Il parait que dans l’hôtel où séjournent les quatre nations du groupe G, il y a eu quelques bastons de regard des colombiennes. Pour la France et son expérience, une information, un sourire et passage à l’action. Elles y sont. Il est 22h00 à Belo Horizonte, dans ce stade froid à cette heure de la nuit même si le froid de l’hiver brésilien est loin des températures européennes. Pour les féminines de France, les Jeux Olympiques commencent ce Mercredi. Elles espèrent qu’ils se termineront le plus tard possible, Vendredi 19 Août, 22h30. La finale au Maracana. Un nom que la plupart connaissent, même pour celles dont la balle ronde qui doit entrer dans un but n’est pas si importante que cela. Le Roi Pelé y est né. Une sorte de cathédrale du sport des temps moderne.

Il fut un temps où penser à la finale, elles se l’interdisaient. Au risque d’y voir « un chat noir ». Ils sont si nombreux ceux qui leur ont reproché de ne pas y être qu’elles en ont fait quasiment un complexe. S’il y avait bien un mot tabou en équipe de France, c’était bien le mot « finale ».

Pourtant, dans leurs clubs, c’était loin d’être le cas. Voire même, le contraire. L’Olympique Lyonnais trustait les titres avec, à ce jour, dix titres de championnes de France consécutifs (2007-2016), cinq coupes de France consécutives (2012-2016) et trois titres européens (2011, 2012, 2016) de gagnés pour deux finales de perdues (2010 et 2013). Alors pour ces filles de l’équipe de France, le mot « finale » devrait être une habitude. Une normalité. Cela n’a jamais été le cas. Elles n’y arrivaient pas.

Logiquement d’ailleurs en 2011 et 2012. 

Lorsque Bruno Bini mettait sous les feux des médias l’équipe de France qui s’était arrêtée les deux fois à la 4ème place du Mondial 2011 et des JO de Londres 2012 pour quasiment une première participation. C’était un exploit. Moins pour l’Euro 2013, la qualité du jeu français était telle que les joueuses elles-même précisaient qu’elles venaient pour le titre ! Eliminée en quart de finale par le Danemark, qui avait été repêché comme meilleur troisième, au tirage au sort face à la Russie.

Ce n’était pas le jeu. Ce n’était pas le contexte. Ce n’était pas Bruno Bini. C’était autre chose d’incompréhensible. Le Sort. Le mot finale commençait à faire peur. Un complexe et comme tous les complexes, avec les blessures qui vont avec.

En 2016, l’équipe a mûri. Elle est totalement différente sur le plan mental. Les joueuses sont plus âgées. Elles ont du vécu et de l’expérience. Pourtant la France a été éliminée en quart de finale du Mondial 2015 face à l’Allemagne, devant un pic d’audience à plus de 5.300.000 de téléspectateurs pour une moyenne à 4.100.000, record toutes catégories confondues des chaînes TNT délivré à W9. Toujours la même histoire.

Pour 2016, peu importe. Philippe Bergerôo, en place depuis 2013, a joué sa carte de sélectionneur (juste, injuste) et a constitué un groupe sur une base lyonnaise (12 joueuses sur 18) avec d’anciennes parisiennes devenues lyonnaises à l’intersaisons (2), auxquelles il faut rajouter 2 ex-lyonnaises passées récemment sous d’autres couleurs (2) et en insérant assez de jeunes (Lavogez, Sarkaoui, MBock, Diani, Majri et Gérard) pour que les Histoires anciennes des titres qui s’échappent ne pèsent pas au quotidien dans les discussions informelles.

Un mois de préparation et les filles n’attendent qu’une chose : que ce premier match démarre. Face à la Colombie, 24è nation mondiale, qui les avaient gagné en 2015 (0-2) lors du Mondial au Canada. En sport collectif féminin, c’est un phénomène rare. les meilleures l’emportent souvent sur les « inférieures ». Là, aux yeux du Monde, cela avait été le contraire. Un petit traumatisme.

Le résultat ? vous voulez le connaître ! 4-0. Net et sans bavure.

3-0 à la mi-temps. Un but dès la 2ème minute. Un second à la 14’. Un coup franc « platinien » à la 42’. Respirez .. Soufflez ! Respirez … Soufflez !

Les colombiennes n’ont jamais pu toucher le ballon de cette mi-temps. Rien. « Nada ». Et la gardienne des « Cafeteras » qui avait fait grand mal au Mondial 2015, s’était retrouvée une année plus tard, à manger trois fois l’herbe colombienne « légale » du stade Mineirao en 45’. C’est beaucoup en si peu de temps.

