Laetitia Tonazzi. Elle a 35 ans. Lors de la J9, contre les Girondins de Bordeaux, elle entre et marque le seul but du match à la 72′. Continuant à maintenir Montpellier dans une série gagnante alors que les saisons précédentes, Montpellier aurait chuté. Elle s’appelle Laetitia Tonazzi, née à Créteil dans le 9-4. Jouée à Saint Maur au temps de sa splendeur, puis à Juvisy pendant 11 saisons. Partie à l’OL (2 saisons) puis ensuite Montpellier (trois), la joueuse que j’ai au bout du fil est une fille heureuse de jouer au football, au plus haut niveau, et profite de chaque instant du bonheur nouveau (5 ans) d’en avoir fait son métier.

Cette fille a un état d’esprit positif d’une jeune de 24 ans, avec une expérience de 35. Elle joue attaquante. Je vous propose de voyager dans sa perception de son univers de performances : sérieux, rigueur, groupe, échange, soleil. Et contre Lyon, elle pourrait se transformer en lionne.

Elle connait trop le plaisir de la réussite pour ne pas savoir que le temps arrivera que cela ne soit plus que des souvenirs. Alors, en attendant, elle joue comme à 20 ans.

Opposition physique entre Laetitia Tonazzi et Laura Georges. Crédit Gianni Pablo. lesfeminines.fr

Opposition physique entre Laetitia Tonazzi et Laura Georges. Crédit Gianni Pablo. lesfeminines.fr

Lesféminines.fr C’est une bonne mauvaise ou mauvaise question… Vous avez 35 ans et vous arrivez à maintenir un niveau de performance rare dans le football féminin alors que vous êtes devant. Comment l’expliquez-vous ? 

Laetitia Tonazzi. A Montpellier il y a une belle ambiance et comme j’arrive près de la fin, je suis motivée et chaque jour, je suis à fond. Je travaille beaucoup au club, « en muscu », en salle et sur le terrain. C’est ainsi que je le voie. Il me reste une et deux saisons et je profite au maximum.

Un sacré parcours ! J’ai envie de vous poser une question : qu’est-ce que l’on gagne avec l’âge en étant attaquante ? 

(En pensant) On a toujours envie de marquer. On sait juste que cela arrive à tout le monde de rater des occasions. Il faut juste relever la tête et attendre, car la roue tourne à chaque fois surtout si on travaille bien. Après il faut être croire en soi et être pro. Moi, j’ai la chance d’être professionnelle, de ne faire que cela et c’est une chance. Maintenant, ce n’est pas le tout d’être professionnelle, il faut être sérieuse, au quotidien pour être au top le plus longtemps possible.

D’ailleurs en rebondissant sur vos propos, il y a peu de clubs professionnels. On va dire trois. ce qui veut dire qu’il n’y a pas beaucoup de places pour tout le monde. 

Il y a des clubs qui sont semi-prof. Juvisy a un projet mixte en trouvant du travail pour les filles. C’est important de pouvoir trouver un équilibre aussi, mais d’être professionnelle, c’est top ! On profite totalement et pleinement de notre passion qui devient notre métier.

Tout le monde rêve d’être pro mais il ne faut pas délaisser les études pour autant. Trop de filles les délaissent et c’est un peu compliqué de le mettre dans la tête aux jeunes car on a des contrats plus facilement aujourd’hui. Il faut rester les pieds sur terre.

C’était dur l’Olympique Lyonnais (2 saisons) après Juvisy où vous avez joué pendant 11 saisons ? Quel est le niveau de l’OL quand on est à l’intérieur ? 

D’abord on est pro. Ensuite j’avais Patrice Lair comme coach et il faut être consciencieuse. Tu n’as pas le droit à l’erreur et il faut être au top pendant les entraînements. Réussir tous nos gestes et cela c’est au quotidien à Lyon. Presque parfait tout le temps. Ensuite, il y a le professionnalisme. Il faut tout le temps se remettre en question et savoir être autocritique de sa performance. C’est comme cela qu’on avance.

Tout à fait. Il n’y a pas d’autres solutions quand on travaille dans le domaine sportif. Mais attention, il y a des excès à cette situation qu’il faut maitriser. C’est la rigueur qui a permis de faire la signature lyonnaise ? 

Oui bien sûr. La rigueur et ensuite il y a les qualités humaines et sportives qui ont fait qu’elles ont pu aller chercher les titres. C’est important d’avoir un bon niveau de football mais à côté de cela, il faut avoir un groupe qui vit bien.

Moi, je suis quelqu’un de tranquille dans un groupe. Je m’entends avec tout le monde et je m’intègre facilement. Je ne suis pas compliquée à gérer. Tous les entraîneurs que j’ai eu vous le confirmeront. J’aime bien être dans des groupes qui fonctionnent.

Et Montpellier, avec le Sud et l’accent ? 

Je suis trop bien à Montpellier. Il y a le soleil, cela joue énormément. Quand j’habitais Paris, on disait les gens du Sud avec le soleil, etc .. Mais c’est vrai ! Depuis que je suis ici, je me dis qu’à Paris, il fait trop froid. Ce n’est pas possible. C’est un truc de fou. L’entraînement, c’est trop bien. Il y a un super groupe, c’est pro. On est dans les meilleures conditions.

Je me sens vraiment bien dans cette équipe.

Et les qualités des étrangères à Montpellier ? Jean-Louis Saez « speak english » !

Les étrangères sont pros comme les lyonnaises. Elle nous amène leur expérience et cela nous permet d’avoir un groupe sympa sur le plan du football. Elles viennent en France car elles trouvent que nous sommes très techniques mais elles ont un mental que nous n’avons pas en France.

