Karine Lasalle est là. Au centre. Short noir. Maillot Jaune. Auparavant, les arbitres étaient tous en noirs. Certains les appelaient les corbeaux. Aujourd’hui, on pourrait leur donner le surnom de « canari » avec la tenue qui va bien et le sifflet que l’on entend fermement. Comme le chant d’un canari. Toujours à l’heure. Précis et enchanteur.  Enchanteur pour celui qui est défendu. Moins pour celui à qui la faute est sifflée.

Il y a un certain temps, j’avais dans mes clients un ancien joueur de football professionnel Jurilli Raphaël. Son frère était plus connu. Et bien, la première chose qu’il m’a dite c’était : « il n’y avait pas but ; je vous le dis, il n’y avait pas but ». Un match oublié où il portait les couleurs du Fc Metz. Une rapide visite sur google me semble préciser qu’il est toujours en vie. Je le salue. Un commercial en grand vins.

Combien d’arbitres on fait basculer un match ? Incroyable le nombre. L’importance de ce rôle central sur le jeu. Par l’application d’une règle. D’une appréciation. Bonne ou mauvaise. Un arbitre est un être de pouvoir.

Dans ce match entre Juvisy qui reçoit pour ne pas perdre et rester au contact de Montpellier (+1) dans un combat pour la 3ème place face à Guingamp qui joue un petit peu sa tête en D1 féminine ; Karine Lasalle se promène, tranquillement, à droite comme à gauche et à la voir aller devant derrière, gauche droite, une vérité me saute aux yeux : elle n’arrête jamais.

Quand vous être joueur, si le ballon est à l’opposé, vous trottinez, voire vous vous reposez. Une arbitre suit le ballon, un coup dans les pieds d’une équipe, ensuite dans les pieds de l’autre ; puis dans les pieds d’une équipe, puis dans l’autre. Je me vois sourire à l’idée de la tête fait par un arbitre espagnol qui apprend qu’il doit intervenir sur un match de Barcelone. Il ne s’arrête jamais ce ballon. Je ne peux m’empêcher de rires quand je l’imagine, à bout de souffle, donner un coup de pied au ballon pour le mettre en touche.

Un peu de respect quand même. Laissez-moi souffler. Et oui, être arbitre demande d’une part une très grande condition physique mais aussi une qualité rare de concentration pour pouvoir décider, dans l’instant, la décision que tout le monde acceptera. Les joueurs ou joueuses ne sont pas capables d’une telle maitrise quand, en fin de match, on les voit envoyer une mine dans les nuages.

On peut être fière d’être arbitre. Les réponses de Karine Lasalle ne disent pas autre chose, elle qui est passée de la 9è place en FF1 à la 6è cette saison 2015-2016.

Karine Lasalle, comment s’est passé votre parcours dans le monde de l’arbitrage ? 

« 15 ans d’arbitrage et je clôture ma 9ème saison en D1F Le football a évolué énormément en condition physique. Elle est super importante et au premier plan. On sait que l’on doit se préparer encore plus et encore mieux avec trois voire quatre entraînements par semaine. Les filles vont maintenant au contact. Elles veulent jouer. Elles deviennent très techniques et très physiques. Il faut vraiment avoir une très bonne condition physique.

On est là pour faire vivre le jeu

L’expérience fait beaucoup pour être arbitre centrale. Cela fait quelques années que je suis sur le terrain. On sent les choses avec l’expérience. On va les devancer aussi car j’étais footballeuse avant et je comprends le jeu et aujourd’hui, on sait que le développement du football féminin est tellement important que pour tous les matches, il y a des enjeux et il faut que l’on soit bonne.

On utilise des qualités physiques mais en plus des joueuses, il faut de la psychologie et de la pédagogie. 

Si on ne veut pas que cela prenne l’ampleur du football masculin où les joueurs râlent régulièrement. Si les filles voient que l’on est près des actions, que l’on est présent et qu’on leur parle et bien on a aucun souci. Il y a aussi la pédagogie, la psychologie. On est l’arbitre central mais on est là pour faire vivre le jeu et partager notre passion avec les filles. Le match d’aujourd’hui est un match qui s’est très bien passé.

Stéphanie Frappart, au niveau des hommes : un exemple. 

Stéphanie Frappart en Ligue 2 nous fait très plaisir car c’est aussi la valorisation de l’arbitrage féminin qui se développe aussi petit à petit comme on a pu le voir avec le football féminin. Stéphanie a fait beaucoup de concessions pour arriver à ce niveau là. Ce n’est pas trois entrainements par semaine, mais cinq. Une hygiène de vie exemplaire. Je la félicite car cela ne doit pas être facile pour elle et se mettre au niveau des hommes .. CHAPEAU !

Nous utilisons d’autres qualités et nous vivons la même passion : le football. 

Pour être arbitre féminin, c’est se dire aussi : je ne suis as assez bonne au niveau football, j’ai envie de rester dans le milieu du football et ma passion, je vais faire autre chose et je vais devenir arbitre. Je vais être aussi sur le terrain avec les filles. Je partagerais ma passion avec les filles. C’est différent mais quand on n’a pas les capacités de faire une chose, on peut avoir les capacités de faire autre chose.

C’est un message que je lance souvent dans les clubs où je vais régulièrement. J’essaie d’emmener les jeunes à l’arbitrage car on prend pas uniquement du plaisir avec la balle au pied mais aussi au centre du terrain avec le sifflet.

Chez les filles, l’arbitre est un partenaire du jeu. 

Chez les filles l’arbitre n’est pas encore un opposant mais il est surtout un partenaire du jeu. On a beaucoup de respect pour les filles et les filles ont beaucoup de respect pour nous. On a encore cet esprit là, de vouloir jouer c’est pourquoi on est beaucoup moins contesté. On est aussi capable de pouvoir parler aux joueuses, sans partir dans de grands discours. On leur explique nos décisions, elles le comprennent très bien et là, la communication se fait sur le terrain. Peut-être plus que chez les garçons.

Bien qu’au niveau de la fédération, elle nous invite à être pédagogue et psychologue sur le terrain. On est pas là pour casser les équipes. »

Un jour, un enfant tapera à la porte des arbitres et dira : « Je peux avoir un maillot. Pour rêver ou faire rêver ».

Ce jour là, les arbitres, femmes comme hommes, seront grands. Cela passe par nous tous. A écouter le sifflet de « l’arbitre-canari », autrement.

William Commegrain lesfeminines.fr