeunes passent un cap mais après se relâchent quand elles sont arrivées au haut niveau alors que c’est là qu’il faut travailler encore plus, être plus performant avec une tête bien faite pour continuer à progresser. Quand on y arrive, forcément, cela démontre aux jeunes joueuses derrière qu’elles peuvent y arriver.

Une question sur les tactiques employées lors de l’Euro, fermé une cependant finale ouverte. Est-ce un nouvel exemple du football féminin ?

Franchement, bien que consultant pour Eurosport lors des matches de l’Equipe de France, j’ai regardé très peu d’autres matches. J’ai commenté deux autres matches. Un qui m’a bien plu, avec Danemark – Allemagne (2-1, quart de finale). Je n’ai pas suivi les équipes étrangères. Sur l’ensemble, j’étais déçu du manque de public.

La France m’intéressait et je suis chauvin de ce côté là. Mon seul regret, on n’a pas démontré nos qualités. Après, c’est aussi à nous les entraîneurs de clubs de nous mettre au travail pour faire progresser nos joueuses car ce n’est pas forcement un sélectionneur, en les voyant une dizaine de jours, qui peut transformer les joueuses. C’est à nous au quotidien de faire un travail pour faire progresser nos joueuses et avoir une sélection qui soit une grosse équipe.

Il faut tourner la page et tout se duite à penser à la Coupe du Monde dans deux ans. On sait que l’on a une bonne équipe. Les Pays-Bas ont été championnes d’Europe. On les a battu même si c’est lors des matches amicaux. Je suis persuadé que l’on a les moyens de passer ce cap. Je le dis à chaque fois car j’y crois fermement. je crois en en nos joueuses pour les faire jouer sur leurs qualités.

Je pensais qu’on irait au bout avec de meilleurs résultats.

Il me semble qu’il y a eu une déception avec l’équipe de France, sans parler du contenu qui peut pénaliser l’évolution du football féminin.

Patrice Lair. On est passé à côté. Il faut aussi que l’on se remette en question dans les clubs. Dans les gros clubs aussi. Que l’on fasse joueur un peu plus les jeunes joueuses françaises même si on a des étrangères. Car la compétition, si tu n’as ps joué des matches en D1F, ni de matches européens, comment veux-tu rivaliser ensuite. Il faut une certaine expérience. Le rythme des U19F et de la D1F, il y a un gouffre. La vitesse, l’impact physique. Ce n’est pas la même chose. C’est complètement différent. On a ce rôle là. On est éducateur. C’est pas toujours facile, mais il faut se retrouver là-dedans. Quand j’ai fait jouer mes jeunes, j’étais peut-être obligé mais en même temps, j’aurais pu faire jouer des plus anciennes. Il faut aider les sélectionneur car il nous faut un titre. C’est vrai que là, tu ne peux pas dire autre chose que le mot déception.

Je suis quelqu’un qui laisse le passé derrière. Il faut penser à l’avenir. mais attention, c’est la Coupe du Monde. Il faut la gagner chez nous et prendre exemple sur ces pays là qui l’ont gagné à la maison. C’est un atout, le public. C’est vrai que le public a été déçu par rapport au résultat. Il faut rebondir tout de suite. faut être réactif et ambitieux. Ne pas rester sur ces moments là.

Et les joueuses ? Tu en as un certain nombre au PSG. Comment vivent-elles cette situation (quatre quart de finale dans les quatre dernières compétitions après deux demi-finales internationales en 2011 et 2012). Sont-elles déçues ?

Je pense. Je ne leur fait pas de cadeaux. Je ne les ai pas félicité car elles n’ont pas joué sur leurs niveaux. Il faut les piquer. Il faut de l’amour propre et de l’orgueil et une certaine fierté. Il faut passer ce cap que l’on n’a pas encore passé. On n’a pas marqué de buts dans le jeu. Les joueuses n’ont pas été à la hauteur. Pour moi, ce ne sont pas les joueuses que j’ai eu au club. On est capable de mettre de l’impact, d’être agressif, de passer devant. Je me disais, on va passer notre poule et en quart on va retrouver notre football. Cela n’a pas été le cas. Il faut réagir.

Revenons au championnat. L’intersaison bouge. Il y a beaucoup d’arrivées et de départs au contraire des années précédentes.

Le recrutement n’est intéressant que s’il est performant par la suite
Patrice Lair. Les clubs avancent. Beaucoup de joueuses arrivent. Les clubs sont plus ambitieux. Montpellier a pris des bonnes joueuses. Nous on a fait un recrutement intéressant, mais le recrutement n’est intéressant que s’il est performant. On a des ambitions. Lyon restera Lyon. J’espère que certaines équipes vont confirmer leur bonne saison et entrer un petit peu dans le top 3 car les trois qui restent solides, sont quand même Lyon, Paris et Montpellier. Il faut qu’il y ait d’autres équipes qui viennent bouger cela.

Bousculer le championnat en remportant des rencontres inattendues ou en faisant des matches nuls.

Cela serait bien. Pour cela il faut quelques moyens que certains clubs n’ont pas. Pour certains clubs, c’est compliqué. Juvisy s’est rapproché du Paris Fc pour avoir d’autres moyens. Pour Soyaux, Albi et Rodez, cela va devenir compliqué car elles ne sont pas rattachées à une structure professionnelle qui peuvent injecter un petit peu même si certains clubs professionnels sont descendus sans vouloir faire l’effort pour le football féminin (Saint-Etienne et Metz) car cela reste difficile de ce côté là. J’espère qu’on aura un championnat de qualité avec des spectateurs nombreux pour que cela s’améliore avec de belles affiches et que Lyon et Montpellier représentent bien la France au niveau européen.

Pour ma part, je pense qu’aujourd’hui plus qu’hier, les matches se joueront dans les 90 minutes sans garantie de victoires avec l’exemple des matches fermés réalisés dans l’Euro 2017.

Patrice Lair. Ca c’est bien. Dans un match fermé, il faut un petit peu de talents pour faire la différence. L’année dernière, j’aurais eu une fille capable de prendre la profondeur, on aurait gagné l’un des deux matches contre Lyon (finale Coupe de France et Ligue des Champions). Je ne l’avais pas sur le banc. Alors qu’à Lyon j’avais cette solution là. Après, cela ne fait rien, tant que tu progresses. Cela reste une année super enrichissante.

Dernière question : Amandine Henry au PSG ?

Patrice Lair. Elle fera ce qu’elle voudra. J’espère la récupérer mais Lyon a des moyens dans le football féminin que je n’ai pas. Ce sera un choix personnel. Je ne vais pas pleurer auprès des joueuses. Si je ne l’ai pas dans mon effectif, j’ai d’autres joueuses. Il me manque peut-être une attaquante supplémentaire mais pour tous les autres postes, je suis bien. Je ne me plains pas. On fera peut-être pas la même saison mais c’est à nous de trouver les solutions. Sinon, cela serait trop facile. J’ai des jeunes qui me donnent satisfaction avec de l’exigence pour le reste de la saison. Je vais faire le maximum pour faire passer un cap à nos joueuses françaises naturellement.

Neymar au PSG. Cela a un impact sur les joueuses ?

Patrice Lair. Oui bien sûr. C’est un Top mondial. Tous les grands clubs en ont un. C’est fabuleux pour l’image du club et cela rend fier aussi car Paris c’est un grand club. Je suis 100% d’accord avec cela.

William Commegrain lesfeminines.fr