Quand cela ne va pas, elles sont là. Aux JO, les suédoises n’ont pas fait un super contenu mais au final, elles finissent avec l’argent.

Et c’était pareil pour les qualifications !

Mais complètement. Elles ont eu de la chance. Pas de la chance mais elles pouvaient très bien ne pas passer et au final elles ont été qualifiées. Elles n’ont pas joué le meilleur football mais elles sont allées en finale.

Et surtout, c’est un groupe et pour moi c’est très important « de jouer pour les autres » et de ne pas penser qu’à soi.

La tendance actuelle, c’est de rendre le jeu féminin plus masculin avec des temps forts et des temps faibles prononcés. Philippe Bergerôo a essayé d’apporter cela mais j’ai pensé que le football féminin n’est pas prêt à cela. Qu’en pensez-vous en tant que joueuse ? 

Je n’étais pas trop contre son jeu et j’aimais bien ce qu’il mettait en place. Après il faut être sérieuse. Notre coach a aussi une tendance à vouloir regarder le résultat. Après, c’est lui qui décide du système de jeu et c’est à nous les joueuses de s’adapter. Mais pourquoi pas ?

Après il ne faut pas que l’on s’attende à faire les mêmes choses que les garçons. On n’a pas les mêmes qualités physiques et techniques dans le jeu.

Et pas la même antériorité non plus ? 

C’est différent.

L’équipe de France ? Vous avez le droit d’y penser ou pas ? Car je pense que vous pourriez être une bonne carte. Je me suis dit avant de vous contacter : « cette fille dans un groupe, elle ferait du bien. Qu’en pensez-vous ? » 

J’ai fait l’équipe de France. Je n’ai pas eu énormément de sélections (66). Je n’ai pas beaucoup joué comme titulaire (31). C’est un peu compliqué. J’ai 35 ans. J’ai le club. La sélection, c’est déjà autre chose. Un autre niveau. Mais si Olivier Echouafni, (coach de l’équipe de France) m’appelle, je serais hyper-heureuse et je me donnerais à fond.

Question nulle ! mais réponse bonne pour vous ! « Comment est-ce possible que la France n’ait toujours pas de médailles ? Je ne veux pas de vérités (rires), car les vérités se conservent mais juste votre regard. 

Simplement, je dirais que c’est un problème de groupe. Dans la difficulté, on n’est pas là. Dès qu’il y en a une qui baisse la tête, toutes baissent la tête. Aux JO, on était au-dessus de tout le monde, mais vraiment ! J’ai regardé tous les matches et je me suis dis qu’on allait gagner la médaille d’Or.

Toutes les joueuses individuellement étaient meilleures. C’était une évidence. Collectivement aussi. Après, on n’a pas ce mental de se battre pour l’autre même si on n’est pas amies avec tout le monde. Forcément, on est différente et plus on va vers le haut niveau plus la concurrence est forte.

Mais une fois que tu es sur le terrain, tu joues avec tes coéquipières et tu te bats pour une médaille. Tous les ans, on a une superbe équipe et tous les ans, c’est la même rengaine.

Vous êtes en train de dire que c’est l’esprit d’équipe qui socle la victoire, un peu comme les U20 qui ont réussi à gagner (médaille d’argent Championnat du Monde 2016) alors qu’elles étaient dominées. 

C’est cela. Le truc et le déclic c’est quand quelque chose ne va pas, il faut qu’on aille l’aider. Relever la tête et repartir. Il y a des nations comme la Suède qui arrivent à jouer comme cela, à s’entraider même si elles n’ont pas un jeu d’enfer, elles s’aident.

Quand il y a un décalage ou une perte de balles, tout le monde plonge. Je ne dis pas que c’est facile, cela arrive à tout le monde. A moi comme à d’autres. Mais sur le terrain, il faut qu’il y ait quelqu’un qui continue à parler et qui dise « ce n’est pas grave, on continue ! ».

Dans tous les groupes, on ne pas s’entendre avec tout le monde. Dans la société, dans le monde du travail mais il faut faire en sorte d’avoir le même objectif à atteindre ensemble et que cela se ressente sur le terrain.

Le Canada a été comme cela. 

Oui. ces équipes qui ne sont pas très bonnes techniquement mais qui vont passer au mental.

Sur le match qui arrive, Montpellier par rapport à Lyon, normalement, il y a défaite. Et pourtant, vous êtes l’équipe qui avait le plus bousculé Lyon ces temps derniers. Qu’en pensez-vous ? 

C’est vrai. On a un bon collectif et on sait comment joue Lyon et que cela va être très dur. A chaque fois, on dit que c’est un rouleau compresseur, mais c’est vrai. Il y a des joueuses qui partent et à chaque année, ils recrutent. Le collectif est là. Et nous, on progresse années après années. C’est la troisième année et je trouve qu’on est bien dans le jeu. Les U20 sont partis il y aura des petits changements, mais voilà.

Si on y va, c’est pour jouer et ce qui est sûr, c’est que l’on a pas peur. Si on peut faire un nul ou fera un nul. Si on gagne, tant mieux !

J’ai pensé à un titre : Laetitia Tonazzi, « Le football ne me fait plus peur ! ». Pour avoir joué pas mal au ballon, il arrive que l’on démarre un match avec, on ne sait pas pourquoi, quelque chose dans le ventre ! Qu’en pensez-vous ? Est-ce que l’expérience permet de gérer cela ? 

Si vous voulez pour le titre (en riant). Comme le dit Jean-Louis, si on n’a pas le petit truc au ventre, c’est que l’on est pas dans notre match. Moi, n’importe quel match, j’ai toujours ce petit truc au ventre. Et si on l’a pas, c’est que cela ne va pas.

Il faut l’avoir !

Merci Laetitia et bon match.

William Commegrain lesfeminines.fr