La 22è journée sera celle de la fin de certaines joueuses. je pense à Amélie Coquet (11 ans de football féminin) et de Nelly Guilbert (17 ans) ; toutes les deux à Juvisy. Ce sera aussi la dernière journée de Jean Paradès (Soyaux) et de Farid Benstiti au PSG. Dès qu’il avait été présenté au siège social du Parc des Princes, je l’avais qualifié de « Bâtisseur de Performances » et les mots de Shirley Cruz m’étaient revenus « je suis venue pour le projet et l’aventure ». Ces quatre années ont été bruyantes et variées, mais là …

Quel silence pour ce dernier match du coach parisien ! Est-ce à dire que les gens se rendent compte que la partie va être loin d’être facile face à l’Olympique Lyonnais qui prépare une équipe stratosphérique tout en se demandant de quel bois sera fait le Paris Saint Germain 2016-2017 ? Fallait-il écouter les candidatures qui légitimement s’exprimaient et les prendre comme critique du travail de Farid Benstiti ou les voir plutôt comme une reconnaissance de la qualité de sa prestation, suscitant des convoitises qui n’auraient pas existé, quatre ans auparavant ?

Seul l’avenir le dira. La décision est prise. De manière commune car si les termes ont des raisons d’être, il faut alors les prendre comme tels. Nous sommes dans une sorte de rupture transactionnelle, pour un contrat arrivé à son terme ; les deux parties ne souhaitant pas renouveler leur collaboration.

Quel a été le bilan de Farid Benstiti sur ces quatre années de collaboration ? Voici une proposition. 

L’année 2012-2013 a été exceptionnelle pour le PSG, pourtant mal partie avec un nul face à Guingamp lors de la 1ère journée (1-1) et qui a fini la saison avec 7 points d’avance sur Juvisy (71 pts, 1 nul, 5 défaites) quand le PSG, classé à la 4ème place l’année précédente, terminait second et européen, gagnant sa place dans un derby à Maquin face à Juvisy (0-2) qui avait réalisé une saison européenne de qualité, puisque demi-finaliste face à Lyon.

Cela a été l’année où Farid Benstiti martelait aux filles qu’il fallait qu’elles sortent de ce costume de « joueuses amateures » pour être des « professionnelles ». Grande première pour le PSG qui avait vu les arrivées d’Annike Krahn (17 matches, 1 but, All), Linda Bresonik (14 matches, 11 buts, All), Shirley Cruz (21 matches, 3 buts, Costa-Rica), Asllani Kosovare (19 matches, 17 buts, Suè) déjà professionnelles pour relayer le message et l’éclosion de Lindsey Horan (20 matches, 17 buts, USA), toute jeune apprentie du football, maintenant dans le groupe olympique américain des championnes du Monde 2015.

Les deux défaites l’avaient été contre Lyon (3-0 à Gerland) et (0-1 à Charlety), nouvel antre du Paris Saint Germain, inadapté à l’affluence des matches de football (capacité de 20.000 places) mais qui correspondait au message que voulait envoyer le nouveau coach parisien : « un stade à l’image de ce que nous voulons voir : « rêver plus grand ». Le Fcf Juvisy-Essonne décidant de la même chose en choisissant comme lieu de résidence le grand stade de Bondoufle (20.000 places).

L’année 2013-2014 se fait dans la continuité en championnat avec une déconvenue sur le plan européen, élimination en 1/8è de finale par Tyreso, futur finaliste de la Women’s Champions League, compensée par une finale en Coupe de France qui sera perdue (0-2) face à l’Olympique Lyonnais à Calais.

En championnat, le PSG finit avec le même nombre de points (78, 18V, 2N, 2D) derrière Lyon qui avait engendré une seule défaite qui avait fait le tour de la planète du football féminin, … face au Paris Saint Germain (18:01:2014) sur un but de l’ex-lyonnaise, Laura Georges à la 44′.

