Ce qui manque au football féminin français, ce sont des joueuses qui partent à l’étranger pour apprendre et pratiquer d’autres football. En discutant avec d’autres, on a le sentiment – en dehors du fait de la rémunération plutôt bonne en France – que l’interrogation de l’adaptation liée à la mobilité dans un autre pays est un frein.

Cet article est consacré à la performance de Jessica Houara D’Hommeaux qui montre, qu’en partant d’une situation de joueuse amateur récente (2012), on peut, avec des qualités d’adaptation, devenir une joueuse titulaire de l’Olympique Lyonnais et de l’équipe de France.

A mon sens, c’est un des meilleurs exemples pour cette période 2012-2016, forte en changements pour le football féminin français.

Jessica Houara-d’Hommeaux  ? « C’est certainement la joueuse de football féminin français qui a le plus montré qu’elle avait un très fort mental ! Certaines ont de la qualité, mais avoir de la qualité et du mental, c’est rare. »

La caractéristique, et non pas le compliment, vient d’Hervé Didier (coach de l’ASSE, dix ans dans le football féminin de l’élite). Le coach de son premier club de l’élite féminine, sous les couleurs de l’ex-RC Saint-Etienne (2007-2009), quand elle s’est installée au plus haut niveau, après Clairefontaine, pour ses vingt ans.

Cela pourrait être un compliment. L’homme n’en est pas adepte. Il est plutôt proche de la vérité et dans le milieu du sport de haut niveau, parler de caractéristique, c’est encore plus fort que parler d’une qualité. La première fait partie de Vous quand l’autre peut, ne pas apparaître tout le temps.

En interrogeant Hervé Didier, je revenais dix ans en arrière. Pour Jessica Houara d’Hommeaux, la caractéristique était le mental.

Je vous en propose, à l’analyse, une autre. Quand fin décembre, il a été d’usage et de vérités de décerner des récompenses ; après avoir choisi Marie-Laure Delie pour le plus beau but et la jeune Grace Geyoro comme meilleure jeune mondiale ce qui avait fait « le tour de la sphère » du football féminin international ; l’idée de rechercher la meilleure joueuse française me faisait penser à plusieurs solutions, qui revenait souvent à des places offensives.

Il m’est venu à l’esprit que, si on regardait avec une vision élargie du football en donnant autant d’importance aux attaquantes qu’aux défenseurs, et si on intégrait la difficulté du changement que maitrisait superbement les joueuses du Nord (Hegerberg, Seger, Krahn), alors Jessica Houara d’Hommeaux était pour moi, la meilleure joueuse française, pour ses qualités d’adaptation qu’elle avait montré dans sa carrière.

La française qui a montré le plus ses capacités d’adaptation !

Jessica Houara d’Hommeaux (29 ans, ex-PSG, Ol, 56 sélections, 3 buts) est une des seules joueuses française à avoir réussi à équilibrer trois domaines totalement différents (sportif, privé, reconversion) bien qu’il y ait eu des changements, sans perdre pour autant sa recherche de performances et même en la réussissant.

Le premier univers, celui privé.

Si sur le plan privé, même s’il n’est point de raisons d’en faire un écho trop détaillé car cela touche à des domaines personnels ; il n’en reste pas moins que Jessica Houara d’Hommeaux est une des seules jeunes femmes internationales à être mariée (2014) à une personne extra-sportive, tout en faisant une vie d’athlète qui oblige à une hygiène et un rythme de vie très organisés autour du mot « sport de haut niveau » et de ses contraintes (entrainements, repos, week-ends sportifs, peu de vacances) se conjuguant à tous les instants !

Ce sont quasiment les premiers mots qui viendront d’ailleurs à Hervé Didier : « elle a réussi à trouver quelqu’un qui connait et aime le sport en acceptant de suivre sa femme et non pas le contraire« . Benjamin d’Hommeaux ne s’en cache pas d’ailleurs. Il est plutôt fier du parcours sportif de sa femme (article sofoot).

Le deuxième univers : celui sportif.

A se demander si d’ailleurs son mari ne serait pas plus fier de son parcours professionnel. Passant de secrétaire médicale quand le PSG était amateur, pour réussir à ce qu’on lui propose d’être joueuse professionnelle à partir de 2012 et en quatre ans, être dans un schéma de réussite professionnelle pour finir par être sollicité par l’Olympique Lyonnais, le meilleur club européen.

