Il y a un match, et il y a l’après-match ensuite. Aucun club associatif n’existe sans ce moment si particulier où ce ne sont plus les joueuses qui portent les couleurs du club mais un ensemble de personnes, de 7 à 77 ans dirait la maxime chère à Hergé pour que tous et toutes se reconnaissent, au même son des battements de cœur.

Dans ces après-matches que l’histoire du rugby a transformé en 3ème mi-temps, on y trouve ces moments particuliers qui forgent et forment un club.

Invité extérieur, je ne peux que décrire ce que j’ai vu et ressenti, et qui me semble être la signature de ce qui fait dans le monde associatif, qu’il soit amateur ou professionnel. Un esprit de famille.

Pour le Fcf Juvisy, cela s’est fait dans un stade qui parait immense à tout premier spectateur mais qui avait ouvert sa salle d’accueil pour une centaine de personnes et recevoir -non pas seulement Bruno Bini pour un cadeau de départ- mais aussi et tout autant, des personnes qui avaient le cœur et le mot Juvisien prononcé bien haut, dans leur parcours comme dans leur Histoire.

Je ne sais plus comment elle s’appelle. Je ne la connaissais pas. J’ai juste vu qu’elle rougissait et j’ai imaginé l’artiste du moment, donner de la couleur blanche à cette chevelure poivre et sel, derrière un bouquet printanier qui mélangeait les couleurs de la Nature à celle de ses joues rougissantes. Le club fêtait l’anniversaire d’une bénévole, qui d’habitude, fidèle parmi les fidèles, pose son coeur à la buvette de ce grand stade et qui doit connaître, plus que tout le monde, ce que « sondage » veut dire, à entendre tous les commentaires de milieu de match.

Nous savons comment elles s’appellent, ceux et celles qui suivent le football féminin. Elles ont porté le maillot, elles ont porté les maillots. Elles connaissent le football féminin. Et pourtant, c’est toujours ainsi. Devant les honneurs et l’émotion, on découvre toujours les autres. Personnages publiques, elles donnent de la voix à la télévision et ont été les précurseuses de ces commentaires professionnels pour un sport qui a sa rigueur et son exigence sans en avoir encore les excès. Il s’agit de Nadia Benmokhtar et de Laure Lepailleur. Deux maillots, deux numéros encadrés dans un cadre. Souvenirs de jeu et d’enjeu. Elles sont saluées et fêtées. Il leur est fait Honneur. Cadeaux du coeur qui ira, trôner, là où, quand le regard se tourne vers le passé, tel un parfum, les souvenirs emporteront l’émotion pour réchauffer l’âme et l’instant.

Puis le dernier cadeau de famille est pour Bruno Bini. A ce moment, il est évident qu’il n’est pas le sélectionneur. Juvisy fête un homme. C’est avant tout un homme qui part. Les mots de celui qui parle plus longtemps et plus haut que tous porte ce ton d’émotion qui convient au moment. L’homme reçoit un cadeau, pas encore un hommage. Il est bien là, vivant et plein d’allant. Seule l’absence à venir marquera encore plus ce moment.

Habitué des coeurs, il aura ces deux mots qui n’auront pas d’autres destinations que de dire cette vérité, sa vérité : je joue toujours mes deux numéros préférés, le 6 et le 17. Il finira par dire essentiel : sa canne droite et sa canne gauche. Le message est passé. Elles sont là. N’attendent rien, ne demandent rien. Elles le savent. C’est une vérité. C’est leur Histoire, c’est une grande partie de l’Histoire de l’équipe de France. Quand un homme pudique livre une partie de son cœur, c’est un sacré patrimoine que de l’entendre.

Alors, les filles se mettent à chanter. Le chant de Juvisy. Non pas pris par l’émotion mais plutôt par l’envie. Je ne l’avais jamais entendu. C’est leur chant. J’ai souris. La première idée qui m’est venu : c’était de les imaginer le chanter, elles qui prennent si souvent le train, quand la casquette des contrôleurs se profilent à l’horizon. Un chant vif et alerte qui finit en coup de poing.

La surprise des uns, le jeu des autres.

Un petit bonhomme dormait. Dans 20 ans, il chantera. Même bien avant. Esprit de famille.

William Commegrain lesfeminines.fr