La dynamique était porteuse et les filles du PSG ne posaient plus la question du professionnalisme. Elles commençaient à en goûter les fruits, notamment avec les sélections de Kheira Hamraoui, Sabrina Delannoy, Jessica Houara qui devenaient des titulaires en équipe de France, comme l’apparition du développement de l’image numérique avec laure Boulleau, élue meilleure SHN numérique, tout sport et sexe confondu.

Les périodes FIFA étaient des périodes de grand vide à Bougival, nouveau centre d’entraînement du PSG, tellement les joueuses étaient toutes appelées dans leurs sélections et le public était dans l’attente des oppositions face à l’Olympique Lyonnais, pour vivre l’espoir d’un titre.

Caroline Pizzala (17 matches, 1 but) avait pris une place en milieu de terrain qui aurait pu lui ouvrir des sélections en A, et l’équipe parisienne n’avait réussi à renouveler son mandat européen qu’après un superbe match face à Juvisy, qui s’était terminé par un épique (2-2), pas loin d’une défaite si la lucarne rêvée de Gaetane Thiney n’avait pas rencontré l’horizontale de Kiedrzynek à la 91′. Juvisy finissait dans un souffle derrière le PSG (77 points contre 78). Kenza Dali explosait avec 22 matches et Aurélie Kaci n’en était pas loin (16 matches).

Le trou commençait à se creuser avec Juvisy, notamment en Coupe de France avec un (0-6) sur les terres de Bondoufle en demi-finale. Restait Lyon, toujours devant mais affaiblie par cette défaite en championnat et une élimination en 1/8è de finale européenne face à Potsdam de l’expérimenté, Bernd Schroder (45 ans de coaching en football féminin).

Farid Benstiti salue le groupe de supporters parisiens habituels. Crédit Giovanni Pablo. Lesfeminines.fr

L’année 2014-2015 sera la consécration. La question de la seconde place en championnat se pose moins et le PSG sort de ses 78 points habituels pour réaliser 82 points avec deux seules défaites. Face à Lyon, qui aura changé d’entraîneur en prenant Gerard Prêcheur, Patrice Lair ne renouvelant pas sa collaboration.

Pourtant le rêve aura été permis puisque le PSG fait une saison européenne incroyable en éliminant Lyon, double champion en 2011 et 2012, au stade des 1/8è avec un doublé de Fatmire Alushi (nouvelle arrivée) et le Vfl Wolfsburg, champion en 2013 et 2014, avec une victoire à l’extérieur (0-2) qui compensera la défaite à Charlety (1-2). La finale européenne sera royale et les dirigeants du PSG, houspillés par Laura Georges, affrêteront un avion spécial pour emmener la Maire de Paris en Allemagne et voir malheureusement, le PSG plier à la dernière minute de jeu (92′) face à Frankfurt FFc, pour la quatrième fois champion d’Europe.

On pardonnera au PSG son élimination en Coupe de France face à Guingamp et on est face à une équipe qui a vu apparaître d’autres étrangères internationales (Berger, Caroline Seger) mais surtout des jeunes comme Katoto, Lahmari et Morroni ne perdant que Tobin Heath, oblige de rentrer aux USA pour jouer la Coupe du Monde 2015.

La question reste cependant la même. Le PSG n’arrive pas à avoir des titres quand l’Olympique Lyonnais y arrive en France et d’autres en Europe.

La saison catastrophique 2015-2016. Je l’ai souvent écrit. C’est l’environnement qui va peser très fort sur la performance du PSG. D’abord, au tournoi en Suisse bien que le PSG fera la finale et l’OL encaissera plus de buts que toute la saison réunie. Ensuite, dans la rencontre face à Montpellier (0-0) jouée au Camp Ooredoo ; puis les conflits avec les joueuses qui n’étaient pas titulaires (Asllani, Delie, Hamraoui) et surtout l’arrivée massive de nouvelles joueuses étrangères (Erika, Cristiane, Dahlkvist, Ebere, Mittag) internationales, posant des problèmes de concurrence ajoutées au départ obligé de Lindsey Horan, pressentie pour les JO de Rio par les USA.