Tout cela s’est construit par phases qui ont demandé des qualités d’adaptation qui si elles avaient manqué, ne lui auraient pas permis cette évolution. C’est d’ailleurs son évolution qui peut être source d’exemple pour les jeunes générations à venir. Comment réussir son parcours de joueuse professionnelle en étant reconnue sans être « une star » du football féminin ?

Une des clés : s’adapter.

Déjà, la jeune joueuse a montré sa capacité à accepter les risques et ses enjeux quand à 22 ans, elle part de Saint-Etienne (2007-2009) pour aller au Paris Saint Germain (2010-2016) avec pour seul métier, le statut inexpérimenté de secrétaire médicale, à travailler la journée pour apprendre et, le soir, à s’investir dans le football féminin.

Hervé Didier me dira d’elle : « C’était l’une de mes meilleures joueuses et je l’avais mis devant pour qu’on est du poids. » Pourtant, elle prend un risque car ce n’était pas une buteuse. Les statistiques de footofeminin sont parlantes avec 3 buts en deux saisons pour 41 matches de joués sous les couleurs stéphanoises et juste un peu mieux sous les ordres Camillo Vaz (PSG, 7 buts) pour le même nombre de matches. Mais, « Elle avait la gnac ! Elle savait ce qu’elle voulait et elle était prête à s’investir pour réussir à devenir professionnelle.  » me dira le coach stéphanois.

Le professionnalisme, la première grande adaptation.

C’est cela qui plaira à Farid Benstiti (2012-2016) et qui fera qu’elle sera conservée dans l’équipe qui passera professionnelle en 2012. Pourtant elle n’est pas présentée à la presse en ce mois de Juillet 2012, dans l’amphithéâtre du PSG. L’internationale française de 24 ans n’a, à ce moment, qu’une seule sélection qui date de 2008 face au Maroc et elle voit se profiler à l’horizon des noms connus de championnes du Monde allemandes : Linda Bresonik (offensive), Annike Krah. Devant une jeune américaine Lindsey Horan (attaquante) maintenant titulaire en équipe des USA, qui seront suivies d’autres joueuses offensives de renommées mondiales au mercato d’hiver, avec Kosovare Asllani (Suède, offensive) et Tobin Heath (américaine, double championne olympique du moment).

Il va falloir s’adapter au niveau du nouveau PSG qui vient « pour se mettre au niveau » de l’Olympique Lyonnais, double champion d’Europe (2011-2012) alors que deux saisons auparavant, à Saint-Etienne, elle était loin de ces objectifs qui feront la médiatisation du football féminin auprès des mass médias que sont Eurosport, France 4 jusqu’à l’Equipe.

Pourtant, Elle le fera. Elle gardera sa place quand quatre ans après, elle ne seront plus que deux du PSG 2011 à être dans les rangs du club professionnel parisien avec Sabrina Delannoy.

Jessica Houara a souvent débordé sur le côté droit. Crédit psg.fr/ les feminines.fr

Jessica Houara a souvent débordé sur le côté droit. Crédit psg.fr/ les feminines.fr

Le changement de poste, la seconde adaptation.

Alors, elle s’adapte, descend latérale droit et Farid Benstiti, contacté, me précise : « Jessica avait le profil idéal pour jouer latérale droit. C‘est une idée commune et nous avons décidé de la changer de poste. Son tempérament n’était pas véritablement celui d’une attaquante. C’est une joueuse altruiste qui aime servir ses partenaires. Le poste de défenseur, aujourd’hui lui convient parfaitement. Elle possède un volume très important et une très bonne technique de relance qui lui permet offensivement d’être d’un soutien très important pour l’équipe. C’est une latérale moderne comme on en recherche aujourd’hui ».

Effectivement, je me souviens l’avoir interviewé lors de ses premiers matches à ce poste. Lui confirmant qu’elle semblait totalement épanouie en tant que latérale réussissant des montées offensives comme les récupérations défensives. Elle avait terminé cet entretien avec cette affirmation : « j’adore ce poste ! » juste après que Farid Benstiti m’ait répondu : « j’ai fait la même chose avec Sonia Bompastor à Lyon. Il ne lui reste plus qu’à avoir le même succès ». 

Là encore, dans un univers concurrentiel, elle réussissait son adaptation.

L’équipe de France. La troisième grande adaptation.

Pendant cette période 2012-2016, elles en sont quelques unes du PSG à avoir réussi à entrer en équipe de France bien après d’autres qui en avaient fait légitimement leur jardin d’Eté, d’Hiver, d’Automne et de Printemps.