Le premier but viendra d’une récupération d’Amandine Henry, révélation mondiale en 2015 avec le Ballon d’Argent, qui sert Eugénie Le Sommer, petite bombe d’1m61, qui a eu des jambes qui allaient si vite durant toute la partie que Lance Amstrong, s’il l’avait vu, aurait compris que l’on peut naturellement avoir un « moteur dans les jambes ». Ni une, ni deux, la bretonne d’origine, meilleure joueuse de la D1 féminine en 2015, sert côté opposé, non pas un caviar, expression rituelle, mais un missile à gauche pour Louisa Cadamuro, coupée par la latérale venue déjà défendre, propulsant la balle française dans ses propres buts. (2’, 1-0).

Plutôt rapide. On était pas loin du nouveau record que les canadiennes venaient d’établir pour le but le plus rapide de l’histoire de tous les Jeux Olympiques, marqué au bout de 25’ par l’attaquante des Houston Dash, Janine Beckie servie par la star Christine Sinclair, sa capitaine.

Il faudra douze minutes pour que la marque s’aggrave avec une superbe reprise de volée de Camille Abily, OL, 31 ans, 166 sélections, qui trouvera la transversale pour rebondir devant Eugénie Le Sommer qui assure son 55è but en sélection à l’âge de 27 ans pour 125 capes internationales. (14’, 2-0).

Le jeu continu. La France domine et rien ne permet de constater que la Colombie va revenir dans cette première mi-temps. Encore moins quand Amel Majri, 24 ans, meilleure joueuse de D1, bénéfice d’un coup franc côté gauche, qu’elle laisse aux bons soins de Camille Abily, numéro 10 dans le dos.

La joueuse vient juste d’en mettre un, à cette distance, face au Canada lors du dernier match de préparation. Elle se place. Même routine. Celle qu’elle utilise à l’entraînement. Elle souffle. Elle souffle. C’est le moment du duel avec la gardienne.

La joueuse doit cadrer fort pour surprendre. De son côté, Sandra Sepulveda doit réagir vite ce qui l’oblige à anticiper. Gauche-droite ? Haut-Bas ?

Les coups francs, avant, c’était une histoire de technique. Aujourd’hui, c’est une histoire de gainage. Si vous avez renforcé ; alors vous pouvez donner beaucoup d’effets à une balle, d’autant plus qu’elles ont été innovées pour cela.

Intérieur du droit. Brossé. Le geste s’arrête trois quart de hauteur pour passer le mur et ensuite se maintenir ou redescendre. Plat du pied pour avoir la meilleure précision et le dernier geste qui fait légèrement changer la balle de direction.

La joueuse a 31 ans. Ce sont ses derniers jeux. Les finales elle connait. Pas celles olympiques. Elle veut les vivre. Elle envoie. Lucarne. But (3-0, 42’).

Le force de l’équipe de France sera de constater qu’elles ont plus marqué que les américaines d’une unité. Qu’elles sont assez fortes pour lutter contre les attaques colombiennes. Qu’elles doivent gérer en vue de leur prochain match : les USA, 1ère mondiale, quatre médailles d’Or sur cinq. Championne olympique et du monde en titre.

Alors, elles gèrent.

Ce ne sera qu’à la 82’ qu’Amel Majri, gauchère, bénéficiera d’un coup franc sur le côté droit. La joueuse a 23 ans. C’est la révélation de l’OL et du championnat français. Elle n’a pas la même routine que son aînée.

Elle place la balle. Un pas. Deux. Boum ! Ca part. Puissant. La balle touche la transversale. Tombe au sol. La gardienne colombienne la cherche. Elle est dans son dos. Elle est entrée. La gardienne, stupéfaite constate son impuissance. Il y a but. Une forme d’incompréhension semble l’habiter. Elle qui pensait l’avoir. Trop tard. (4-0, 82’)

Ca n’a pas pris longtemps mais cela a fait but.

Voilà un 4-0 net et sans bavure. Les colombiennes, clientes de l’hôtel avec les françaises, américaines et néo-zélandaises ne chercheront plus « des bastons » de regard.

La France a déjà le regard ailleurs. Sur les américaines. Depuis qu’elles sont venues jouer dans les clubs français, elles se connaissent. Amandine Henry vient juste de signer pour le meilleur club américain. Les Portland Thorns. Où joue bon nombre de sélectionnées.

Le football féminin du très haut niveau de l’élite est un monde qui se connait. Aucune intox dans les couloirs. Tout se jouera sur le terrain. Et là, c’est une autre histoire.

Samedi 6 Août. 22heures. USA – France. Pour la 1ère place du groupe G. Le vainqueur sera déjà qualifié pour les quarts de finale.

A suivre.

William Commegrain lesfeminines.fr