Les joueuses sont professionnelles et on pressent l’habitude qui fait le lit des métiers. Quelques fois, l’enthousiasme et l’aventure n’y trouvent plus l’écho qui doivent être le leur. L’équipe n’est plus la même tout en étant potentiellement plus forte et le dynamisme apportée par la finale de la Ligue des Champions de l’an dernier n’est plus porté par les joueuses titulaires, qui n’étaient pas présentes dans cette aventure.

En fin de saison, l’équipe ne tiendra pas face à Montpellier en demi-finale de la Coupe de France (2-2 éliminée aux tab) et sera pulvérisée pr l’Olympique Lyonnais en demi-finale européenne (7-0 à Gerland) et (0-1 au Parc des Princes). Pourtant le PSG restera second en championnat avec soit 78, 79 ou 81 points ; se qualifiant pour la quatrième fois consécutivement en Women’s Champions League.

Les matches sont gagnés difficilement en Women’s Champions League et l’équipe ne se repose sur rien de nouveau et de concret pour affirmer qu’elle est meilleure. Elles savent qu’elles sont maintenant professionnelles, elles savent qu’elles devraient avoir cette seconde place qui pourtant va leur échapper pendant plus de la moitié du championnat, et le fait de la récupérer ne donnera pas pour autant un dynamisme porteur. Elle ne sera effectivement reprise que lors d’un face à face avec Montpellier, et cette position associée à des matches européens sans grande qualité et efficacité au score, donneront le « lit » à tous les arguments et critiques, porteurs d’un écho, qui, au fil du temps, sera destructeur.

Paris est toujours Paris (2è du championnat), sans être le Paris qui aura fait rêver. Une année habituelle qui tombera même dans le creux de la routine. Sans rêve.

Quel est le bilan de Farid Benstiti au PSG ? 

Le coach parisien aura réussi en championnat (quatre fois second) mais n’aura jamais réussi en Coupe pour obtenir un titre. Qu’elle soit de France (une seule finale en 2014) ou d’Europe (une seule finale en 2015). A l’inverse, il aura donné au PSG une carte de visite que personne n’a réussi à construire en si peu de temps, dans le football féminin, alors que la ressource est rare et qu’il est quasiment impossible de battre l’Olympique Lyonnais en si peu de temps. Ses adversaires auront été Juvisy qu’il aura vaincu, Lyon qu’il aura perdu et sa dernière année de contrat posant la question de son renouvellement.

Sur le plan des joueuses, il aura permis en décidant de mettre tout le groupe professionnel, à des joueuses de devenir des cadres internationales avec Lindsey Horan (USA), Kiedrzynek (Pol) Sabrina Delannoy (Fra), Kenza Dali (Fra), Aurélie Kaci (Fra), Kheira Hamraoui (Fra) et Jessica Houara D’Hommeaux en la replaçant latérale droite (Fra). Il aura eu des problèmes de management de joueuses avec Kosovare Asllani, Anjà Mittag, Annike Krahn dans une moindre mesure et des françaises en faisant des choix de concurrence et de style de jeu qui ont pu le pénaliser sur la durée, faute de main mise sur un des trois titres en jeu : Championnat de France, Coupe de France, Coupe d’Europe.

Sans lui le PSG ne serait pas ce qu’il est. Un grand d’Europe. Avec lui, le PSG aurait-il pu avoir un titre ? C’est la seule question. Philippe Boindrieux, responsable de la section féminine avait eu ses mots en 2012-2013, après la victoire à Maquin face à Juvisy qui avait donné pour la 1ère fois du cycle de Farid Benstiti, la seconde place européenne au PSG, après celle de Camillo Vaz en 2010-2011) : « le seul problème dans le championnat de France, c’est qu’il y a Lyon ».

Le coach de Saint-Etienne, Hervé Didier, ne disait pas moins : « Quand on avance, les autres avancent encore plus ». Lyon, ces quelques années a bien avancé. Il va falloir aller les chercher. Ce sera la nouvelle mission donnée à Patrice Lair. L’inter saison nous dira avec quels moyens.

William Commegrain lesfeminines.fr

source statistique : footofeminin.fr