C’était loin d’être évident à un moment où l’équipe de France était au top de sa médiatisation et produisait un contenu très chatoyant valorisé par la nouveauté de deux quatrième places consécutives au Mondial (2011) et JO (2012) quand l’habitude les faisaient plutôt suivre ces compétitions à travers les quelques sites internet spécialisés qui pouvaient s’en faire l’écho.

La professionnalisation du PSG en avait été la raison essentielle et on voyait ce qu’avait apporté le travail physique à ces joueuses comme Sabrina Delannoy, Jessica Houara d’Hommeaux, Kheira Hamraoui, Aurélie Kaci, Kenza Dali à une époque où la seule parisienne qui entrait dans toutes les sélections était souvent Laure Boulleau.

Réussir à prendre sa place au PSG en concurrence avec Sabrina Delannoy est une chose dans un championnat qui n’est cependant pas homogène mais, en équipe de France, il s’agira néanmoins de prouver dans une autre dimension. L’équipe de France est 5è mondial, l’attente est importante. La course à la médaille resserre les places. Les parisiennes, récentes seconde du championnat, ne sont qu’invitées en 2012-2013. A Elles de gagner leur place.

C’est lors d’un Pays-Bas France amical (2012, 0-0, entrée à la 72′) qu’elle portera seulement pour la seconde fois de sa carrière, le maillot bleu (après une seule sélection en 2008 contre le Maroc).

Par la suite, elle réussira si bien son adaptation qu’elle sera choisie par les trois sélectionneurs de l’équipe de France (Bruno Bini en 2013, Philippe Bergerôo de 2013 à 2016 et Olivier Echouafni maintenant) pour arriver à avoir 56 sélections en l’espace de quatre ans, et en ayant au palmarès toutes les compétitions de cette période : Euro, qualifications et JO, qualifications et Mondial. Plutôt une bonne adaptation d’autant plus si on sait qu’elle reprendra avec les Bleues, à gauche, suite à une blessure de Laure Boulleau (2012).

Cette fille a des qualités d’adaptation certaines, sans être une grande buteuse.

Même si la joueuse française n’a pas beaucoup marqué sous les couleurs des Bleues. Trois buts, mais quels buts pour qui suit le football féminin ! Etre une des seules françaises à avoir marqué contre les américaines. Ce qui sera d’ailleurs son premier en sélection à la suite d’un centre qui finira en tir, lucarne opposé, pour la première victoire en France face au numéro 1 mondial (Lorient, 8 février 2015) ; puis, pour mettre un superbe doublé d’attaquante contre la modeste Albanie (12′ et 15′, 6-0) ensuite.

Farid Benstiti avait raison. Cette joueuse n’est pas une attaquante, mais marquer contre les USA, elle ne manque pas de chances.

Enfin, la dernière adaptation, c’est le passage du Paris Saint Germain à l’Olympique Lyonnais en 2016.

Un sacré challenge. Après avoir réussi à être une joueuse cadre au PSG (2012-2016), vivre une finale européenne juste trois ans après (2015) ; être appelée en équipe de France, en déplaçant sa coéquipière et capitaine emblématique du PSG, Sabrina Delannoy sur la largeur de la défense ; elle part du second club français pour aller signer dans le meilleur club européen, vainqueur de la Ligue des Champions 2016 afin de gagner sa place et d’aller chercher des titres qui s’échappent à son palmarès, constitué d’une seule ligne en club : le challenge de France 2010 associé au Tournoi de Chypre de 2014 avec l’équipe de France.

Au bilan lyonnais de cette mi-saison,  la numéro 8 des « fenottes », au sein de la seule équipe au Monde qui ait la capacité de pouvoir choisir ses joueuses en fonction d’une tactique spécifique (3 derrière ou quatre ou cinq) en conservant le plus haut niveau de performances, elle a réussi à commencer tous ses matches de championnats comme titulaire (9 matches joués sur 13) sur le côté droit du club triple Champion d’Europe (2011, 2012, 2016) permettant à la jeune allemande Pauline Bremer de monter d’un cran pour reprendre un rôle d’attaquante et de percussion sans donner envie -comme au PSG-, à Jean-Michel Aulas et Gérard Prêcheur de recruter sur le flanc droit de la défense.

Des parisiennes à être descendues dans le Rhône, elle est avec Caroline Seger -une légende internationale du football féminin- celle à avoir le plus joué sous ses nouvelles couleurs.

Voilà des signes de changements réussis et de qualités.

Hervé Didier conclura en me disant : « c’est une excellente joueuse qui a le volume pour tenir un couloir, avec ses actions offensives et défensives et une excellente centreuse. Elle savait ce qu’elle voulait et son projet était de jouer au plus haut niveau féminin. Elle s’est donnée les moyens pour le faire et a su prendre les bons choix. »

Le troisième univers : vers la reconversion.

Le sportif, s’il est un élément fort de ma proposition ; le privé s’il est un élément complétant la réussite de la joueuse ; la reconversion et la construction de son avenir distinguent aussi Jessica Houara d’Hommeaux dans le football féminin sans pour autant éteindre les autres comme Gaetane Thiney, Laure Boulleau, Laura Georges, Wendie Renard, mais la mettent sous les lumières des écrits, bien qu’elle soit, sur un terrain, excentré du regard des caméras et des commentaires : pris par le centre, le centre des attentions, le ou les buts.

Jessica Houara D'Hommeaux, là intervenant sur LCI. Crédit LCI. Lesfeminines.fr

Jessica Houara D’Hommeaux, là intervenant sur LCI. Crédit LCI. Lesfeminines.fr

Partenaire principalement d’Europe 1 sur l’Euro 2016, ayant démarré sur France Bleu avec Bruno Salomon, ayant participé avec elle à une émission TV sur canal-supporters.com (tout sur le PSG) ; j’avais trouvé qu’elle avait des qualités d’analyse et de synthèse qu’elle savait communiquer, tout en écoutant les autres sans oublier de préciser et de rappeler son point de vue.

C’est Julien Froment, d’Europe 1 qui me dira d’elle : « C’est une passionnée du football en général. Elle en mange le matin, le midi et le soir. Elle fait de très bonnes analyses et nous l’avons fait intervenir sur l’Euro masculin de 2016 pour les phases de groupe. Après, elle a dû reprendre ses entraînements pour la préparation des Jeux Olympiques de Rio. »

Quant à son avenir médiatique, il résumera en professionnel son potentiel ainsi : « tout risque de dépendre de la performance de la France en Coupe du Monde 2019, à un moment où elle risque de stopper sa carrière (32 ans). Si la France a le titre ou une médaille, alors un boulevard pourrait s’offrir à elle, d’autant plus qu’elle a un physique et une voix qui passent bien dans les médias« .

C’est vrai, pour avoir écouté autour de moi des commentaires sur les interventions de consultantes féminines, ex-joueuses de football. En général, la qualité est au rendez-vous et, le plus important, elle est aussi identifiée par les auditeurs ou téléspectateurs.

Jessica Houara d’Hommeaux, 1m62 de football, de football féminin.

Pourquoi un des meilleurs exemples de réussite du football féminin français ? Car elle part de plus loin.

Elle n’a pas fait partie de l’équipe phare de 2011 et 2012. Elle les a regardé à la télévision. Pourtant, aujourd’hui, elle en est là. Elle est le produit de la nouvelle construction du football féminin. Le produit ? Disons plutôt l’image ou l’exemple qui peut être suivi.

Car elle s’est investie pour cela et à ce titre, est un exemple de ce qui est demandé pour aller au plus haut dans son sport. Ce qui n’empêche pas les déconvenues avec des secondes places au lieu des titres. Avec des finales perdues (Coupe de France et Champions League). Avec des espoirs douchés (Euro 2013, Mondial 2015, JO 2016).

Il reste que pour en arriver là, il faut déjà réussir à le faire et « assurer ».

En Juin 2012, à 24 ans, elle était encore secrétaire médicale et joueuse amateur au PSG avec 1 sélection en EDF comme attaquante. En Septembre 2016, à 29 ans, elle est titulaire à l’Olympique Lyonnais, professionnelle avec 56 sélections en Equipe de France.

On parle souvent de double projet mais la Vie est plutôt faite de trois dimensions. Jessica Houra D’Hommeaux a montré des qualités rares d’adaptation dans ces trois univers.

C’est à mon sens, la joueuse française la plus à même de jouer à l’étranger. Hervé Didier me rejoint : « c’est certainement une de celles qui réussira le plus et le mieux à l’étranger mais attention, uniquement pour un projet de meilleure qualité. »

Je le rejoins. On parle de sportives de haut niveau.

William Commegrain lesfeminines.fr

PS : cette saison, les trois titres ne seront pas faciles à prendre pour l’Olympique Lyonnais. Le PSG a ses chances d’être champion.